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« Je suis Breton ! » m'écrié-je et les ténèbres répondent : « Les poissons de la mer parlent breton. »

Jack, las de son quotidien chaotique, part se retirer sur la côte Ouest. Apaisé puis peu à peu tétanisé par le sublime primitif des lieux, notre héros beatnik se retrouve balloté entre détente et détresse, entre pastorale enchanteresse et descente aux enfers. Baigné dans cette atmosphère qui tour à tour le berce et l'oppresse, il « apprend à redevenir poisson », captif de ce bouleversant paradis perdu virgilien qui le rappelle à sa condition de simple et ridicule mortel – poussière dans ce décor millénaire.

Jack est tiraillé entre son besoin de solitude, de vrai, et son penchant pour le sensible, le brûlant, l'échange. La sobriété, ses ténèbres et ses poissons mythologiques d'un côté... l'aquarium et ses très addictifs – et très rassurants – artifices, de l'autre.

Les passages sur l'alcoolisme (fléau qui décime, par chez nous) sont très beaux et m'ont particulièrement touchée. Kerouac met des mots sur ce désespoir, donne une voix à ces yeux vitreux, à ceux qui se sentent trahir chaque jour un peu plus ceux qui les ont mis au monde. Roman de la mélancolie et de la résignation, de ceux qui sombrent, dénigrés, en silence – rien de glorieux, juste une envie de comprendre et d'appartenir et une incapacité viscérale (douloureuse) à y parvenir.

Je m'intéresse de plus en plus à ces récits de voyages intérieurs, réminiscences romancées, et je dois dire que comparé à celle de Proust (dont il s'inspire, dans la démarche), sa « Recherche » me plait beaucoup plus. Il ne cherche pas à se mettre en valeur ou à briller, ni à sublimer son ridicule et ses regrets. Au contraire, c'est une étude généreuse, travaillée, structurée (et le voilà, le sublime), qui s'organise en petits tableaux : chaque moment son portrait et son décor, chaque portrait – fragment-clé de l'énigme – son sens au sein de la fresque.

Je ne pensais pas apprécier autant cette lecture que j'imaginais être une autobio nombriliste comme tant d'autres, c'est tout sauf le cas. J'y ai vu un peu de Fante, De Balzac, de Daudet, et je compte bien poursuivre mon exploration de cette épopée kerouach'ienne.
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Ivresse éthylique et sensibilité artistique.

Où nous retrouvons notre écorché Jack qui tente de s'échapper du tourbillon d'un monde urbain qu'il ne comprend décidément pas et faisant suite à sa renommée nouvellement acquise. Il vient trouver refuge dans une cabane à Big Sur sur la côte californienne engoncée dans une nature époustouflante. Mais ses mauvais démons le retrouvent et de délires fiévreux à des réflexions philosophico-déprimantes, notre angoissé dépressif va finalement retrouver ses amis de beuverie... Les virées orgiaques reprennent et Jack est de nouveau aspiré dans une spirale désordonnée pour soulager son hypersensibilité artistique.
Un ouvrage poignant sur un être en souffrance, recherchant des réponses improbables sur le sens d'une vie frôlant l'absurde.
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« Je me considère comme le plus grand misérable, le plus sale individu de la terre ; mes cheveux emmêlés par le vent se sont rabattus sur ma face stupide d'idiot profond, la gueule de bois a fait pénétrer la paranoïa en moi, jusque dans les moindres fibres de mon être. »

Il faut avouer qu'en matière de gueule de bois Jack Kerouac était spécialiste. Au-delà même de ce qu'il est possible à un organisme humain d'endurer… Ce roman me paraît être un récit, à peine transposé, d'une période difficile de sa vie, pendant l'été 1960. Un ami lui prête une maisonnette perdue dans la nature désolée de la côte sauvage de Big Sur.

La côte est très découpée, mais la plage est accessible et Jack Duluoz, le narrateur, y passera ses nuits à écrire de la poésie en écoutant le ressac. Il avait prévu d'y passer plusieurs semaines absolument seul, pour se ressourcer.
Il tiendra trois semaines avant de retourner à San Francisco, où ses nombreux amis l'attendent et où des beuveries sans fin et des liaisons amoureuses compliquées le pousseront à bout.

Les premiers jours de retraite semblaient pourtant idylliques mais rapidement Jack sent monter en lui de la dépression et de l'angoisse. Il n'y a pas vraiment de suspense car Jack révèle qu'il a connu là-bas, à son retour dans cet ermitage finalement très peuplé, un épisode effrayant de paranoïa et de delirium tremens.

Je me suis plongé dans ce roman de Jack Kerouac car ce site de Big Sur était aussi le cadre du premier roman de Richard Brautigan, « le général sudiste de Big Sur ». Mais là où la poésie douce-amère de Brautigan fait merveille, je dois avouer que ce roman trop sombre et répétitif est une déception. Il n'est vraiment pas « aimable ».

