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Kurt Vonnegut a toujours exprimé clairement sa position quant à la question de savoir si l'on peut rire de tout... puisqu'il utilise l'humour comme vecteur privilégié pour exprimer l'ampleur de sa désillusion face à la barbarie...

"Nuit mère", écrit au début des années 60, ne déroge pas à la règle. Il s'agit d'une -fausse- confession. Celle d'Howard W. Campbell Jr, accusé de crimes contre l'humanité et qui, depuis la cellule de Jérusalem dans laquelle il attend son procès, rédige ses mémoires.

Né aux Etats-Unis, Howard a vécu en Allemagne, où ses parents ont déménagé pour des raisons professionnelles, dès son enfance. Il ne les a pas suivis lorsqu'ils sont rentrés au pays quelques années plus tard. Marié à Helga, une actrice qui fût son unique et impérissable amour, il est devenu pendant la guerre l'un des plus célèbres propagandistes radiophoniques nazi.

Dramaturge, auteur de pièces de théâtre à succès, Howard prétend s'être retrouvé par hasard à ce poste, lui l'apolitique qui ne se reconnaissait qu'une patrie, celle que constituait l'adoration -réciproque- qui le liait à sa femme. Il affirme par ailleurs avoir été recruté dès le début du conflit par l'espionnage américain, et chargé à ce titre de diffuser par les ondes des messages codés aux alliés. Malheureusement, le mystérieux contact qui lui aurait ensuite servi d'interlocuteur dans le cadre de cette mission a disparu de la circulation...

De retour, après la guerre, aux Etats-unis, Howard y a déchaîné des passions auxquelles il a opposé une sorte d'indifférence désenchantée. L'idolâtrie de ses fans fascistes comme les menaces de mort proférées par d'hystériques anciens combattants assoiffés de vengeance n'ont fait qu'alimenter sa propension au cynisme. Il juge ses semblables avec le recul que confère son détachement de l'agitation humaine, fustigeant leur hypocrisie, leur patriotisme, leur amour de la guerre, leur foi...

"... nous vivons dans un monde où le burlesque est un art difficile, avec tant d'êtres humains si réticents à rire, si incapables de penser, si avides de croyance et de haine".

Kurt Vonnegut Jr. place ainsi son lecteur dans le doute permanent quant à la personnalité et aux motivations de son narrateur. Est-ce qu'il ment pour sauver sa peau ? Et s'il est sincère, que penser de cet individu capable à la fois d'exhorter à la haine, sans paraître véritablement conscient du mal ainsi commis, et de mépriser avec une surprenante lucidité toute manifestation de fanatisme, qu'il soit religieux, racial, ou idéologique ?

Et qu'est-ce qui importe ? Les actes et leurs conséquences ? Ou les convictions ?

"... vous n'auriez jamais pu servir l'ennemi mieux que vous nous avez servis, nous. J'ai pris conscience que presque toutes les idées qui sont aujourd'hui les miennes, qui m'ôtent tout scrupule vis-à-vis de ce que j'ai pu ressentir ou faire dans ma vie de nazi, me viennent non pas de Hitler, non pas de Goebbels, non pas de Himmler... mais de vous. (...) Vous seul m'avez empêché de conclure que l'Allemagne était devenue folle".

Ce jeu d'apparences qu'est "Nuit mère", où personne, ami ou salaud, allié ou ennemi, n'est ce qu'il paraît vraiment, déstabilise. le personnage de Campbell, insaisissable, reste jusqu'au bout un angoissant mystère...

Sans doute ne s'agit-il pas là du meilleur Vonnegut... si l'on se laisse facilement entraîner par le rocambolesque des situations, et le ton cynique et faussement ingénu du narrateur, le récit peine parfois à maintenir un rythme homogène. Mais il a incontestablement le mérite de nous lancer sur la piste de réflexions essentielles.
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Est-ce que je m'attendais à être déstabilisée par ce roman ? Peut-être ! C'est pour ça que je voulais le lire ! Mais aussi parce qu'il y a longtemps que je veux lire Kurt Vonnegut. J'aime ce qui est inhabituel et là, on est servi. Tout d'abord, les chapitres très très courts sont au nombre de 45, pour 215 pages.
L'humour est grinçant, voire loufoque, j'ai adoré !

Howard W. Campbell Jr. attend dans sa cellule de Jérusalem d'être jugé pour crime de guerre, car connu pour avoir été le propagandiste de radio le plus zélé du régime nazi.
Américain de naissance, immigré en Allemagne durant l'enfance, il y reste à l'âge adulte, épouse une allemande et devient plus nazi que les nazis.
Mais au fond, est-ce la vérité ? Lui, prétend que non, qu'il était un agent double.

