Citations sur La petite communiste qui ne souriait jamais (210)
L’auteur évoque avec Nadia une série de photos parues dans la presse roumaine de l’époque : elle pose avec Dorina, elles ont revêtu une combinaison d’ouvrières bleu marine et sourient à l’objectif, une pelle à la main.
- Ces photos sont donc une pure manipulation ! L’enfant modèle qui aide à la reconstruction du pays…
- C’est ce qu’on appelle de la « com », maintenant, non ? Tous les sportifs qui gagnent sont des symboles politiques. Ils promeuvent des systèmes. Communiste, à l’époque, capitalisme, aujourd’hui. Et chez vous… Vous savez que, même à l’époque, les marques qui sponsorisaient vos athlètes féminines les obligeaient par contrat à être maquillées, à privilégier les robes aux survêtements lorsqu’elles étaient en public, vous trouvez ça mieux, plus modernes ?
AVANT-PROPOS
"La Petite Communisme qui ne souriait jamais" ne prétend pas être une reconstitution historique de la vie de Nadia Comaneci. Si les dates, les lieux et les évènements ont été respectés, pour le reste, j'ai choisi de remplir les silences de l'histoire et ceux de l'héroïne et de garder la trace des multiples hypothèses et versions d'un monde évanoui. L'échange entre la narratrice du roman et la gymnaste reste une fiction rêvée, une façon de redonner la voix à ce film presque muet qu'a été le parcours de Nadia C. entre 1969 et 1990.
Je me tais et je prends note. Le soir, je regarde de vieilles vidéos d’elle sur la poutre, muette et précise, Nadia C. désosse l’impossible comme on ravage un ennemi.
Les méthodes de contraception chimiques provoquent des maladies graves entraînant la mort. Elle sont interdites. Pratiquer le coït interruptus rend impuissant. Être célibataire est suspect. Avoir des rapports trois ou quatre fois par semaine est la preuve d'une vie normale. Taux obligatoire d'enfants par femme : cinq (p. 230)
Je rêvais de liberté, j'arrive aux Etats-Unis et je me dis: c'est ça la liberté? Je suis dans un pays libre et je ne suis pas libre? Mais où alors, pourrais-je être libre?
"C'était impressionnant cette abondance pour vous?
- Bien sûr. Vous savez la première fois que ma mère est venue à l'Ouest, c'était dans une banlieue du New Jersey, eh bien, elle a pleuré dans les allées du petit supermarché."
Je cherche à comprendre. Pleurait-elle de joie, Stefania, devant l'émotion de ces nouveaux choix, le fait même d'avoir le choix, et Nadia me coupe la parole, presque brutale. Le dégoût de cet amoncellement absurde, me corrige-t-elle. La tristesse de se sentir envahie de désir devant tant de riens. "Chez nous, on avait rien à désirer. Et chez vous, on est constamment sommés de désirer."
C'était impressionnant cette abondance pour vous ?
- Bien sûr. Vous savez, la première fois que ma mère est venue à l'Ouest, c'était dans une banlieue du New Jersey, eh bien, elle a pleuré dans les allées du petit supermarché.
Je cherche à comprendre. Pleurait-elle de joie, Stéfania, devant l'émotion de ces nouveaux choix, le fait même d'avoir le choix, et Nadia me coupe la parole, presque brutale. Le dégoût de cet amoncellement absurde, me corrige-t-elle. La tristesse de se sentir envahie de désir devant tant de riens. Chez nous on n'avait rien à désirer. Et chez vous, on est constamment sommés de désirer.
Vous avez contribué à la fabrication de cette image. A travers vous, le pouvoir faisait la promotion d'un système. La réussite totale du régime communiste, l'apothéose de la sélection: l'Enfant nouvelle surdouée, belle, sage et performante.
(Rire agacé.)
Ah oui, bien entendu! Les Roumains vendaient le communisme. En revanche, les athlètes français ou américains, aujourd'hui ne représentent aucun système, n'est-ce pas, aucune marque!!..
Toute la journée, il commande: refais. Recommence. Les poignets des petites en équilibre cèdent sous leur poids. Des crampes les tiennent éveillés la nuit, la faim les réveille de plus en plus tôt, à 4 heures du matin, il les entend chuchoter dans le dortoir. Au dîner, elles se nourrissent en silence, des gestes secs pour porter la fourchette à leur bouche. Leurs larmes changent, elles aussi : ce qu'elles pleurent, à chaque entrainement, c'est l'impossibilité d'aller plus loin, enragées comme devant une construction de tendons et de muscles qui cèdent avant elles.
Barres, magnésie et sueur, ce mélange, la trilogie de son existence.