Il me reste encore un roman à découvrir dans mon périple « Big Sur » : celui d'Henry Miller, « Jérôme Bosch et les oranges de Big Sur », que je lirai prochainement.
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Ce n'est pas le livre le plus réputé du fameux beatnik réactionnaire Jack Kerouac cela ne l'empêche pas d'être tout de même très bien. L'ami Ti Jean est déjà assez étiolé, mais il est surtout très enquiquiné par tout ce qu'il avait inventé à l'insu de son plein gré : les beatniks, les hippies, la contre-culture ce genre de trucs et machins dépeignés qui le fatiguent bien plus qu'autre chose. le voilà donc réfugié loin du brouhaha beat à Big Sur sur les bords du Pacifique. Plus panthéiste, bouddhiste et vieux catholique en loucedé qu'autre chose il se noie dans la nature, habite dans une cahute qui ressemble à une grotte augiérasienne, parle aux étoiles et bois un plus que de raison… Évidemment, tout cela ne dure pas, l'ennui, le mal-être, la solitude lui pèsent sur les omoplates avec une lourdeur tout ontologique. Même la nature semble lui en vouloir et le voilà bientôt de retour dans la ville brumeuse si mal célébrée par Scott McKenzie et Maxime le Forestier. En somme, la boucle est bouclée, et la boucle est pour le moins méphistophélique.
Puisque j'ai encore la langue un peu levée, je profite de mon bref passage en ces lieux pour vous signaler que l'ami Kerouac, et notamment l'ami Kerouac terminal, était un type très bien. Un type libre de se tuer dans l'alcool. Libre de se gâcher et de ne rien donner à ce consortium problématique que forme la société. Libre de ne pas être concerné par un monde offrant toute une gamme de pesanteurs mordorées. Libre de ne pas être politique au sens merdeux. Nouveau Redneck, il se réfugie dans les jupes de sa génitrice entre deux delirium tremens … On le trouve puant de conformisme, alors que lui n'est que désolation, entre son frère mort, ses problèmes d'identités mal assumés, une vraie féerie morose. Tout ça finira mal dans un genre de glauque divertimento franco-canadien au milieu des reptiles et de la fièvre. Ensuite, le silence, la mort… Les écrits restent.
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Deuxième lecture 20 ans plus tard et aucune déception. Je retrouve intact mes impressions du récit pathétique (au sens littéraire) d'un homme hypersensible, dépassé par sa notoriété, ne se reconnaissant plus dans le personnage qui l'a rendu célèbre.
La retraite de Jack Duluoz à Big Sur, sur les côtés escarpées californiennes qui dominent le fracas de l'océan Pacifique, commence pourtant bien. Il est seul dans sa cabane, une rivière court gentiment à quelques mètres, la nature l'entoure. Jack Duluoz a vieilli, s'est mis au zen et respecte la moindre vie rencontrée. Mais, au creux de ces vagues violentes qui s'écrasent sur la côte se blottit un pressentiment de folie, celle qui va gagner Jack petit-à-petit.
Alcoolique, instable, angoissé, Jack recommence après quelques semaines cette vie frénétique de rencontres et beuveries, les allers-retours parfois stériles d'un ami à un autre, les soirées pleines d'adrénaline avec Cody alias Dean Moriarty dans Sur la Route alias Neil Cassady dans la vraie vie qui, lui, est casé, apaisé depuis sa sortie de prison et que j'ai retrouvé avec plaisir dans ce roman.
On est loin de la liberté éprouvée dans Sur la Route, ce que reproche certains lecteurs de ce livre, mais pour l'auteur, même si le succès de ce roman est récent, cette partie de sa vie fait partie d'une jeunesse maintenant passée. Ici on aborde la déchéance de l'auteur qu'il décrit avec une réelle sincérité, et on lit le roman comme si on était tout près de lui à vivre ses tourments en direct.
Sans doute une lecture qui ne touchera pas tout le monde, mais pour les fans de Kerouac, une retrouvaille bouleversante.



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Comme je le souhaitais, ce roman m'a fait voyager. J'apprécie la plume et le côté décalé de Jack Kerouac. Certaines réflexions sont fortes et nous percutent. Quelques petites choses liées à l'époque m'ont dérangée, mais j'ai su m'en détacher pour apprécier ma lecture.
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« Après l'ivresse, la gueule de bois » pourrait être une très bonne façon de résumer Big Sur. Après moult abus en tous genres, notamment en lien avec le succès rencontré au fil des publications, ayant fini par mener Ti Jean, alter ego romanesque de Jack Kerouac, à la limite de la folie, celui-ci décide de s'exiler à Big Sur, dans une cabane à l'écart prêtée par un ami de San Francisco, pour se retrouver, et plus encore retrouver un souffle qui va lui permettre de repartir d'un meilleur pied, autour professionnellement que personnellement. Ou pas… Car cette escapade en pleine nature ne va pas avoir les effets escomptés, bien au contraire : la gueule de bois ne va en être que plus cauchemardesque…

