Un coup de coeur, un coup de poing – sans mauvais jeu de mots.
Je pleure peu en lisant. Qu'un livre me tire une larme, remue quelque chose au fond de moi, c'est déjà rare. Qu'un livre me fasse pleurer sans discontinuer pendant une demi-heure, une heure, je ne sais plus trop, la deuxième partie tout entière je crois... je crois que ça ne m'était jamais arrivé. Il faut dire aussi que j'étais pas dans l'état émotionnel le plus stable en commençant ma lecture, mais ça ne change rien au fait que ce livre heurte. Vraiment.
Il y a les personnages. Slimane l'Innocent, Maxence le Magicien, Valentine, Hugo, Marguerite, Sidonie, Romain, d'autres que j'oublie sans doute. Les personnages secondaires pourraient être un peu plus creusés, peut-être, mais ça ne m'a pas dérangée en lisant. J'aurais aimé en savoir plus sur le père, mais il n'y a peut-être rien de plus à savoir. Ça me laisse un drôle de vide quand même, il est à la fois omniprésent et presque absent. Il marque par l'impact qu'ont ses actions sur la vie des autres, pas par lui-même. C'est peut-être un peu dommage.
Valentine... J'ai trouvé le coup de foudre que ressent Slimane pour elle un peu irréaliste (on parle d'un gosse de onze ans, quand même), mais il faut dire que je n'ai pas beaucoup de tendresse pour les histoires d'amour. Elle a su m'attendrir, la petite fille-nuage. Un personnage marquant. J'aurais aimé en savoir plus sur son passé, j'ai senti comme un manque.
La mère, assez réaliste – enfin, d'après mes maigres connaissances sur ce sujet – dans son attachement à son mari, j'ai eu envie de la détester, mais si j'avais été à sa place, hein ?...
Maxence, curieux, rêveur et pourtant si réaliste parfois. le grand frère de Slimane tente de le protéger
jusqu'à ce qu'il n'y parvienne plus et se suicide dans leur chambre (et oui je le mets en spoiler, parce que même si je l'avais deviné en lisant le résumé, j'ai occulté cette idée pendant ma lecture parce que je ne pouvais juste pas imaginer que ça se passe comme ça ; alors je ne veux pas épargner cette douloureuse surprise à un autre lecteur un peu naïf) . C'est un personnage qui m'a vraiment touchée.
Slimane enfin, Slimane le naïf (peut-être un peu trop ? Je savais très bien ce qu'était le liquide amniotique à onze ans... On croirait plutôt entendre un enfant de neuf ans parler) et pourtant doté de la sagesse particulière des enfants qui en ont trop vu. Slimane qui s'interroge, qui remet tout en question, terriblement attachant... Suivre son point de vue, c'est à la fois un plaisir et une torture, parce que sa douleur fait mal.
L'écriture est particulière, assez enfantine évidemment, mais derrière les mots simples il y a quelque chose de presque sévère, d'incisif, comme si Slimane nous regardait dans les yeux et nous criait ce qu'il crie à sa mère : C'est ta faute ! (Je ne vois vraiment pas comment mieux le transcrire.) Les images sont étonnantes, souvent décalées et toujours justes. Les expressions les plus anodines comme "Le monde est en train de s'effondrer", sont reprises, exploitées, amplifiées.
L'intrigue en elle-même, si elle est un peu répétitive dans la première moitié du livre (je n'en ai pas été lassée, loin de là, mais j'ai ressenti une certaine frustration à l'idée d'être « bloquée »), est prenante dans la deuxième, on est vraiment curieux de l'avenir de Slimane.
J'ai fini par trouver quelques points négatifs à ce roman, mais qui n'en a pas ? Un livre excellent, pour moi, ce n'est pas un livre qui a une excellente plume, d'excellents personnages et une excellente intrigue. C'est un livre qui sait me transporter dans un univers à part, un univers où ma réalité me semble lointaine, si bien qu'à la fin de ma lecture, en reprenant mes activités habituelles, je me sente pour quelques dizaines de minutes étrangère à ma propre vie, comme si je n'étais plus vraiment là, comme si tout était un rêve, comme si la réalité était le roman que je viens de finir. Et ça,
le Pays sans Adultes l'a parfaitement réussi.