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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Même si toute guerre est meurtrière, la Seconde Guerre Mondiale se distingue des autres conflits par la Shoah, ce traumatisme profond qui continue à faire couler beaucoup d'encre, même parmi les écrivains contemporains. Quand on porte un regard objectif sur la production littéraire des soixante-dix dernières années, on constate qu'auteurs et public restent "fascinés" par l'extermination massive des Juifs par les Nazis.

Imre Kertész (1929-2016), écrivain hongrois juif, récipiendaire du prix Nobel de littérature 2002, est un survivant des "camps de la mort". Son roman "Etre sans destin" est un récit autobiographique écrit dans les années 60 mais publié seulement en 1975. Tout comme son narrateur, il fut arrêté, adolescent, à Budapest, puis déporté à Auschwitz et à Buchenwald. A travers le témoignage littéraire d'Imre Kertész, la fiction cède rapidement le pas à la réalité atroce et difficilement concevable des camps de concentration et d'extermination.

Bouleversant comme la grande majorité des récits sur la période, "Etre sans destin" tire son "originalité" non seulement de son caractère autobiographique poignant mais également du regard qu'il offre sur la Hongrie, une nation dont on parle peu en cours d'histoire et qui commit pourtant le crime de suivre Hitler dans son utopie politique et raciale. Aux côtés du narrateur, le lecteur vit l'expérience traumatisante de l'arrestation arbitraire, du manque d'informations, de l'impossibilité de comprendre la situation, de l'incapacité des victimes à agir pour leur libération et de l'engrenage infernal des jours de captivité.

A l'issue de la lecture, impossible de ne pas ressentir profondément les traumatismes du nazisme, ni de faire le lien avec les génocides actuels, que ce soit celui des homosexuels en Tchétchénie ou ceux qui frappent les Africains subsahariens. On pourrait penser que la Shoah, par son ampleur et ses séquelles, fut l'apogée d'une barbarie à jamais archivée mais force est de constater que l'Homme a la mémoire désespérément courte.

J'ai conscience que le mot "traumatisme" revient dans ce billet avec une régularité désespérante mais aucun autre terme ne me semble plus approprié à employer.


Challenge Petit Bac 2016 - 2017
Challenge ATOUT PRIX 2017
Challenge NOBEL
Challenge AUTOUR DU MONDE
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Etre sans destin est un roman autobiographique apportant un regard particulier et original sur la Shoah en Hongrie. La narrateur est un jeune adolescent habitant dans un immeuble occupé apparemment exclusivement par des juifs, à Budapest, avec son père et sa belle-mère, alors que ce dernier s'apprête à partir pour le STO. Etoile jaune, ticket de rationnement, antisémitisme galopant, rumeurs optimistes et trompeuses, puis promulgations de nouvelles dispositions restrictives contre les juifs : le roman témoigne du quotidien de la guerre et de la vie de la communauté israélite.

Le style simpliste de la narration est celui d'un adolescent assez naïf, spectateur ahuri, totalement ballotté par les événements et semblant étranger à ce qui lui arrivent; le lecteur est saisi par une sensation d'irréalité, d'absurdité presque. La rafle, le parcage des juifs à l'écurie de la gendarmerie, puis dans une briqueterie, le dépouillement des effets personnels et des valeurs : tout ce fait en bon ordre, docilement, sans révolte. Viendront ensuite le départ en train à bestiaux, l'arrivée à Auschwitz Birkenau, l'expérience du cynisme, de la manipulation, du conditionnement, afin de mener l'action d'expropriation et d'extermination à bonne fin, puis le transfert à Buchenwald dont l'aspect et la vie sont jugés moins cauchemardesques, presque bucoliques (!) par le narrateur, et pour finir son placement à Zeitz. le temps s'écoule dans le travail forcé puis s'allonge dans la convalescence, l'ennui, l'attente, la faim; le tout est raconté par un témoin rien moins qu'omniscient, oscillant entre stupéfaction, incrédulité, fascination, dans un état quasi hypnotique; l'inconcevable, l'indicible, est suggéré, entrevu, partiellement compris, sans être vraiment analysé.

Ce qui marque le lecteur c'est le ton de la narration assez dérangeant. Parfois on à du mal à faire la part des choses entre naïveté, ironie ou franc cynisme : on est mal à l'aise. Un livre fort qui se démarque vraiment par sa narration de la Soah.
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Je croyais lire une autobiographie d'un rescapé d'un camp de concentration. Je croyais avoir assez lu pour entreprendre ce récit. Mais il s'est avéré que non. Ce livre mi-autobiographique mi-fiction révèle l'horreur des camps mais d'une manière à laquelle je n'étais pas préparée: avec détachement.

Un adolescent de quinze ans voit son père se préparer à quitter la maison familiale pour un camp de travail et il avoue qu'il ne ressent pas grand chose. Il essaie cependant de pleurer parce qu'il pense que c'est la réaction à adopter. Quand il est arrêté pour être conduit à Auschwitz, il accepte les ordres des adultes sans broncher et trouve les soldats assez beaux dans leurs costumes.

