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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
(Billet écrit en mai 2011)

Ce roman, c'est le portrait mouvant de trois jeunes femmes qui entrent en résistance.
Il y a tout d'abord Emile que l'on croit morte d'un coeur trop fragile et son amie, sa presque-soeur la narratrice qui a cessé de danser ; toutes deux ont déjà été malmenées par la vie, et subissent la torpeur ambiante, anesthésiées dans une société française toujours plus répressive depuis l'Election.
Puis il y a la petite fille au bout du chemin qui brandissant ses références historiques, littéraires, cinématographiques, interroge tout, n'admet rien au point de sembler perdre pied au regard des biens pensants.
C'est leur rencontre et leur amitié qui créent l'étincelle.
A elles trois, la sensibilité à fleur de peau, elles vont mettre des mots sur leur colère, concevoir leur révolte et se mettre en mouvement.
Nous sommes les oiseaux de la tempête est un livre qui bouscule, qui réveille, mais c'est aussi livre magnifiquement écrit et empli de poésie.
Des livres comme celui-ci on en aimerait plus souvent. Merci Lola.
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Elles ressemblent à deux filles un peu fofolles avec leurs tresses en chignon et leurs collant à losanges. L'une a vu son coeur brusquement s'arrêter, et pendant qu'elle sort peu à peu de cette mort temporaire, l'autre raconte.
Elles se sont connues au groupe de parole pour femmes violées.

« Toutes ces années, nous nous sommes tirées chacune par la main. Nous avons partagé l'expérience de la vie morte. Nos peurs, nous les guettions l'une l'autre, laisser un de nos corps en arrière aurait fait tomber toute la chaîne de nos nuits sans vie, un boucan terrible. Et peut-être que nous avons fini par les additionner et les mélanger, nos peurs, pour former ce magma pesant de frayeurs enchevêtrées. »


Elles essaient assez lamentablement de s'en sortir, d'autant que le viol n'est jamais que le reflet d'une société répressive, basée sur le rapport de force et l'exclusion, sous la férule d'un président démocratiquement élu par une Election (tableau terrorisant semi-uchronique [notre avenir réel peut-être] qui ne nomme personne, avec juste ce qu'il faut de décalage, de soulignage pour se faire poser la question : on est en France ou dans un pays fictif, elle invente, elle en rajoute ???), une société du sexe-roi et de la normalité-reine. Et que la narratrice est réfugiée de la Roumanie de Ceaușescu, danseuse professionnelle soumise depuis l'enfance aux diktats de ses maîtres , de ses idoles, mais aussi de son propre plaisir.
Elles croisent une fille encore plus bizarre, sans doute psychotique, La Petite Fille au bout du Chemin, disciple de toute une collection d'anarchistes, qui va les faire passer de la révolte à la Révolution, des larmes à d'autres larmes.

« Mais voilà que je ne veux pas être réparée. Sauvegardée. Rafistolée pour continuer à avancer. Je ne veux pas qu'on colmate ce que je m'acharne à défaire, découdre. (…)
Songe qu'on affirme fièrement, je suis raisonnable, cet aveu qui dit en vérité je me laisserai raisonner par Vous.»


Je vous passe les détails, ce livre est d'une richesse incroyable... Ca fourmille de thèmes, de pistes, d'inventivité. C'est un livre incongru et généreux, qui part dans plein de directions sans jamais se perdre, une observation psychologique pointue, un pamphlet pour quelque chose qui ne serait pas que de la vigilance, mais une riposte . Il y a un mélange assez jouissif de tristesse, de douceur, de rage et de gaîté, qui m'a un peu fait penser à La guerre est déclaré dans la première partie, pour évoluer ensuite vers un discours beaucoup plus large, partir de la douleur intime pour avoir un regard et un rôle dans le monde.

« Peur de finir par ne plus chercher que de jolis refuges de campagne où être bien, des terriers ou des nids à construire, m'appliquer à les border de couvertures et prendre bien garde à n'y installer que des lumières indirectes, apaisantes. Finir par s'y installer, dans l'oasis, dans la pause,et oublier qu'on ne faisait que passer avant de repartir. Finir par ne plus s'occuper que de son propre corps à sauvegarder, une jolie plante fraîche à arranger, soigner, nourrir. Se suffire de à peu près et presque. Et ne plus savoir comment commence, mais qu'est ce qu'une tempête. La craindre, la conspuer même, la moquer, cette tempête, dès qu'on en renifle les débuts, en répétant, mauvais et frileux, « ça ne changera rien », se prendre à souhaiter qu'il n'y en ait plus jamais des tempêtes parce qu'on s'y est fait à ces journées, finalement . »


Je ne peux pas dire que je partage toutes les convictions de Lola Lafon alias Voltairine, peut-être suis je trop timorée, ou pas assez lucide, certaines choses m'ont même gênée, mais ce fut un moment à la fois instructif et réjoui, de partager cet arrachement face à l'agression quotidienne d'un monde trop dur, trop impitoyable, trop sûr de lui. Il y a là une réflexion sur la normalité, sur la révolte, sur le droit d'être autre et de le dire. Sur le droit de ne pas être rien, des filles de rien.

