Citations sur Roberto Zucco (suivi de) Tabataba - Coco (46)
La Gamine. - Je t'ai cherché, Roberto, je t'ai cherché, je t'ai trahit, j'ai pleuré, pleuré, au point que je suis devenueune toute petite île au milieu de la mer et que les dernières vagues sont en train de me noyer. J'ai souffert, tellement, que ma souffrance pourrait remplir les gouffres de la terre et déborder des volcans. Je veux rester avec toi, Roberto; je veux surveiller chaque battement de ton coeur, chaque souffle de ta poitrine; l'oreille collée contre toi j'entendrai le bruit des rouages de ton corps, je surveillerai ton corps comme un mécanicien surveille sa machine. Je garderai tous tes secrets, je serai ta valise à secrets; je serai le sac où tu rangeras tes mystères. Je veillerai sur tes armes, je les protégerai de la rouille. Tu seras aussi mon agent et mon secret à moi, dans tes voyages, je serai ton bagage, ton porteur et ton amour.
Je crois qu'il n'y a pas de mots, il n'y a rien à dire. Il faut arrêter d'enseigner les mots. Il faut fermer les écoles et agrandir les cimetières. De toutes façons, un an, cent ans, c'est pareil ; tôt ou tard, on doit tous mourir, tous. Et ça, ça fait chanter les oiseaux, ça fait rire les oiseaux.
La gamine rejoint Zucco caché sous la table.
La Gamine. - Toi, mon vieux, tu m'as pris mon pucelage, tu vas le garder. Maintenant il n'y aura personne d'autre qui pourra me le prendre. Tu l'as jusqu'à la fin de tes jours, tu l'auras même quand tu m'auras oublié ou que tu seras mort. Tu es marqué par moi comme par une cicatrice après une bagarre. Moi, je ne risque pas d'oublier, puisque je n'en ai pas d'autre à donner à personne; c'est fini, c'est fait, jusqu'à la fin de ma vie. C'est donné et c'est toi qui l'a.
La Gamine.-(..) Tu seras mon agent et mon secret et moi, dans tes voyages, je serai ton bagage, ton porteur et ton amour.
Il t'est arrivé une petite histoire de gamine, tu as rencontré un garçon, il a été idiot comme tous les garçons, il a été maladroit, il t'a brusquée ? Je connais cela, mon pinson, j'ai été une gamine, j'ai été à des fêtes où les garçons sont des imbéciles. Même si tu t'es fait embrasser, qu'est-ce que cela peut faire ? Tu te feras encore mille fois embrasser par des imbéciles, que tu en aies envie ou pas ; et tu te feras mettre la main aux fesses, ma pauvre, que tu le veuilles ou non. Parce que les garçons sont des imbéciles et tout ce qu'ils savent faire, c'est de mettre la main aux fesses des gamines. Ils adorent cela. Je ne sais pas quel plaisir ils y trouvent ; je crois bien, d'ailleurs, qu'ils n'y trouvent aucun plaisir. C'est dans leur tradition. Ils n'y peuvent rien. Ils sont fabriqués avec de l’imbécillité.
Je trouve inutile d'avoir les yeux ouverts à ne fixer rien, et les oreilles tendues à ne guetter rien, alors qu'à cette heure, nos oreilles devraient écouter le bruit de notre univers intérieur et nos yeux contempler nos paysages intérieurs. Est-ce que tu crois à l'univers intérieur ?
J'ai toujours pensé que la meilleure manière de vivre tranquille était d'être aussi transparent qu'une vitre, comme un caméléon sur la pierre, passer à travers les murs, n'avoir ni couleur ni odeur ; que le regard des gens vous traverse et voie les gens derrière vous, comme si vous n'étiez pas là. C'est une rude tâche d'être transparent ; c'est un métier ; c'est un ancien, très ancien rêve d'être invisible.
Roberto Zucco. Je n'oublierai jamais ce nom.
Le problème, avec la bière, c'est qu'on ne l'achète pas ; on ne fait que la louer. Il faut que j'aille pisser.
J'ai toujours détesté le théâtre, parce que le théâtre c'est le contraire de la vie ; mais j'y reviens toujours et je l'aime parce que c'est le seul endroit où l'on dit que ce n'est pas la vie.
(Un hangar à l'ouest, notes)