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sur 2015 notes
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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Moi aussi, j'ai eu 13 ans.

Moi aussi, j'ai lu ce roman, j'ai ainsi visité le monde de la danse professionnelle et j'ai eu de la peine pour ces filles coupables d'avoir 13 ans et trop d'ambition et de rêves.

Moi aussi j'ai été révolté par les personnages de ces pédophiles qui utilisent des filles jetables après usage et par les complices, cette femme trop gentille qui recrutent les filles, mais aussi par les parents qui étaient contents de tout cet argent, de tous ces cadeaux qu'un homme faisait à leur fille de 13 ans.

Moi aussi je n'ai pas été recrutée par la Fondation Galatée, mais j'ai senti le malaise, la convoitise du vieux schnock. Ce n'est qu'un roman, mais elles ont existé pour vrai ces jeunes skieuses, ces jeunes patineuses abusées par leur entraîneur ou ces filles à qui on a promis un rôle si elles étaient gentilles. Des filles qui ont quitté le sport, la scène, la danse, ou même l'école à cause ça. (Et il n'y a pas que des filles, des jeunes garçons aussi…)

Moi aussi, j'ai eu 13 ans et j'ai appris à me méfier. J'ai entendu cette maman impuissante qui disait à sa fille « arrange-toi pour n'être jamais seule avec ton patron ».

