L'océan Indien et ses eaux claires, l'Îe Maurice et ses plages de rêve, sa population aux origines multiples qui se rassemble sous son drapeau aux 4 couleurs, et son passé de colonie française puis britannique. Et puis cet archipel des Chagos, loin au nord, peuplées de quelques milliers d'habitants qui y vivent tranquillement et dans le respect de la nature depuis le XVIIIe siècle. Jusqu'au jour où va se poser la question de l'indépendance de Maurice vis-à-vis du Royaume-Uni. Sans jamais être ni consultés ni informés, les chagossiens vont alors se retrouver malgré eux l'objet d'une négociation entre le pays colonisateur, les U.S.A. et le futur gouvernement mauricien. Niant tout droit, voire toute existence, aux chagossiens, les britanniques vont exclure l'archipel du référendum sur l'indépendance de Maurice en violation du droit international, affamer puis expulser les iliens, les entasser dans des bidonvilles sur l'Île Maurice, leur refuser pendant des décennies la reconnaissance des torts qu'ils ont subis.
Caroline Laurent nous raconte ce douloureux chapitre de la décolonisation dont, pour ma part, je n'avais jamais entendu parler. Dans un récit qui navigue entre 1967/1975 et les années 2000, au travers quelques personnages, elle dresse le destin de ces populations sacrifiées à la guerre froide.
Il y a Marie, la femme volontaire, celle que sa mère n'arrivera jamais à convaincre de mettre des chaussures. Marie vit heureuse sur Diego Garcia, la plus grande ile de l'archipel. Elle est entourée de sa mère, de sa soeur, de sa fille Suzanne, de ses amis. Une vie simple, de bien-être et d'insouciance. le bonheur. Un jour le bateau qui approvisionne régulièrement l'archipel depuis Maurice, apporte avec lui un jeune métis mauricien, Gabriel, employé de l'administration britannique. Commence pour Marie et pour Gabriel une histoire d'amour passionnée, qui fait fi des conventions. Une histoire d'amour qui sera aussi malmenée que les chagossiens.
L'histoire de Gabriel, de Marie, et de leur fils Joséphin, cristallise tout le destin de ce peuple. Par des chapitres courts on découvre et vit la souffrance des héros et de tous leurs proches. C'est le cri d'un peuple sacrifié car insignifiant aux yeux des grandes puissances occidentales qui dominaient le monde dans les années 1960/1970.
Ce
rivage de la colère devient celui du lecteur. Un épisode parmi d'autres du mépris des peuples colonisateurs envers les colonisés, y compris jusque dans la fin de leur emprise et même au-delà. Josephin va porter pendant des décennies le combat entamé par sa mère. Il ira jusqu'à la Cour Internationale de Justice pour tenir la promesse faite à sa mère. On partage ses attentes, des espoirs, ses désillusions, cette colère d'un peuple.
Caroline Laurent réussit à mêler du romanesque à des faits historiques dans un roman bien rythmé, entre douceur des îles et force de la colère (comparable à celle d'un cyclone). Une belle histoire d'amour et des personnages très attachants au coeur d'un fait historique révoltant. Une belle découverte.