Petit à petit, il essaie de comprendre ce qu'on attend de lui et il saisit qu'on en exige rien, à part obéir aux ordres et suivre le mouvement. Il ne se pose pas de questions quand il est transféré à Buchenwald. Il accepte sans révolte.Il voit son corps se transformer et en est réduit à un être un repas pour les vermines et les puces.

Finalement, le camp est libéré et il rentre chez lui.

Et tout se joue durant ces dernières pages. le récit devient encore plus bouleversant car on sent enfin une réelle prise de conscience de ce qu'il a vécu. Il n'essaie pas de fuir et encore moins de se soustraire aux ordres. Il se réfugie dans son imagination et ça lui suffit. Il accepte les coups et le fait de voir ses « amis » mourir.

Heureusement que ce genre de récit existe, heureusement que l'auteur (prix Nobel de la littérature en 2002) ne va pas dans la facilité pour nous faire pleurer. Ce n'est pas son but. Il veut nous montrer que le destin de ces hommes qui ont vécu le pire et qui l'ont accepté.

L'écriture est simple et offre peu de dialogues, la place étant accordée aux réflexions de l'adolescent. C'est glaçant car le lecteur sait ce qu'il se passait réellement dans ces camps tandis que le personnage ne cherche pas plus loin, il voit et accepte.

N.B: paroles de Imre Kertész (décédé le 16 mars 2016) : » Dans «Etre sans destin», j'ai raconté cet état où l'on vous confisque votre vécu et votre identité. Cette absence de destin. Primo Levi, lui, était un humaniste. C'était un homme moralement indigné par Auschwitz. Moi non. Auschwitz a été une école pour moi. »
Lien : https://pagesversicolores.wo..
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Un livre fort et bouleversant, autobiographique, qui raconte la situation d'un Juif à Budapest pendant la seconde guerre mondiale, puis dans un camp de concentration. L'arrivée de l'étoile jaune, marque d'infamie et de discriminations, mais qui permit aussi aux Juifs de se reconnaitre et fit naitre un sentiment d'intérêt communautaire... Les différentes réactions des voisins, des différents Juifs aussi, entre ceux qui pensent que ce qui leur arrive est une punition divine, ceux qui cherchent à plaire aux Allemands pour éviter le pire, ceux qui s'accrochent à une victoire alliée.

Le livre est également une réflexion sur les notions de destin et de liberté, pour l'auteur incompatibles. Il se termine avec une phrase provocante sur « le bonheur dans les camps », qui pour l'auteur a existé aussi. Si être en camp de concentration était son destin, rien ne servait de se lamenter sur l'injustice de la situation, sur son innocence. Ce fut ça sa vie, non un accident, ça son destin. Un livre intéressant et vraiment marquant.
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Un témoignage poignant de la vie dans les camps de concentration, à travers le regard d'un jeune hongrois juif de 14 ans déporté à Auschwitz puis Bunchendal. Une descente aux enfers tragique et programmée par le travail forcé, la violence, l'inhumanité, la faim, la maladie, la souffrance et le cynisme humain. Ce jeune hongrois survivra aux camps de concentration... mais survivra à la vie? Comme peut on vivre après vécu pareille expérience ? Comment sortir indemne ?
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Avec ce titre à double signification (le premier, littéral : un être humain sans avenir ; le second comme affirmation de la liberté absolue de l'homme qui n'est attaché à aucun destin), Imre Kertesz nous offre un récit autobiographique sur sa déportation à Auschwitz très troublant. le ton est distant avec cette histoire qui a plus de 30 ans quand Être sans destin est publié. Il est presque léger, n'a pas la torpeur du texte de Primo Levi, alors qu'il conte les mêmes horreurs. Loin du manichéisme supposé, Imre Kertesz explore toutes les nuances de son expérience concentrationnaire, révélant les mécanismes et la logique interne du camp : la dureté des hommes, celle des Allemands bien sûr mais, pis, celle des autres prisonniers: ceux qui n'aiment pas les juifs, ceux qui n'aiment pas les Hongrois, ceux qui se plaignent de ceux qui les retardent ...
Interné au camp de concentration de Zeits où il travaille jusqu'à l'épuisement, il passe l'hiver à l'infirmerie où il est soigné par des médecins d'origines diverses. Fut-ce l'enfer ? Kertesz dit ne pas le savoir, puisqu'il n'est pas allé en enfer. Il est allé dans un camp de concentration dont l'horreur fut supportée seulement parce qu'elle se laissait voir jour après jour, sans que rien ne fut révélé de la suite des évènements.
A son retour, Kertesz fut confronté au silence de ses compatriotes, qui lui dirent d'oublier. Alors, il n'oublia pas. Il écrivit.
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En 2005, dans son discours pour la réception de son prix Nobel, Imre Kertesz raconte que le directeur du mémorial de Buchenwald lui a récemment envoyé un document attestant de sa mort dans ce camp le 18 février 1945. Son principal roman, Etre sans destin, raconte l'enchaînement des événements qui conduit un jeune adolescent juif jusqu'au quasi anéantissement dans un camp nazi. le récit se déploie de manière linéaire avant et après la vie au camp, en passant par le jour où il est arrêté et le jour où, devenu totalement invalide, il croit être conduit vers l'extermination. C'est ce jour-là que les autorités du camp le déclareront mort. Il prendra progressivement conscience qu'une organisation secrète du camp l'a pris en charge et tente de le guérir.
Roman de l'absurde dont le style rappelle celui de l'Etranger de Camus, Etre sans destin nous plonge dans les mécanismes du totalitarisme qui changent un homme à peine constitué en un objet, un simple numéro qui n'a d'autre choix que de suivre les événements d'un point de vue extérieur, même quand ceux-ci, décidant de ses jours, le concernent au plus haut point. Beaucoup moins explicatif que Si c'est un homme de Primo Levi, ce roman pourra dérouter ceux qui cherchent à comprendre comment fonctionnaient les camps de la mort. Mais c'est leur absurdité, leur implacable inhumanité que l'on perçoit avec plus de force.
Lien : https://balises.bpi.fr/litte..
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Tout d'abord je me suis dit : encore un livre sur la déportation et puis, j'ai essayé et j'ai aimé cette histoire touchante et j'ai bien envie de lire d'autres ouvrages de cet auteur hongrois récemment disparu.
Un jeune ado de 15 ans à Budapest, son père étant parti dans un camp de travail, deux mois plus tard est réquisitionné pour travailler dans une société « Raffineries de pétrole Shell »comme maçon : la raffinerie a été bombardée et avec les autres ouvriers il doit réparer. Un travail qu'il prend avec beaucoup de philosophie alors qu'à son âge, il serait mieux sur les bancs de l'école. Un jour, pour se rendre à son travail, il monte dans un bus qui par malchance est arrêté par un policier qui demande à ce que les juifs en descendent. Et regroupé avec plusieurs autres de son âge, il est acheminé à Auschwitz où il reste quelque temps avant de partir à Buchenwald puis à Zeitz. Il raconte sa vie dans les différents camps de concentration avec beaucoup d'ingénuité : un candide qui se serait égaré dans un no-man's land. C'est naïf, simple mais cela a des accents de vérité. Pas étonnant qu'Imre Kertész ait obtenu le prix Nobel.
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J'ai lu de nombreux livres, témoignages sur la Shoah, la déportation et l'extermination des juifs, mais celui-ci est différent. Irme Kertész écrit sur l'année qu'il a passée à Auswitch, Buchenwald puis son retour à Budapest alors qu'il n'avait pas encore quinze ans....... Ce n'est pas un témoignage au sens strict, ni un roman, c'est un récit autobiographique. Pour prendre de la distance avec cette époque et ce qu'il a vécu il a choisi de le raconter en mettant en scène un autre lui même, Gyurka, dans ce livre bouleversant et terrifiant.

