Je ne vais pas raconter toute l'histoire, beaucoup l'ont fait et bien fait avant moi, je n'apporterais rien à résumer pour une énième fois ce roman paru il y a déjà trois ans. Je vais simplement donner mon avis de lecteur retardataire.
D'abord, je dois avouer que le roman de
Lola Lafon ne m'a pas complètement fait
chavirer, oui, je sais, je ne suis pas le premier à user de cette blague facile. C'est vraiment dommage, car il y avait là tous les ingrédients pour en faire une belle oeuvre, mais à mon avis, Lola s'y est mal prise, elle a gâché la marchandise. Pourtant, elle avait dans les mains une belle plume, un sujet prenant, des personnages remarquables, une histoire terriblement actuelle. Hélas, la construction du récit t'égare, toi le lecteur, il te fait perdre le fil, tu pars avec une fille, tu commences à bien la connaître, mais tu t'aperçois soudain que tu te retrouves après quelques pages en compagnie d'une autre, tu es vite perdu si tu ne lis pas le livre d'une traite. Bien sûr, après cela, Lola raccroche les wagons, mais ce mode de construction alambiqué s'accorde à un polar, moins à un roman sérieux traitant de la prédation sexuelle de gamines de treize ans par de vieux pervers agissant en bande organisée. Tu apprends ensuite que Cléo, la malheureuse et principale victime devient coupable, ou plus exactement complice, ce qui détruit l'empathie que tu éprouvais pour elle. le filon des regrets émis par ce personnage n'est pas à mon sens ni très bien exploité, ni très crédible. Lola aurait pu rendre Cléo autrement plus attachante sans pour autant porter tort à son roman.
Cela dit, j'ai beaucoup apprécié la peinture que fait
Lola Lafon de l'univers si cruel de la danse, des filles martyrisées, exploitées, utilisées, mises en concurrence, blessées, humiliées, parfois jetées ou détruites. Tout cela est fort bien rendu et sait te révolter, toi le lecteur. du temps de Degas, c'était déjà la même chose.
Pour conclure, je dirai que ce n'est pas du tout un roman raté, il ne faudrait pas exagérer, Lola est une sacrée écrivaine que j'apprécie, mais je dois avouer que la construction de son récit m'a un peu déçu. Après, ce n'est que mon humble avis, je comprends qu'on puisse ne pas être du tout d'accord avec moi !
J'aurais bien vu en épigraphe, à la place de cette citation de
Jean-Jacques Goldman que j'ai eu du mal à comprendre, la moralité du Petit Chaperon Rouge qui n'a pas pris une ride en trois cent trente ans, et qu'on ferait bien de lire aux enfants des écoles plutôt que d'édulcorer stupidement la fin du célèbre conte :
« On voit ici que de jeunes enfants
Surtout de jeunes filles
Belles, bien faites et gentilles
Font très mal d'écouter toutes sortes de gens
Et que ce n'est pas chose étrange
S'il en est tant que le loup mange.
Je dis loup, car tous les loups ne sont pas de la même sorte
Il en est d'une humeur accorte
Sans bruit sans fiel et sans courroux
Qui privés, complaisants et doux
Suivent les demoiselles
Jusque dans les maisons jusque dans les ruelles.
Mais hélas ! qui ne sait que ces loups doucereux
De tous les loups sont les plus dangereux. »