Chapitre après chapitre je me suis délectée de ce récit à l'humour caustique et de ces faux-semblants. Car tout le problème avec un agent double, un menteur ou un manipulateur, ce qui revient au même, est de savoir à quel moment il dit la vérité et quand il ment. Il raconte sa vie, la guerre, l'antisémitisme, l'Allemagne. Il y a une forme de cynisme dans la narration des événements de cette époque sinistre, qui vire au jubilatoire car traités sur le mode de l'humour noir, et ça j'adore ! Par exemple l'histoire du chien de Resi, alors que j'aime les chiens... mais la chute m'a fait rire. Pourtant ça a été une réalité pendant la guerre.

Tout le long du roman, au fil des événements de sa vie, on a l'impression qu'il a été agent double sans le savoir, ou alors vrai américain patriote et faux nazi, ou sympathisant nazi et traître à sa patrie, ou homme aux personnalités multiples, ou imbécile heureux mais ça c'est pas sûr, tout ça dans une espèce de schizophrénie qui l'arrange bien... ou pas. Tout dans l'histoire tend à noyer le poisson. En fait, de nombreuses fois je me suis dit "ce mec est dingue, complètement ravagé".

Ce roman dit des choses de cette guerre et de ses idéologies nauséabondes, sur un ton qui paraît léger, pratiquement toujours caustique et ironique. J'ai bien kiffé !!
Lien : https://mechantdobby.over-bl..
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Kurt Vonnegut présente un personnage relativement antipathique. D'abord, parce qu'ayant participé même indirectement au mouvement de haine et de cruauté envers les juifs lors de la guerre. Ensuite, parce que même s'il l'a fait pour le compte de l'autre camp, il se rend compte qu'il l'a quand même fait en conscience de cause. Un personnage-girouette, qui ne défend pas une cause plutôt que l'autre, qui est surtout fier d'avoir pu exercer son art en toute impunité, ni fier ni terriblement honteux, ni heureux ni malheureux d'être vivant, en liberté.

Ce qui fait donc la force de ce livre, c'est de nous présenter les confessions - molles - d'un homme qui ne sait pas trop s'il doit être puni ou non, qui ne se rend pas bien compte des atrocités commises (parfois en son nom) - ou alors si, peut-être, mais ne s'en sent pas tout à fait aussi responsable que l'architecte des chambres à gaz. Un sujet épineux, tendu, difficile, abordé du côté de ceux qui ont un pied dans chaque camp, rendu d'autant plus réaliste que Kurt Vonnegut fait passer ce récit pour autobiographique, comme s'il n'en était que l'humble éditeur - et ça marche, en fait, on y croit vraiment. D'ailleurs, c'est volontairement inconfortable et déroutant. Et le tout est bien ficelé, du genre : l'arroseur arrosé, sempiternellement.

Je n'aurais peut-être pas lu le livre, je pense, si ça n'avait été pour l'auteur et la maison d'édition, mais au final, je me suis laissée emporter doucement mais sûrement. Les réflexions sont plutôt intéressantes, et le tout est traité, dans la mesure du possible, avec une pointe d'humour (de couleur), mais surtout une grande amertume pour ce que la civilisation a perdu en humanité pendant cette guerre, qui a révélé toute la noirceur dont l'Homme est capable envers son prochain, même sa famille ou ses amis. Ce qui n'est pas nouveau, certes.

(voir la critique intégrale sur le blog)
Lien : http://lecombatoculaire.blog..
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Roman solide avec des personnages bien campés.
Les méandres du Nazisme bien expliqué .
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Le dramaturge Howard W. Campbell Jr., américain de naissance, expatrié en Allemagne à l'adolescence alors que son père y est muté, marié à une actrice allemande dont il est amoureux fou, Helga Noth, choisit de rester en Germanie et d'y vivre sa vie, malgré le contexte politique et social. Pendant la seconde guerre mondial, il joue l'agent double, infiltré un peu malgré lui pour le compte du gouvernement états-unien, tout en étant au service du régime nazi.
Considéré comme complice du génocide, il est traqué, se cache, vie des rebondissements burlesques jusqu'à se retrouver dans une geôle de Jérusalem. Il y est alors sommé de livrer par écrit ses confessions avant que ne se tienne son procès.
Publié au début des années 1960, il fallait du bagou pour traiter avec humour le parcours d'un nazi en fuite. Quoi que nazi, s'il en épouse les doctrines, il ne se définit jamais vraiment comme tel. Contrairement aux personnages secondaires, très bien écrits qui, eux, ne cachent pas leur racisme ou antisémitisme ou les deux et leur rêve de vivre dans un beau et grand monde "épuré de la vermine" (je cite hein !).
C'est caustique comme dirait Monsieur Preskovic. Il fallait oser parler du nazisme de cette manière, si tôt après la fin de la guerre, rendre le personnage principal attachant, parler de situations et de sujets graves avec autant d'humour.
C'est un récit politiquement incorrect, qui m'a beaucoup fait penser aux Monty Python, et qui m'a donc beaucoup fait rire. Ce n'est pas du tout un livre réflexif, qui se veut pédagogique, au contraire, c'est une fresque presque en huis clos, où les rebondissements s'enchainent au rythme de chapitres très courts et très scénaristiques.
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