Isabelle l'après-midi /
Douglas Kennedy
Quelle claque que ce roman ! Quelle histoire !
Jeune étudiant américain en vadrouille dans le Paris des années 1970, Samuel fait une rencontre à la porte d'une librairie. Elle s'appelle Isabelle. Sam est un néophyte en amour. Il a eu quelques aventures chez lui en Amérique mais sans lendemain. Il est un peu perdu dans cette ville car il ne sait rien de la vie.
Aujourd'hui, des décennies plus tard, Sam raconte cette vie parisienne éphémère mais qui fut essentielle dans son existence, un temps et un endroit uniques, un tournant dans sa vie, où il a croisé le chemin du bonheur.
En 1970, il ne parle pas bien français et il est anxieux face à cette liberté qui s'offre à lui. Il a eu une enfance douloureuse et vit avec ce passé comme un poids permanent.
Alors oui ! elle s'appelle Isabelle. Elle est belle, rousse …et mariée ! Elle a trente-huit ans, il en a vingt-quatre Il est ébloui par la chance qu'il a de l'avoir rencontrée et son anxiété est exacerbée à la pensée qu'il peut la perdre, tant il se sent inexpérimenté au cours de cette première rencontre avec la passion véritable, ce sentiment qui crée une tension terrible fluctuant entre l'euphorie et la perspective de voir tout ce bonheur s'évanouir. Elle est tout pour lui, il est follement amoureux mais il sent douloureusement qu'elle reste hors de sa portée.
Une passion folle nait alors entre Sam et Isabelle, et trois fois par semaine de cinq à sept, ils se retrouvent dans un petit studio qu'habite Isabelle, où elle travaille à l'écriture de scénarios pour séries : c'est une succession d'instants volés et de rendez-vous clandestins pour vivre l'amour au plus que parfait. Isabelle est une maîtresse en la matière et enseigne à Sam trop fougueux, ce qui toutefois ne lui déplait pas, comment prendre son temps pour arriver au plaisir. de belles pages bien écrites évoquant la symphonie parfaite des corps, avec Isabelle en chef d'orchestre.
Mais Sam veut toujours plus et Isabelle, qui lui a ouvert les portes d'une vie nouvelle, n'est certainement pas prête à sacrifier son couple avec Charles, son mari.
La passion saura-t-elle résister au quotidien dont Isabelle apprend à Sam qu'il faut s'en méfier, aux épreuves de la vie et au temps qui passe inexorablement. L'éloignement sera-t-il déterminant lorsque Sam devra rentrer au pays pour poursuivre sa maîtrise en droit ?
Dans un style merveilleusement simple et efficace, comme toujours chez
Douglas Kennedy, le récit de cette passion se poursuit, bouleversant et riche de sensualité mais aussi de violence. Une analyse psychologique parfaitement ciselée des personnages nous les fait connaître comme s'ils étaient de nos proches. La passion et la liaison amoureuse offre bien sûr tout un éventail de situations conflictuelles induites que l'auteur nous restitue avec un rare talent pour nous offrir un véritable thriller psychologique se déroulant sur rythme haletant et souvent dans une douleur liée à une passion dévorante abolissant toutes les bonnes résolutions.
On connaissait le talent de
Douglas Kennedy pour nous offrir des histoires prenantes aux dialogues percutants et pleins de sujets à réflexion : dans ce roman il atteint le sommet de son art, à mon avis.
Extraits :
« Il ne faut jamais sous-estimer la puissance érotique d'un échange de banalités avec une personne qui nous a plu dès le premier regard et qui nous inspire des sentiments grandissants. »
« le silence n'était pour nous rien d'autre que le signe que nous étions suffisamment à l'aise en présence de l'autre pour nous taire. »
« Souvent nous effaçons les détails qui risqueraient de gâcher les souvenirs parfaits projetés sur l'écran de notre mémoire. »
« La haine n'est qu'une version corrompue de l'amour. »
« Il suffit d'une fausse note dans la symphonie du hasard pour précipiter un couple dans la mésentente. »
« le plus grand mystère de la vie n'est pas la personne auprès de laquelle on cherche l'amour. le plus grand mystère réside en nous-même. »