J'avais entendu beaucoup de bien de "
Je suis leur silence" mais son scénario ne me tentait pas plus que ça... Et puis, j'avais tellement aimé "
Malgré tout" et son romantisme aussi doux que fantaisiste que je craignais un peu de me confronter à
Jordi Lafebre dans un tout autre registre.
C'est un ami qui m'a finalement offert l'ouvrage accompagné d'une dédicace si adorable que je n'ai rien pu faire d'autre que de me plonger sans attendre dans ce polar résolument contemporain et trépidant.
Les premières pages nous mènent à la rencontre d'Eva, jeune psychiatre aux prises avec l'un de ses confrères qu'on a chargé de lui parler pour "évaluer" son état après qu'elle se soit fait remarquer par un comportement des plus étranges voire borderline pour une psychiatre de renom, brillante de surcroît.
S'ensuit donc le récit en forme de flach-back d'Eva qui relate au docteur Llull sa folle semaine, commencée avec la découverte... d'un cadavre au coeur d'une propriété digne d'une saga de l'été estampillée TF1 de la grande époque (enfance et nostalgie!).
Parce qu'elle voulait épauler l'une de ses patientes, Pénélope, Eva s'était en effet rendu dans le domaine familial de la famille de cette dernière, une dynastie ayant fait fortune dans le cava pour un weekend sous haute-tension, et pour cause, la matriarche des lieux devait y procéder à la lecture de son testament.
C'est peu dire que la réunion de famille tourne court quand notre psychiatre découvre le cadavre de l'un des cadors de la famille. Évidemment et malgré l'interdiction formelle d'une commissaire grimée en Angela Merkel, Eva se lance dans la résolution du mystère avec plus ou moins d'audace et d'efficacité. Si au premier abord, cette histoire ne semble pas porter en elle beaucoup d'originalité, c'est en réalité une intrigue moderne et féministe qui parle de santé mentale, de changement climatique et de l'impunité des plus puissants dans un monde où l'argent est devenu un dieu, une aventure vitaminée et extrêmement bien rythmé dont la force provient autant du ton très mordant, très ironique de l'ouvrage que du personnage d'Eva, barrée à souhait, un peu trop portée sur l'alcool et les cigarettes, encombrée elle aussi de ses fantômes (la grand-mère qui l'a élevée et ses grand-tantes dont l'une était milicienne républicaine et l'autre gitane et... meurtrière!) qui la conseillent avec plus ou moins de réussite. Eva est délicieusement fantasque et c'est ce personnage qui donne sa légèreté à une histoire fort sombre, la parant alors d'une vraie tendresse et de pas mal de loufoquerie, servie par le trait si caractéristique , si doux de
Jordi Lafebre.
"
Je suis leur silence" c'est un bonbon acidulé aussi gracieux que piquant, frais, coloré, intelligent et engagé... Une jolis surprise!