On ne pose le livre que contraint par l'heure ou la fatigue des yeux. Un sens extraordinaire de la narration... En plus, le "je" du narrateur établit une connivence facile avec le lecteur, étayée par ses sarcasmes parfois hilarants vis-à-vis de la bourgeoisie hollandaise et de ses manières (illustrées par
le dîner dans un restaurant haut-de-gamme) : sa culture, sa tolérance, sa générosité et son bon goût. Sa bienséance. Chacun se reconnaîtra. Mais bientôt, on rit moins, la férocité l'emporte sur l'humour, le malaise s'insinue, puis l'effroi. Un jour, le réel lui saute au visage, à la bourgeoisie, comme un fait divers bien sordide qui, tout à coup, la concerne. Alors la peur, la haine, le dégoût des pauvres si puants et si laids, le racisme bien dur et bien caché, réapparaît comme une grosse tache au milieu de la nappe. Une violence inouïe que la génération qu'elle a enfanté assume et lui fait voir.
Mais dans son désir fanatique de vivre le fantasme de la famille heureuse et unie, certains sont prêts, par une pure hypocrisie, à mettre dans la balance l'avenir d'un pays. Cette violence haineuse, ce mépris, ces valeurs renversées, Herman Koch les décrit ironiquement comme un syndrome psychiatrique héréditaire "qui porte un nom allemand" mais on aura compris...