Moi aussi, j'ai eu la chance de connaître des coaches honnêtes, des profs consciencieux, des hommes bons. Mais ça n'empêche pas que Moi aussi, je veux que le monde change et que plus jamais nous ne soyons complices…
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Cléo, 13 ans, est inscrite à la MJC de son quartier, elle rêve comme beaucoup de jeunes filles des années 1980-1990, de devenir danseuse de modern jazz. Elle y fait la rencontre d'une certaine Cathy représentante de la « fondation » Galatée censée aider des adolescents disposant de capacités exceptionnelles en leur offrant une bourse. Elle fait cette rencontre pour le meilleur, c'est ce qu'elle croit dans un premier temps, mais c'est surtout le pire que cette femme amène dans son sillage.
Le personnage de Cléo est celui d'une jeune fille qui se sent insignifiante au sein de sa famille d'abord ; elle est issue d'un milieu médiocre étriqué, en repli et qui manque vraisemblablement de lumière. Elle ne rencontre pas non plus un franc succès auprès du groupe social représenté dans le roman par le collège et le lycée. Ce manque d'écoute, de reconnaissance, de visibilité va servir sur un plateau les desseins de la « fondation » Galatée. Cathy et sa « fondation » s'immiscent dans sa vie au bon moment. Dans le mythe, Galatée est la statue que Pygmalion façonne à sa manière et dont il tombe amoureux.
La jeune fille est immédiatement éblouie par cette femme et les promesses de gloire qu'elle lui fait miroiter ; Cathy représente la classe, le luxe, l'emmène dans des lieux chics, fastueux et connus du tout Paris et du show business, elle la couvre de cadeaux et d'argent, elle lui fait découvrir tout un univers des paillettes qui participeront à son aveuglement. Tout ceci se fait avec l'assentiment des parents, la jeune fille est dès lors lancée dans la gueule du loup, un réseau de prostitution. Elle est nue face à ces prédateurs, sans bouclier. Tout le monde autour d'elle ferme les yeux.
Les déjeuners auxquels elle est invitée et l'appartement dans lequel elle est accueillie avec d'autres filles sont glauques, la prestation devant le jury ne vient jamais, la bourse elle-même lui est refusée, peut-être plus tard lui promet-on. Pire encore, elle est elle-même chargée par Galatée de recruter d'autres jeunes filles venant de milieux modestes bien sûr ! Et cela plait bien à Cléo qui devient ainsi une vraie vedette au collège. Elle devient une « Cathy » mais culpabilise fortement lorsqu'elle enrôle Betty, l'une de ses amis et d'autres aussi, dans cette galère, elle aide à construire tout un réseau de jeunes filles qu'on mène à l'abattoir. Cette culpabilité va la hanter, elle se transformera en un sentiment envahissant qui fera surgir la question lancinante de l'impossible pardon même à l'âge adulte car ce pardon selon la narratrice ne peut défaire le passé. Puisqu'il s'agit de danse, le corps malmené est lui aussi mise en scène, il souffre tout autant que les esprits, on doit le réparer. Tout est cassé.
Le mérite du roman de Lola Lafon est de pouvoir mettre en lumière des événements dramatiques, sous la forme d'une fiction avec des allers-retours entre passé, présent, futur et toute une galerie de personnages précisément construits gravitant autour de Cléo et mettant en cause le personnage qu'elle incarne ou ses actes passés, chacun à sa manière. Ce sont des amis qui la quittent lorsqu'ils apprennent le scandale qui l'entoure, des amants de passage en lien avec le show business, un(e) grand amour de jeunesse qui ne lui ressemble pas, elle est militante, cultivée, féministe, elle met en cause son rôle de recruteuse mais aussi le silence sur l'affaire et les dommages subis pat les victimes. Les professionnels avec qui elle travaille ont un comportement ambigu, amis parfois mais pas toujours solidaires quand il faut oser parler et agir. Sa famille descendante, notamment sa fille qui admire mais pointe aussi parfois du doigt sa participation en tant que danseuse à l'émission de Drucker.
Ce qui permet de développer ces personnages, leur manière de penser, c'est la construction particulière de ce roman dans lequel chacun des chapitres se centre sur un personnage en entremêlant les époques et les discours. le fil de la narration peut échapper au lecteur : le récit n'est pas linéaire, le lecteur doit reconstituer un puzzle défait. C'est une narration éclatée. Comme si tout avait volé en éclat autour du personnage de Cléo et de ses camarades et que la romancière nous donnait l'occasion de reconstruire les choses en accompagnant Cléo et les autres personnages à chaque chapitre.
Il n'y a pas que le destin des individus qui vacille, c'est toute une société qui chavire ; A Carpentras on profane des tombes, les discours des politiques dénigrent certaines « minorités », les grévistes contestent le pouvoir établi. Les professionnels de la danse font circuler des pétitions dénonçant leurs conditions de travail au sein du showbiz. Bien d'autres événements déstabilisants des années 1980-1990 sont dépeints et construisent la toile de fond du roman.
Ces paroles, ces actes sociaux extériorisant la souffrance sont à l'unisson de ce que vivent de l'intérieur les personnages blessés. A un moment donné la parole doit surgir car c'est le silence qu'on impose aux victimes, qu'elles s'imposent elles-mêmes qui a permis toutes ces destructions et machinations. Les femmes mettront plus de 30 ans après les faits pour s'exprimer sur ce que la « fondation leur a fait subir. » le silence a été aidé par l'indifférence. Ce livre est aussi une réflexion sur le consentement.
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Construction déroutante  qui ne facilite pas la lecture.
Je dirais que ma lecture a été  complètement inégale. Pendant presque 150 pages, je n'ai pas eu d'attachement aux personnages rencontrés.  J'ai lu cette première partiecomme je peux lire un journal,  j'ai pris connaissance des informations avec distanciation. Ni empathie,  ni chaleur, ni révolte,  aucun sentiment ne m'a accompagnée durant cette première centaine de pages que j'ai de fait, trouvée laborieuse. ( L'abondance des personnages y est pour beaucoup. )
Pourtant, les thèmes abordés
auraient dû,   soulever de  l'indignation, de la colère mais aussi de la compréhension envers ces jeunes filles qui se sont laissées prendre dans les filets des promesses .
Ce n'est qu'à la moitié du livre que j'ai véritablement commencé à lire avec intérêt la façon dont Cleo se débat pour rester la tête hors de l'eau et encore plus comment Betty à survécu à tout cette vie.
En fait, plus j'ai avancé dans ma lecture plus je l'ai trouvée intéressante, bouleversante.

