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sur 304 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Elle s'appelle Gordana. Elle est caissière au Franprix de la rue du Rendez-Vous dans le 12e à Paris. Depuis que Jeanne est à la retraite, elle se rend dans ce supermarché tous les mardis et vendredis matin et passe invariablement caisse 4, la caisse de Gordana. Au fil des semaines, elle a appris des choses sur Gordana et ce qu'elle ne sait pas, elle l'invente. Comme elle invente la vie de l'homme, un autre habitué du vendredi caisse 4. En parallèle des vies qu'elle imagine, Jeanne repense à la sienne, à sa grand-mère Lucie, à ses parents épiciers et à Karim, un amour de jeunesse.

Il y a beaucoup de mélancolie dans le récit de ces vies faites de tout petits événements, comme dans ce temps dilaté et pourtant limité de la retraite, dans ces routines que Jeanne s'invente pour l'apprivoiser, dans ces rencontres davantage rêvées que réellement vécues.

Nos vies est donc un roman à éviter si l'automne vous déprime ou si vous traversez vous-mêmes une de ces périodes un peu vides de l'existence. Mais si Sophie Calle vous a donné envie de suivre des inconnus dans la rue, si comme Perec vous vous êtes déjà postés place Saint-Sulpice ou ailleurs pour observer les mouvements de la rue, alors le roman de Marie-Hélène Lafon vous incitera probablement à regarder autrement les personnes familières et pourtant inconnues de votre quotidien.
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Avec ce court roman, je découvre Marie-Hélène Lafon. Il s'agit d'un récit introspectif. Jeanne raconte la vie supposée de quelques personnes qu'elle croise régulièrement au magasin du coin et elle brode autour des quelques éléments qu'elle glane.
Au milieu de tout cela, elle raconte aussi, par petites touches, sa vie et les choix qui se sont offerts à elle.
[...]
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Mon salon donne sur un vaste immeuble en briques rouges, criblé de fenêtres. Parfois, l'une d'elles s'ouvre, un homme à la bedaine nue et à l'oeil fou en surgit. Un étage plus haut, un peu plus à droite, voilà l'homme aux cheveux longs et argentés qui s'accoude à sa fenêtre, les mains serrant sa bière du matin. le plus souvent, c'est une vieille dame en peignoir qui sort sa tête blanche et promène un regard plissé, pointu sur la rue.

Elle me fait penser à la narratrice de Nos Vies de Marie-Hélène Lafon. Une dame âgée et pensive aussi, qui observe les gens et les choses avec une acuité presque inquiétante. Cela donne des descriptions amples, minutieuses, qui s'autorisent de drôles de digressions.

« Les seins de Gordana ne pardonnent pas, ils dépassent la mesure, franchissent les limites, ne nous épargnent pas, ne nous épargnent rien, ne ménagent personne, heurtent les sensibilités des spectateurs, sèment la zizanie, n'ont aucun respect ni aucune éducation. Ils ne souffrent ni dissidence ni résistance. Ils vous ôtent toute contenance. »

Une douce-amère solitude

L'oeil avide de la narratrice s'est entiché d'une caissière de supermarché. Il plonge dans son décolleté, fouille son corps à la recherche de je ne sais trop quoi, au juste. « le corps de Gordana, sa voix, son accent, son prénom, son maintien viennent de loin, des frontières refusées, des exils forcés, des saccages de l'histoire qui écrase les vies à grands coups de traités plus ou moins hâtivement ficelés. »

Je ne sais que penser de ces spéculations. Elles me gênent, comme l'oeil hagard du voisin bedonnant qui, parfois, s'appesantit sur moi. Mais qui suis-je pour juger cet excès d'empathie ? Je n'arrive même pas à « remettre » la caissière qui scanne mes courses depuis deux ans, à assembler ses traits éparpillés dans ma tête. Alors je me replonge dans Gordana, dans son corps qui « sue l'adversité et la fatigue ancienne », dans son « regard impossible », qui « ne voit pas les personnes et ne veut pas les voir. »

Observer est un luxe, poursuit Marie-Hélène Lafon, un privilège de natif, de ces « légitimes qui n'ont pas à se battre pour tout et habitent chaque seconde de leur pays, de leur langue, sans même y penser. » Cette phrase me percute. le français n'est pas ma langue non plus, il m'arrive de flotter dedans comme de m'y sentir à l'étroit.

