Vous n'avez jamais pardonné au genre humain. Depuis lors, vous lui avez retiré votre confiance et lui prodiguez votre haine. Même si je puis vous comprendre, cela ne change rien au fait qu'une pareille haine vouée aux hommes est terrifiante et pécheresse. Elle est devenue votre malédiction. Car vivre dans un monde où nul n'est pardonné, où la rédemption est refusée, c'est vivre en enfer. Vous vivez en enfer Ludvik, et vous me faites pitié.
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Je suis resté dans une salle vide. Et il me semble que c'est Ludvik qui a ordonné que je sois seul. Car ce ne sont pas les ennemis, mais les amis qui condamnent l'homme à la solitude.
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Bien entendu, ce serait une erreur de penser que le seul exotisme de sa simplicité m'attira vers Lucie : son ingénuité, les lacunes de son instruction ne l’empêchaient pas le moins du monde de me comprendre. Cette compréhension ne reposait pas sur une somme d'expériences, ou de savoir, une aptitude à débattre un problème et à donner un conseil, mais sur l'intuitive réceptivité avec laquelle elle m'écoutait.
Car vivre dans un monde où nul n'est pardonné, où la rédemption est refusée, c'est comme vivre en enfer.
Qui vit dans l'éternité ne connaît pas le chagrin.
La véritable source de mon courroux se trouvait beaucoup plus profond (j’eusse rougi de la confesser) : je pensais à ma misère, désolante misère de ma jeunesse ratée, misère de ces longues semaines inassouvies, humiliant infini du désir inexaucé ; j’évoquais la vaine conquête de Marketa, la vulgarité de cette blonde sur la machine agricole et encore une fois la vaine conquête de Lucie. Et j’avais envie de crier ma plainte : pourquoi en tout me faut-il être adulte, comme adulte jugé, exclu, proclamé trotskiste, comme adulte envoyé dans les mines alors qu’en amour je n’ai pas le droit d’être adulte et qu’on m’oblige de boire toute la honte de l’immaturité ? Je détestais Lucie, d’autant plus que je savais son amour pour moi, ce qui rendait sa résistance aberrante et incompréhensible, et m’acculait à la fureur. Ainsi, après une demi-heure de mutisme obstiné, je repartis à l’attaque.
Mon incrédulité est à ce point invétérée que si quelqu'un me confie ce qu'il aime ou ce qu'il n'aime pas, je ne prends pas du tout cela au sérieux ou, plus exactement, je ne vois là qu'un simple témoignage de l'image qu'il veut donner de lui-même.
l'idée m'envahit qu'un destin souvent s'achève avant la mort, que le moment de la fin ne coïncide pas avec celui de la mort
l'idée m'envahit qu'un destin souvent s'achève avant la mort, que le moment de la fin ne coïncide pas avec celui de la mort...
l'idée m'envahit qu'un destin souvent s'achève avant la mort, que le moment de la fin ne coïncide pas avec celui de la mort...