Ce livre sur la culpabilité et le pardon à su capter mon attention qu'à  mi chemin d'où ma note en demi teinte.
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Un livre très prenant.
Je ne sais pas pourquoi j'ai tant hésité à l'ouvrir.
Le monde des danseuses, ici plutôt les danseuses de revues, est un monde dur et impitoyable.
Exigeant, mal payé.
Cléo, à treize ans est repérée par la charismatique Cathy qui lui propose de tenter d'obtenir la bourse de la Fondation Galatée pour devenir danseuse de modern jazz.
Mais un piège se referme sur elle qui va changer sa personnalité et déterminer toute sa vie.
Elle deviendra bien danseuse, en particulier dans une émission de Drucker, mais sa vie privée ne semble guère heureuse.
Outre Clio, un personnage important du récit est Betty, au départ impétueuse petite fille de douze ans..
Une histoire pas toujours aisée à suivre, pas chronologique, des personnages multiples et parfois l'impression de s'y perdre.
Mais ce qui domine du début à la fin, c'est un sentiment de gâchis fortement ressenti.
De tristesse aussi pour Clio, Betty et les autres.
On en apprend beaucoup sur le monde de la danse.
Milieu de la danse comme milieu du sport, beaucoup d'abus aux conséquences irréversibles y ont été commis.
En refermant ce livre persiste un sentiment d'amertume et de révolte.
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"Des filles de 12 à 17 ans qui ont une passion mais pas de moyens, des ogres en quête de chair fraîche, une fausse bourse d'étude, de la vraie prostitution de mineures, l'univers des danseuses de variété, et la parole qui se libère."
Pierre-Romain Valère pour Double Marge
Lien : https://doublemarge.com/cate..
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À la sortie de son cours de danse à la MJC, Cléo rencontre Cathy qui lui propose de postuler pour une bourse financée par la fondation Galatée. Si elle est retenue, elle pourra candidater aux plus prestigieuses écoles de danse. Quelle toute jeune fille résisterait ? Après une première sélection, elle doit affronter les membres du jury au cours d'un dîner. le dîner dérape ou plutôt un membre du jury dérape. À qui pourrait-elle en parler ? L'auteur passe trop rapidement sur cette question pourtant importante : déboussolée, l'adolescente ne sait pas ce qu'elle a fait de trop, ou de pas assez, d'autant que la bourse lui échappe.
Mais elle est douée pour recruter des candidates possibles, dont Betty qui devient alors la chouchoute de Cathy.
Peut-être Lola Lafon aurait-elle pu choisir une construction plus linéaire (ce que je préfère, sauf dans de rares cas), l'émotion aurait été plus forte. Elle a privilégié une structure plus éclatée, sous forme de puzzle. Cléo est présentée à travers d'autres personnes qui l'ont rencontré, un meilleur ami, un amoureux d'une nuit, une amoureuse qui la blesse profondément. Je ne sais pas très bien qui est Cléo et surtout à quels points ce qu'elle a vécu a influencé sa vie.
J'ai aimé néanmoins la description fine d'une adolescente prise au piège. À noter aussi le personnage attachant de Betty.

Lien : https://dequoilire.com/chavi..
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Il y a des livres dont on ne veut pas qu'ils s'arrêtent et il y a ceux qu'il nous tarde de terminer ; "Chavirer" fait partie de ces derniers.
L'ambiance est lourde, glauque, pesante.
Des adolescentes sous l'emprise de prédateurs, un milieu de la danse qui ne veut pas de cygne noir, l'exploitation d'une classe sociale, des parents aveuglés et une parole qui ne peut se libérer.
L'auteure décrit admirablement cette atmosphère et la plume ciselée sert parfaitement le récit.
C'est poignant, triste et étouffant.
Je n'ai pas passé un bon moment mais je ne regrette pas d'avoir lu ce roman.
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"Nous sommes traversés de ces hontes, un tourbillon qui, peu à peu, nous creuse et nous vide. N'avoir rien dit. Rien fait. Avoir dit oui parce qu'on ne savait pas dire non."

Par ce court extrait, voici l'esprit même du livre de la semaine que je tenterai de présenter. Un livre remarquable et subtil, où le coeur fait des soubresauts dans la poitrine. Un roman sorti il y a peu, rejoignant les élus de cette rentrée littéraire foisonnante. Il s'agit donc de Chavirer, de Lola Lafon, édité chez Actes Sud.

En profitant de la brèche #metoo et la vague féministe qui en découle, la romancière explore cette notion floue du consentement, mais pas que. Surtout pas que. Comment une enfant peut-elle se retrouver à la fois victime et "complice" d'actes répréhensibles ? Quels sont les mécanismes de ces procédés ?

C'est en posant son décor en région parisienne dans les années 80, que l'auteure met en scène le terrible destin de Cléo, treize ans, et quelques camarades de collège.

Cléo qui se découvre une passion pour la danse grâce au cours donné à la MJC de sa ville. Cléo qui entrevoit une porte de sortie à sa vie morne et à la classe moyenne de ses parents à travers Cathy, une femme élégante qui l'aborde en fin de séance.

Représentante de la mystérieuse Fondation Galatée dont la vocation est l'attribution de bourses d'études, Cathy est à la recherche de jeunes-filles dont la docilité, la naïveté et l'ambition artistique semble être le critère principal.