Mais revenons à Gordana qui, sans le savoir, fait l'objet d'un culte profond. Une autre paire d'yeux, masculine cette fois-ci, la scrute, quémande son attention. « L'homme tendait la main, j'avais remarqué d'abord ça, la main brune, large et forte, une main efficace, retournée, creusée en un geste d'enfance et d'attente ; Gordana avait dédaigné cette main, ne l'avait pas considérée. Elle avait répandu l'argent dans un creux de plastique moulé, prévu à cet effet sur le rebord haut de la caisse, ergonomique et protocolaire, conçu et étudié pour que l'argent puisse circuler sans que les peaux se touchent, sans échanger les sucs et les sueurs, sans mélange et sans caresse, sans effleurer et sans frémir. »

Il paraît que c'est un roman sur « les solitudes » urbaines. Un mot déjà lourd et effrayant au singulier, alors au pluriel… Solitude d'une retraitée qu'un amant de vingt ans a « ghostée », et à qui il ne reste que les yeux pour disséquer les jours et les gens, pour compléter des pointillés, bricoler des destins.

Je ne connaissais par cette autrice dont j'ai découvert le nom sur la liste du Goncourt 2017. J'aime son écriture mélancolique et introspective, qui invite à la rêverie sans donner le vague à l'âme. Une écriture qui se pare à certains endroits d'une tendresse irrésistible : la page 113 décrit un rituel du café que je garderai longtemps en mémoire.

Mon paragraphe préféré : « Isabelle disait que le chant réparait, et consolait de tout parce qu'il montait du ventre pour se mélanger à l'air, à la lumière, à d'autres voix, à la musique ; elle disait que le chant inventait de la joie. Elle avait eu les mots justes puisque, après mon déménagement, j'ai cherché un choeur dans le douzième, l'ai trouvé, et m'y suis tenue de façon très mécanique, routinière, appliquée, avant d'arriver d'abord au plaisir, ensuite à la joie. »

Sur ces mots gracieux, je retourne à mon travail, très prenant, ces jours-ci, et vous dis à bientôt.
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Vous est-il déjà arrivé d'imaginer et de mettre en scène la vie des passants qui défilent devant vos yeux ? C'est ce que j'ai découvert avec Nos Vies, le nouveau roman de Marie-Hélène Lafon. Jeanne, dans un Franprix de Paris, cousant et décousant la vie de plusieurs personnages croisés à la caisse ou au coin de la rue.

C'est là que réside la particularité du roman, et surtout du style de l'auteur, qui arrive à rendre captivants les petits détails du quotidien des vies à moitié observées, à moitié imaginées par le personnage à la fois doux-amer de Jeanne. Marie-Hélène Lafon sait alors rendre parfaitement intéressant des personnes, qui au premier abord pourraient sembler humbles et simples. L'histoire balance donc entre réalité et imagination, bercée par le style à la fois doux et incisif de l'auteur.

Nos Vies est un récit empli de douceur et même d'une certaine mélancolie. L'histoire est racontée par Jeanne. Jeanne se souvient et elle observe. Les personnages autour d'elle sont des fils conducteurs menant à sa propre histoire. Ses souvenirs sont alors le socle solide du roman. Son atmosphère à la fois tranquille et un peu triste est appréciable, même si le fait qu'il y ait peu d'actions m'a un peu laissé sur ma faim. le lecteur touche alors à un thème central qui façonne l'oeuvre et la rend si particulière : la solitude. C'est, là encore, avec son style singulier que Marie-Hélène Lafon arrive à changer cette solitude si particulière qui habite les habitants d'une grande ville en contacts à la fois doux et chaleureux.

Ce qui est vraiment très intéressant dans ce récit, ce sont les personnages et surtout, leur variété. Gordana, avec son pied bot et sa « poitrine glorieuse », Mme Jaladis et son admiration pour son propre fils, Isabelle et sa peine ainsi qu'Horatio Fortunata se succèdent les uns après les autres autour de la narratrice. Les histoires de tous ces personnages se rejoignent par le point culminant qu'est Jeanne. Ils sont tous très émouvants, leur parcours touchant chacun des thèmes semblables de façon très différente. Jeanne, quant à elle, est au début assez mystérieuse avant de se révéler peu à peu, au fil de ses souvenirs. Elle apparaît alors comme une personne douce et passionnée.

L'histoire balance donc entre souvenirs et observations, montrant comment les gens peuvent se rencontrer et se toucher, parfois sans même y penser. Les thèmes de la famille et de l'amour sont abordés avec douceur. Cependant, on peut peut-être se sentir frustrés par le fait que certains personnages apparaissent assez peu et soient un peu moins creusés que Gordana par exemple. D'ailleurs, si Jeanne est le pilier du roman, Gordana en est le souffle qui le porte. Elle marque l'esprit du lecteur et c'est ce personnage qui a poussé l'auteure à rédiger ce roman.