C'est un livre irrévérencieux, qui crie et hurle une rage, revendique le droit de savoir dire non. Un livre jeté dans une mer d'indifférence avec l'espoir d'allumer des étincelles, et que ces étincelles , de proche en proche allument un grand feu salvateur autour duquel se réchauffent toutes les Petites Filles au bout du Chemin.
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Parce que le coeur d'Emilienne dite Emile s'est arrêté de battre quelques minutes, elle est plongée dans un coma artificiel. Un état où les médecins veulent la faire revenir à la vie dans une pièce "pieuvre de machines". Pendant ce temps, sa presque soeur écrit le journal des jours qu'Emile n'a pas vécus et revient sur l'amitié qui les lie. Elle l'ancienne danseuse classique d'origine des pays de l'Est a subi la violences des hommes. Et c'est dans un groupe groupe de paroles où l'on tente d'exorciser la culpabilité sournoise et accusatrice qu'elles se sont connues. Tandis qu'Emile dort, la narratrice au corps et à l'âme endoloris rencontre La Petite Fille au Bout du Chemin. Eprise de liberté et d'un désir de révolte, cette dernière l'entraîne sur les chemins du "non". Une négation face à l'état et à l'immobilisme, à ce que l'on impose aux femmes, un "non" comme celui de la danseuse Sylvie Guillem ou celui véhiculé par l'anarchiste américaine Voltairine de Cleyre.

la suite sur : http://claraetlesmots.blogspot.fr/2014/07/lola-lafon-nous-sommes-les-oiseaux-de.html
Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Ok, résumer ce livre est ultra compliqué car ce roman est en lui-même ultra compliqué... Je vais essayer de vous faire part de mes différentes impressions lors et suite à ma lecture mais je m'excuse d'avance si c'est un peu brouillon, j'ai essayé d'ordonner mes idées mais c'est plus difficile que ce à quoi je m'attendais.



Pour commencer, dans ce livre on aborde le sujet très difficile de la mort potentiel, du coma : la personne va-t-elle se réveiller ? Si oui, dans quel état ? Mille questions traversent l'esprit de notre narratrice et l'on pourrait s'attendre à un roman sur ce "simple" sujet. Mais non, l'histoire s'enrichi de bien d'autres sujets, tous plus durs les uns que les autres.

La narratrices, lors du coma d'Emilienne, évoque leur passé commun qui n'a rien d'un conte de fée, bien au contraire. Car les deux jeunes filles se sont rencontrées lors de séances de groupe pour parler du viol, de leurs viols respectifs. C'est un sujet extrêmement dur, notamment lorsque le viol n'est pas reconnu par la justice : la honte, la colère, la culpabilité. On voit défiler de très nombreux sentiments lors de ces passages. C'est terrible de n'être qu'un simple lecteur, un simple témoin de ce qui est arrivé. C'est un passage qui m'a absolument révoltée et retournée. Mais une fois de plus, on n'en reste pas là.

Entre temps, on aborde la thématique de la mémoire : qui est-on sans notre mémoire ? Est-ce que cela se guérit ? Je ne m'étendrai pas sur ce sujet rapidement abordé mais je voulais simplement mettre en avant la diversité foisonnante des sujets abordés dans ce roman.

Ensuite, le sujet qui m'a paru être le plus important est politique. Je suis toujours les débats de loin et la politique ne me plaît pas outre mesure. Je trouve qu'aujourd'hui on évite trop souvent les sujets centraux pour se focaliser sur des broutilles. Mais bref, ici j'étais face à quelque chose que je préfère fuir mais je n'avais plus le choix. Un Etat qui durcit les règles, édicte un couvre-feu, renvoie les étrangers à la frontière... C'est une dictature qui s'installe petit à petit et prend de plus en plus de décisions à l'encontre des libertés au nom de la sécurité. Une dérive bien connue vers laquelle nos sociétés pourraient elle-même aller. C'est en cela que ce roman est un véritable coup de poing : il nous réveille, nous rappelle que la liberté n'est pas acquise mais qu'elle doit être une lutte de tous les jours. même en France aujourd'hui. On ressort de cette lecture assez perturbé mais également prévenu. Laissons un peu notre confort de côté, c'est de liberté que nous avons tous besoin !

Enfin pour terminer (et non, ce n'est toujours pas terminé !), le roman aborde le thème de la folie : est-on fou si l'on est heureux ainsi ? Si l'on pense seulement différemment ? Si l'on pointe juste le doigt sur les problèmes des autres ? Beaucoup de questionnements autour de la médecine, de la folie psychologique. La Petite Fille au Bout du Chemin en est l'actrice principale. On a du mal à comprendre comment elle fonctionne et elle embarque Voltairine dans de drôles d'aventures. C'est particulier et tout le monde n'appréciera pas. Personnellement j'ai adoré les réflexions que suscitait ce personnage...
Lien : https://aloiseuseo.wixsite.c..
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Je ne m'attendais pas à être secouée comme ça par ce roman intitulé "Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce".
Ce livre est très surprenant comme à la première écoute du dernier CD de Lola Lafon que j'ai découvert récemment.
J'ai été assez envoutée, voire perturbée, par la cause des petites filles au bout du chemin. C'est un signe, Lola Lafon m'a dédicacé son roman quand nous sommes allés à son concert à Fresnes, en notant "Nous sommes CES oiseaux de la tempête qui s'annonce (ou l'espère)" avec un "merci". Ce n'est pas très gai mais c'est profond et j'admire son engagement anarco-féministe.
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Une ode à la liberté à la fois délicate et radicale. Les frontières deviennent poreuses dans cette histoire d'amitiés féminines, de frôlements , de souffrances aussi. A l'aube de la mort puis de la folie mais aussi de l'amour, trois "marginales" tentent de vivre leur vie dans une société formatée et asphyxiante. Trois oiseaux qui tentent de rester en vol en entrant en résistance.
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