Alors que notre jeune protagoniste ne rêve que de danse et de paillettes devant l'émission Champs-Elysées présentée par l'immortel Drucker, un piège insoupçonné se referme sur elle. Sous couvert de luxueux cadeaux et promesses mielleuses, Cathy abuse de la confiance de l'enfant pour lui présenter le "jury" décisionnaire de l'attribution de ses fameuses bourses.

Exclusivement composé d'hommes, celui-ci organise des dîners où Cléo peut jauger la concurrence également invitée. Faire preuve de maturité, rester ouverte, sur les conseils de Cathy Cléo découvre le visage caché de la pseudo-fondation. Mais alors qu'un drame se joue clairement, un autre tout aussi vicieux se profile : la complicité de la victime devenue elle-même "rabatteuse".

Une avalanche de questions inondent alors le lecteur : Cléo est-elle responsable ? Peut-on, à treize ans, avoir conscience de telles conséquences ? Complice ou victime ?

De cette zone grise, Lola Lafon explore les mécanismes psychologique pervers de ces pédophiles, à commencer par la patience. Vient ensuite le temps d'amadouer pour enfin pénétrer la confiance. le piège est prêt. La victime est prête à être consommée et utiliser. Muette et sourde, une honte en filigrane accompagne alors chaque protagoniste du roman.

Choral et littéraire, celui-ci ne s'attarde pas uniquement sur notre chère Cléo, mais sur ses proches et "victimes". Comment grandir en étant son propre juge ? Aujourd'hui danseuse professionnelle pour émissions et shows populaires, Cléo est toujours prisonnière du passé où ses actes répondent à perpétuité au désespoir de Bettie, une camarade de collège.

Par de courtes phrases et chapitres, la romancière impose un rythme, une atmosphère grave, jetant un trouble.

Pas de fioritures, mais un ton juste où chaque mot est pesé. Parfois déstabilisant par sa construction, ce roman reste toutefois un livre terriblement humain et indispensable.

Chronique disponible en podcast sur la page Babelio de l'auteure ou sur la page Youtube Book'n'cook.



Lien : http://bookncook.over-blog.c..
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Chavirer. Faire naufrage. Se retrouver larguée, sans repère, dans une mer de doute et de culpabilité. Telle est la peine « à perpétuité » de Cléo, qui a toujours voulu devenir danseuse.

À treize ans, Cléo prend des cours de modern jazz dans une MJC de banlieue, lorsqu'elle est repérée par une jolie dame très chic, Cathy, qui lui fait miroiter une bourse « au mérite » proposée par la fondation Galatée. Cléo se laisse amadouer par des présents coûteux et quelques sorties « en amies » dans la capitale. Grisée, elle est prête à tout pour continuer à plaire à Cathy. L'étape suivante est la participation à des déjeuners dans le cade ultra privé de luxueux appartements de la capitale. Les membres du « jury » sont des hommes d'âge mûr aux critères de sélection plus que discutables. En quelques jours Cléo devient elle-même « rabatteuse » pour les déjeuners du samedi. Au collège, une autre très jeune danseuse l'aborde et la supplie d'intercéder pour elle : la petite Betty a absolument besoin de la bourse offerte par le réseau Galatée pour continuer à danser.

En onze tableaux Lola Lafon nous fait pénétrer au-delà des coulisses des spectacles de danse, dans l'intimité de jeunes femmes parfois prêtes à de terribles compromissions pour être repérées ou tout simplement pouvoir vivre de leur art.

Le roman trace le parcours de Cléo, et en pointillés celui de Betty, sur plusieurs décennies depuis les années 80 qui ne connaissaient pas encore les réseaux sociaux, jusqu'au mouvement #Me Too qui a récemment contribué à libérer la parole.

J'ai beaucoup aimé ce roman « dans l'air du temps », la plume précise de Lola Lafon, et l'angle choisi pour aborder des pratiques longtemps tues par honte ou par complaisance, ainsi que le vécu des victimes qui se sentent coupables, de n'avoir rien vu, d'avoir cédé, de n'avoir rien dit, de ne pas avoir réagi, et par leur silence d'avoir été complices d'ignominies.
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La parole se libère et avec la rentrée littéraire dernière, c'est l'écriture qui s'est libérée en proposant de nombreux ouvrages sur cette déliance : Loulou Robert, Isabelle Carré...
Avec Chavirer, Lola Lafon s'inscrit dans ce mouvement en mettant des mots sur les maux des femmes, des jeunes filles dans le milieu de la danse et dont l'adolescence a été estropiée ; elles ont dit oui parce qu'elles ne savaient pas encore dire non. Trompées par l'amour qu'elles portaient à l'entremetteuse, et indirectement également par ceux qui voyaient, comprenaient mais qui ont fermé les yeux.
C'est en écoutant Lola Lafon parler de son roman que je me suis convaincue de lire ce livre.
Son analyse « On est éduquées pour plaire et ça, il faut s'en débarrasser » m'a interpellée et le mécanisme de la honte, de la double honte dont elle a parlé dans La grande librairie m'a convaincue.