Le lecteur est dans le camp, pour être plus précis le lecteur est dans la tête du jeune qui se retrouve dans une situation absurde et incompréhensible.

En 1945 alors qu'il est dans un bus pour se rendre à son travail,Gyurka et les autres voyageurs sont arrêtés par un gendarme et c'est là que tout commence. Il pense qu'il est arrêté par erreur (comme beaucoup d'autres d'ailleurs; et que ce contretemps sera de courte durée. Il n'imagine pas que le train à bestiaux où il est enfermé avec tous les autres et où ils meurent de soif, les conduit vers la mort. Il admire les soldats allemands qu'il trouve organisés et pimpants. Arrivé au camp, il est toujours dans l'étonnement, il refuse même le premier repas qu'il trouve infâme et il pense que le prochain sera meilleur.

Ce qu'il raconte est exceptionnel car il explique la surprise, l'incompréhension. du début jusqu'à la fin il est en état de sidération. Il raconte avec une grande froideur l'année qu'il a passée. Il aligne les faits les uns après les autres, sans jugement, sans sentiment, sans indignation, ni colère. Il dit. c'est tout

C'est difficile de parler de ce livre, car la seule chose que l'on peut dire c'est pourquoi? Comment, de quelle façon tout cela a-t-il pu se produire?

C'est si effroyable que comme ce jeune garçon on ne peut pas croire que cela soit possible. Sa façon de l'écrire, de le dire est exceptionnelle et glaçante. Ici le destin ou le hasard occupe une place importante. L'avenir tient à peu de choses; file de droite,tu vis; file de gauche, tu meurs. Et il n'y a aucune explication.

Il y a ces pages incroyables où il parle du temps qui passe, ou plus exactement du temps qui s'éternise.

Puis pour survivre à cette horreur, pour oublier la souffrance et la peur il a cherché des moments de bonheur.
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C'est sous ce ciel pourpre des vicissitudes, des cheminées, et drapé par l'aile bienveillante de Bandi Citrom, que cet « Être sans destin », prix Nobel de littérature, soliloque tout son soûl, survivant d'abord à la déportation, déjà un exploit en soi, les relatant ensuite les affres des camps, ses angoisses, les dépravations; misères perçues à travers les yeux du gamin qu'il est, âgé de 15 ans tout au plus. « Néanmoins, je leur ai fait comprendre qu'on ne pouvait jamais commencer une nouvelle vie, on ne pouvait que poursuivre l'ancienne. »
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