Olivia de Lamberterie fait revivre son frère, mort le 14 octobre 2015, après s'être jeté du pont Jacques Cartier à Montréal. Roman de l'absence, d'un absent qui manque cruellement à sa vie, ce frère, ce confident retrouve à travers l'écriture lumineuse et vivante de sa soeur toute sa flamboyance.
Le texte alterne entre l'été 2015 – l'avant – et l'automne 2015 – l'après – et est entrecoupé de flash-back nous donnant à voir la complexité d'Alexandre de Lamberterie, tourmenté par une profonde mélancolie qui frappe mystérieusement les hommes de la famille. Elle questionne également de manière pertinente la prise en charge du mal être dans notre société où l'obligation morale «d'aller bien» fait office de religion.
J'ai dû prendre mon temps pour le lire car c'est un sujet intime, qui remue, m'a touché profondément et a donc nécessité quelques respirations à la lecture. Les tourments d'Olivia qui se creuse les méninges pour savoir ce qu'elle a raté ou aurait pu faire pour empêcher son frère de sombrer sont éloquents : qu'est ce qui a pêché ? Quelle est la source de ce mal qui le ronge?
Cependant, on est très loin d'un livre morose ou plombant. Une certaine luminosité, presque de la gaieté émerge de certains passages, ravivant le souvenir des jours heureux, de l'insouciance. Elle l'écrit d'ailleurs elle-même dans ce passage où elle répond à son jeune fils, inquiet à l'idée qu'on ne fête pas noël cette année en raison du drame : « inventons une façon joyeuse d'être triste« .
Une parole libératrice : Grâce à une écriture très « orale », sur le mode des confidences, j'avais l'impression d'entendre
Olivia de Lamberterie me raconter son histoire, avec cette voix particulière que j'ai entendu maintes fois à la radio et à la télévision. J'ai également senti un vrai lâcher prise de la part d'Olivia, une écriture fluide et entière qui ne dissimule rien, que ce soit lorsqu'elle ausculte l'intimité familiale, son chagrin incommensurable ou la perte de son appétit pour la lecture. Les choses sont dites, telles qu'elles sont, même si ça ne l'empêche pas de se demander pourquoi. Ici pas de désir d'embellir la réalité ou de l'atténuer, de (se) chercher des excuses : elle fait tomber les barrières et se met à nu pour livrer sa perception de la tragédie, sa manière d'y faire face, son refus de faire le deuil d'Alex. J'ai vraiment ressenti tout au long de ma lecture cette liberté de parole, celle d'une femme qui s'autorise à écrire tout ce qu'elle a sur le coeur, sans calculs ni faux semblants.
La perte du goût de lire : La journaliste est aussi impactée d'une manière particulière, qui touche à ce qui est de plus naturel et instinctif : elle ne parvient plus à lire, les mots ne font plus sens, elle, la critique littéraire qui a fait des mots des autres son quotidien, se retrouve en panne, non pas d'inspiration, mais d'attention.
Ce texte m'a ainsi souvent évoqué ces paroles de Benjamin Biolay dans « ton héritage » : « Ça n'est pas ta faute, C'est ton héritage, Et ce sera pire encore, Quand tu auras mon âge, Ça n'est pas ta faute, C'est ta chair, ton sang, Il va falloir faire avec, Ou… plutôt sans« .
Lien :
https://unlivredanslapoche.w..