Une mauvaise victime qui ne se revendique pas victime "Je ne suis victime de rien" dit-elle. Elle ne s'est pas détendue au moment de se laisser faire, et une victime coupable aussi, d'avoir donner en pâture d'autres jeunes filles. « Favorite. Courroie de transmission, victime et coupable, une martyre-bourreau. »

« Cette souffrance en veille resurgissait à tout propos, celle d'une ancienne gamine à qui des adultes avaient enseigné la solitude des trahisons. »
Ce n'est pas un récit linéaire que nous propose Lola Lafon mais un récit morcelé de rencontres, de flashbacks. Des rencontres qui donnent un éclairage approfondi, densifié, sur ce qu'a été la vie de Cléo, principale protagoniste de ce roman, de 13 à 47 ans.

« alors que tout semblait indiquer que Cléo aurait treize ans pour l'éternité, elle se cognait à chacun des angles morts de cette éternité. »

Comment se construit-on quand on a été confrontée à cette douloureuse, infecte réalité ? Comment vit-on le fait de devenir mère ? D'une fille. Comment arpenter le chemin rocailleux jusqu'au pardon ? On n'oublie pas, on vit avec cette écharde, « une écharde sur laquelle sa chair s'est recomposée, à force d'années. Un petit coussin de vie rosé, solide et élastique. Ce corps étranger n'en est plus un, il lui appartient, solidement maintenu dans un faisceau de fibres musculaires, à peine effrité par le temps ».

J'ai aimé le cheminement de l'autrice, dénué de manichéisme, empreint de bienveillance. Elle nous donne un intelligent aperçu du dessous des cartes et fait écho aux scandales qui ont éclaté dans le milieu du sport.
Licencieux filon que celui de faire miroiter de jeunes enfants, leur mettre des étoiles dans les yeux et leur promettre le Graal, se jouer de leur jeunesse, de leur inexpérience, de leur fragilité et naïveté, abuser de leur confiance, abuser ...
La honte, ensuite des jeunes victimes, les immunise contre une éventuelle dénonciation.
La honte, la culpabilité.
Des vies rongées.
Des vies où l'on tourne le dos, mais où on affronte de face.
Et le silence comme « le repli tamisé d'un refuge ».

Quand on aime les petites filles.
Quand on a quatre fois plus que l'âge de ces jolies et sensibles fleurs en devenir, on se soigne, non ? On se fait aider ? On se maîtrise ?
--- Tu te maîtrises ,s'il-te-plaît.

Un livre sur ces vies hantées par la culpabilité et la quête du pardon, racontées par petits morceaux savamment orchestrés, à mon humble avis,
avec délicatesse et pudeur, ponctuées de passages littérairement remarquables.

Une phrase de ce livre me hante depuis la dernière page tournée :
« Si ça ne fait pas mal, c'est qu'on n'a rien dérangé. ».
Deux négations criantes. Percutantes.
Racontons ce qui hante.

Se faire de la place pour deux uniquement si la réciproque est vraie. Cela ne vaut pas la peine, sinon.

Merci Lola Lafon pour ces mots, ces histoires, l'histoire de Cléo, celle de tant de petites filles malmenées, fourvoyées, qui ont dû ...doivent s'accommoder de tant d'égratignures. Qui font face. Parce qu'elles sont imprégnées de leurs rêves d'enfant. Parce qu'à défaut d'oublier, il ne faut pas soi-même se diluer, se noyer. Contre le vent. Il ne faut pas. PAS. Des adultes en souffrance. Des vies innocentes bafouées.
Ça dérange.
Autorisons-nous à l'entendre. Trempons dans la douceur et l'empathie.
Sortons de ce malaise qui détruit.
Alors MERCI.

« [...] les mots avaient des horizons de paysage, les nuances d'un poème : à défaut du pardon, laisse venir l'oubli. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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