Comme souvent, j'arrive après la bataille sur ce livre dont je n'avais je l'avoue jamais entendu parler (je lis surtout de la littérature nord-américaine). Heureusement mes copines du Picabo River Book Club - dédié à la littérature nord-américaine mais nos conversations dévient parfois - me l'ont conseillé et qu'elles ont bien fait !
J'ai bien fait de mon côté de ne pas lire la 4e de couverture qui, comme bien souvent, en dit trop.
Le narrateur, Paul, semble être un homme comme je les aime. Simple, direct, chaleureux, très épris de sa femme, Claire, qui semble être elle aussi une belle personne.
En plus, Paul a un humour grinçant - et ça j'adore - : il porte un regard caustique sur le monde qui l'entoure : son frère Serge, pressenti pour être le futur Premier ministre des Pays-Bas, qui semble un type prétentieux et imbuvable, sa belle soeur, la sublime Babette, qui n'a pas inventé la poudre et, au-delà d'eux, la bonne société néerlandaise, figée et compassée, qui est ravie de réserver 3 à 6 mois à l'avance une table dans un restaurant où les portions sont inversement proportionnelles aux prix pratiqués...
Justement, Paul et Claire ont rendez-vous avec Serge et Babette dans l'un de ses restaurants chichiteux. Serge, lui, a réservé le jour même car au regard de sa place dans la hiérarchie sociale, les contraintes des autres ne s'imposent pas à lui. Non mais !
Au départ, le roman fonctionne comme une excellente satire sociale, avec un humour qui ne déplairait pas à un anglais (ni à la fan de
David Lodge que je suis). La description du rituel de présentation / description des plats par le gérant, aussi pompeux que service face à Serge est juste à se tordre.
Oui mais voilà, l'objet du dîner est de parler des enfants - qui ont fait une grosse bêtise -
Paul Le sait car il avait des soupçons sur son fils et a fouillé dans son portable avant de partir au restaurant. Il n'a pas osé encore en parler à sa femme, encore moins à son fils.
Qu'a donc fait Michel avec ses cousins, Rick, le fils biologique de Serge et Beau, son fils adoptif qui vient d'Afrique - que Serge a, c'est bien dans son caractère, adopté pour soigner son image ?
À partir de là, outre une satire sociale, le livre devient aussi un excellent roman noir à la tension intenable... Outre de savoir ce qu'ont fait les enfants - ce qu'on apprend assez vite -, tout l'intérêt porte sur la réaction des deux couples face à l'acte de leurs rejetons. Les personnages qui semblaient limpides pour nous sont bien plus complexes qu'il n'y paraît, les surprises ne manquent pas mais tout est logique, super bien tenu, au cordeau et tout cela dans une atmosphère de quasi huit clos irrespirable. Tout est super bien amené et le lecteur n'a jamais l'impression d'être pris pour un abruti (cela fait du bien). le livre distille des révélations sur des moments de vie des deux familles, l'air de rien et le ton détaché de Paul fonctionne très bien.
Un excellent roman donc, à lire quand on un peu de temps devant soir car il s'avère très vite impossible à lâcher. Deux précisions pour les lecteurs qui hésitent encore :
- Je n'aime pas (normalement) les romans qui ne choisissent pas leur camp et mêlent deux genres. Et bien celui ci y réussit à merveille. Quand la tension est à son comble, revoilà l'insupportable gérant et son interminable rituel de présentation des plats qui décale la conversation sur l'acte commis par les fils et fait monter la tension d'un cran...
- C'est noir, très noir. Nous ne sommes pas chez les bisounours c'est sûr mais au-delà d'une lecture addictive,
le diner interroge sur nos sociétés et nos propres comportements.
Si ma découverte est tardive, je vais maintenant me rattraper à vitesse accélérée (excellente traduction d'
Isabelle Rosselin)