PRÉSENCE DE L’ABSENCE
Tu es né mêlé à moi comme à l’archaïque lumière les eaux sans
pesanteur,
Tu es né loin de moi comme au bout du soleil les terres noyautées
de feu,
Tu nais sans cesse de moi comme les mille bras des vagues
courant sur la mer toujours étrangère ;
C’est moi ce charroi d’ondes pour mûrir ton destin comme midi
au sommet d’une cloche ;
Cette gorgée d’eau qui te livre la cime du glacier, c’est mon
silence en toi,
Et c’est le sillage de mon défi cette odeur qui t’assujettit à la rose ;
Cette pourpre dont tu fais l’honneur de ton manteau, c’est le
deuil violent de mon départ ;
C’est moi l’amour sans la longue, la triste paix possessive…
Moi, je suis en toi ce néant d’écume, cette levure pour la mie de
ton pain ;
Toi, tu es en moi cette chaude aimantation et je ne dévie point de
toi ;
C’est moi qui fais lever ce bleu de ton regard et tu couvres les
plaies du monde.
[…]
Je suis l’embrasement amoureux de l’absence sans la poix de la
présence.
ANGOISSE
Tout est trop loin du cœur, sauf de souffrir ;
Tout est trop loin de l'âme, sauf de faillir ;
Otez-moi, dessus le masque, cette surcharge de face humaine,
Déchargé de ma propre présence, je cherche l'épure ancienne,
Que reste-t-il des ciels flambés sinon le charbon de la nuit ?
— Les ciel moins brûlés de ciels que les regards de regards
aimés —
Nous ne lisons plus l'avenir au cœur d'un oiseau crucifié !
Otez-moi ce cœur et ce poids à mollir le genou !
Sauf haïr tout est trop loin de l'amour.
Quand j'étais un pâtre que la montagne marie au silence,
— Toutes les montagnes luisent à l'arête de leur silence…
Extraits du DVD "Lorsque j'étais une petite fille"
Parcours de la vie de la poète Rina Lasnier en photos et en poésie, de son enfance à ses débuts littéraires, par l'auteure Marie Lasnier et le musicien Robert Len.