Après avoir été déçue par Les clochards célestes que je trouvais foncièrement trop académique, et une incursion romanesque plus classique, mais amplement justifiée, avec The Town And The City, je retrouve enfin dans ce roman la patte de Kerouac qui m'avait manquée. En résumé, c'est autant le bordel sur sa plume que dans sa tête, chose parfaitement bien retranscrite par cette incursion à Frisco et ses alentours, incursion qui prend d'ailleurs une tournure de plus en plus tragique et pathétique à la vue du délitement de notre narrateur s'enfonçant de plus en plus profondément dans les affres de l'alcoolisme et de ses malheureuses conséquences – delirium tremens, difficultés sociales et psychologiques que les abus d'alcool entraînent… Mais malgré tout, la plume, bien que fragile, n'en reste pas moins vivace et percutante, capable de montrer le meilleur comme le pire de tout ce qui nous entoure, lieu, chose, personne, et plus encore de celui qui la tient.

Un grand Kerouac en somme, que j'ai apprécié lire pour débuter l'année.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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En général, quand je dis qu'un livre m'a passionnée, le terme n'est peut être pas exact : pour celui ci, ça l'est, tant la fièvre de l'auteur m'a percutée jusque dans les plus intimes filaments de mon être. La passion dévorante de Kerouac pour le monde qu'il va chercher et pénétrer dans toute sa charge démentielle- Big Sur -, tressaille dans l'âme des mots. On est loin d'un séjour en pleine nature reposant et salvateur. La ville et ce grand canyon californien de Big Sur sont des pôles infernaux que l'auteur ne cesse de fuir et de retrouver avec espoir et chocs furieux, haletants, jusqu'à la lisière de la folie.

Quel sens du détail et de l'Idée, rendue palpitante et crédible par cette plume toujours aussi fournie et novatrice. On les sent en nous, les divagations de Kerouac, on sent aussi les mots qui en eux même sont un jeu, des petits coeurs battants et colorés. J'ai déjà émis mon avis enchanté dans un post précédent, faisant part de deux extraits. Cette lecture touchant à sa fin, je peux dire maintenant que j'ai assisté à une véritable symphonie de la pensée et de la vie, vie tourmentée, extatique, mise parfois sous silence par des moments anecdotiques, tout autant essentiels et chargés de grâce. Ce livre, aussi complexe à lire - et quelle belle complexité - qu'à décrire, est pour moi, au demeurant, un incontournable de la littérature. Et Kerouac rage sur son statut de "Roi des beatniks", il se livre ici beaucoup plus intégralement, plus essentiellement, en mettant au grand jour ses superstitions mystiques et profondes, en partie nées de son catholicisme.Ses doutes, ses angoisses m'ont fait grand écho, je l'admets. Ah Kerouac, l'éternel vivant, l'éternel mordu.

"Les livres, pouah! Ce cauchemar me fait dire que , si un jour je réussis à me tirer de là, c'est avec grand plaisir que je me ferai ouvrier d'usine et que je fermerai ma grande gueule "
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Kerouac, l'anticonformiste, le poète, le "roi des beatniks", fait le point sur sa vie cinq ans après "La route". Cinq ans de vie sous perfusion éthylique. Un jour, il décide de trouver un peu de quiétude et de fuir la ville de San Francisco et ses nombreuses sollicitations - tout le monde veut voir la grande célébrité et boire un coup - pour se réfugier dans la cabane d'un ami à Big Sur. le repos du guerrier se résume à un retour à la nature mais la solitude l'étreint au bout de deux semaines. Alors il va faire venir ses amis à Big Sur pour recommencer ce qu'il faisait à San Francisco... Ce roman autobiographique m'a paru au premier abord gentillet. Pourtant, après réflexion, il représente ce courant contraire, à la marge, choquant pour l'époque mais si important, qui a traversé les années 60 aux Etats-Unis puis ailleurs.
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Il y a quelques années j'avoue être passé à côté de son roman « Sur la route » peut-être parce que je m'attendais à autre chose. Je n'avais pas bien saisi cette folie, leur philosophie était de vivre l'instant en ce brûlant les ailes mais de tout dévorer jusqu'à l'autodestruction. Bien sûr la fougue de la jeunesse ne fait pas prendre conscience que les excès sont dangereux bien au contraire même.
Et dans Big Sur Kerouac réalise qu'il est déjà allé trop loin dans cette vie dissolue et le pire c'est que finalement le succès et cette folie beatnik sera pour lui une malédiction qu'il n'arrive pas à gérer car elle l'enfonce encore davantage, et plus que jamais il est en proie à ses vieux démons.
Il est entouré mais finalement seul, profondément seul.
C'est un livre bouleversant, le lecteur est impuissant et assiste finalement à une vraie perdition.
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