Le style de Marie-Hélène Lafon constitue aussi en lui-même un point positif du roman. L'écriture est à l'image de ces vies faites de petites et grandes choses. Il est doux et fluide; accessible. le lecteur se glisse alors dans la peau de chacun des personnages sans aucun souci ; il n'a alors plus qu'à se laisser emporter. J'ai d'ailleurs pu rencontrer l'auteur le 10 octobre lors d'une petite conférence à la librairie Quai des Brumes. C'est avec un ton à la fois tendre et vif qu'elle a répondu aux questions de la libraire et du petit public sur son livre ainsi que sur toute son oeuvre. Accessible et drôle, elle nous a emportés le temps d'une heure dans un univers très semblable à celui du roman, foisonnant de personnes et de personnalités très différentes. Je suis ravie d'avoir pu la rencontrer et entendre ses réponses sur Nos Vies.

Ce roman, très agréable à lire, n'est, à mon sens, pas fait pour transporter les foules, mais pour apporter une petite bulle de douceur au lecteur.
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«[…] Il y a de la douceur dans les routines qui font passer le temps, les douleurs et la vie […]. »
Cette citation tirée du roman pourrait à elle seule résumer « Nos vies ». Un roman intimiste et profondément émouvant, dans lequel Jeanne, la narratrice mène une vie bien triste et solitaire.
Il y a quelque chose de fané dans la vie de Jeanne, et l'on comprend mieux au fil du récit les raisons de cette distance qu'elle met entre elle et les autres, qu'elle met entre elle et la vie. Jeanne au coeur tendre, brisé et abandonné. Jamais le ton n'est larmoyant. L'auteur nous décrit d'une plume sensible, authentique, presque parfois légère, la beauté d'une vie ordinaire.
Le récit, calme et limpide, reflète des portraits puisés dans l'entourage quotidien de Jeanne. Sa famille d'abord, dont elle décortique les liens avec tendresse et acuité. Puis il y a Gordana, une caissière qu'elle observe longuement et attentivement sans jamais lui adresser la parole ; Horacio, un client timide et dévoué ; un couple d'amis…
« J'ai l'oeil, je n'oublie à peu près rien, ce que j'ai oublié, je l'invente. ».
C'est bien à cet exercice d'observation et d'imagination que se livre la narratrice, tout au long du roman. Tout comme d'ailleurs Marie-Hélène Lafon, dans son travail d'écrivain, livrant ainsi son regard sur nos vies anodines, toujours avec finesse et humanité.
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Belle écriture précise et soutenue mais qui reste accessible et suffisamment explicite pour accrocher le lecteur. J'ai bien aimé cette idée de broder des vie imaginées sur des personnages qui semblent bien réels (on a bien vite l'impression de les avoir vus dans notre quotidien ) en interaction constante avec des éléments de vie de la narratrice.
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Je ne dirai pas que c'est pour moi LE livre de l'année, mais assurément le meilleur de ceux avec lesquels il concourait pour un prix, et le meilleur de Mme Lafon, le seul peut-être d'ailleurs pour lequel on puisse vraiment parler de littérature. Car il est enfin donné par l'auteur plus d'ampleur à ses phrases. Quel dommage que la tenue de l'écriture ne soit cependant pas toujours la même d'une page à une autre.
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Ce que Marie Hélène Lafon a écrit de mieux est certainement une série de nouvelles. Ce qui est présenté ici comme un "roman", est un livre court, une longue nouvelle peut-être, pas vraiment un roman. L'auteure excelle dans l'art de décrire les gens simples, leurs vies, leurs habitudes. On dit que ses textes sont "denses". C'est vrai, il y a beaucoup de vérité et beaucoup d'intelligence dans ces écrits, et cette façon d'écrire, pour curieuse quelle soit, est assez attachante. On parle de Gordana, une caissière de supermarché. Ce n'est pas l'histoire de Gordana, mais la description de Gordana: M.H.Lafon ne raconte pas des histoires, elle décrit des personnages, des situations, des perceptions. On peut saluer un gros travail. Mais on peut aussi être frustré par l'absence de fil conducteur du récit d'une part, et par la faiblesse - ou plutôt l'absence - d'intrigue d'autre part. Enfin, on ne peut s'empêcher de trouver - une fois de plus - la posture de M.H.Lafon un peu condescendante. On se souvient de "Joseph", et des descriptions des aimants en forme de fruits accrochés à la porte du frigidaire. On retrouve ce même angle, ce positionnement supérieur. Oui, les gens simples, ils sont simples. Faut-il à ce point insister?
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