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Il faut absolument lire ce livre, ce roman de Caroline Laurent, car il éclaire un drame de l'histoire récente trop peu connu, mis sous le boisseau pour servir les intérêts des puissants, ceux qui exploitent le peuple sans aucun état d'âme.
Qui connaît les îles Chagos ? J'avoue mon ignorance et je remercie celle qui m'est chère de m'avoir, cette fois encore, poussé à lire Rivage de la colère.
Perdues dans l'Océan Indien, près de l'Équateur, les îles Chagos (Diego Garcia, Peros Banhos, Salomon et d'autres atolls) dépendaient de l'île Maurice, colonie britannique depuis 1814 après avoir été françaises. Nous y avions amené des esclaves originaires de Madagascar et du Mozambique pour y exploiter la noix de coco…
Rivage de la colère débute en 1967 quand arrive un jeune Mauricien, Gabriel, qui vient seconder l'Administrateur installé à Diego Garcia. Là, Marie-Pierre Ladouceur vit heureuse dans cette nature préservée, même si elle travaille comme les autres à l'exploitation des noix de coco pour produire l'huile de coprah. Gabriel et Marie se rencontrent et s'aiment malgré leurs différences et les préjugés. Elle est déjà mère d'une petite Suzanne, tombe sous le charme du nouvel arrivant, le séduit mais les jours heureux vont bientôt se terminer subitement. En effet, un référendum permet à Maurice d'obtenir l'indépendance mais un accord secret cède l'archipel des Chagos aux Anglais qui ont un accord avec les États-Unis voulant y créer une base militaire.
Toute la population est évacuée en quelques heures, sans ménagement, embarquée dans la cale d'un cargo pour Maurice. Là-bas, ces familles laissées à l'abandon, vivent dans un bidonville. Tout cela, Caroline Laurent me l'a fait partager, vivre intensément aux côtés de Marie, de Gabriel et surtout de Joséphin, leur fils qui ira jusqu'à la Cour Internationale de la Haye pour obtenir réparation.
Mais que de souffrances ! Que de blessures ! Que de vies sacrifiées si injustement ! Toutes ces existences balayées, ces femmes et ces hommes humiliés à cause de la couleur de leur peau, spoliés, chassés sans ménagement, traités comme on traitait autrefois les esclaves.
Malgré l'arrêt de Cour de la Haye, le combat continue car aucune exécution n'est encore intervenue pour que les Chagossiens puissent revenir vivre sur leurs îles. Dans sa postface, Caroline Laurent confie ses origines mauriciennes du côté maternel et replace son roman dans le cadre historique pour que nous soyons pleinement conscients d'un drame un peu trop vite oublié.
Rivage de la colère est un roman historique déchirant, remarquablement écrit et bien construit. J'ai pleinement adhéré à cette histoire qui m'a appris une autre facette honteuse de l'histoire de l'humanité qu'il est possible encore de réparer.

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Très récemment j'ai pu voir sur France 2, un excellent documentaire intitulé : Décolonisations, du sang et des larmes qui nous rappelait qu'une société qui ne parvient pas à assumer un héritage, si encombrant et honteux soit-il, est vouée à se déchirer.
En lisant Rivage de la colère, ce magnifique roman, je n'ai eu de cesse de repenser à ce film.
Si le Royaume-Uni semble bien s'en sortir et avec une certaine humanité, en acceptant l'indépendance de l'île Maurice le 12 mars 1968 suite au référendum du 17 août 1967 où le oui l'avait emporté, une clause classée Top Secret révèle un gâchis monstrueux et un complet désintérêt pour la souffrance humaine : "l'indépendance de Maurice était conditionnée au "détachement" de l'archipel des Chagos" (l'archipel des Chagos avait été rattaché à la colonie Maurice en 1903). Un accord secret était passé entre le Royaume-Uni et les États-Unis pour louer Diego Garcia, un atoll de l'archipel des Chagos aux Américains, un projet de base navale étant en vue. Un plan en trois étapes était prévu par les Britanniques : "D'abord, encourager les départs volontaires, sans préciser aux voyageurs que le retour sur l'île leur serait interdit. Ensuite, pousser les gens à partir d'eux-mêmes en stoppant l'acheminement de vivres et de biens via les navires de ravitaillement. Enfin, face à d'éventuels récalcitrants, ne pas hésiter à employer la force".
C'est cette sombre histoire que Caroline Laurent retrace superbement.
En alternant deux récits, celui assez bref de Séraphin, le fils qui raconte le combat qu'il mène pour pouvoir revenir sur cette île, ayant pris dans cette lutte, la suite de sa mère et celui de la vie de cette dernière Marie-Pierre Ladouceur, racontant la vie sur l'île, sa rencontre avec Gabriel et les conséquences qu'ont pu avoir l'indépendance de l'île Maurice et ce fameux dossier Top Secret sur sa vie, sur leur vie et celle des autres Chagossiens.
Le récit de Marie débute en mars 1967 et se situe sur la plage de Diego Garcia, sur l'archipel des Chagos. Elle est la première à apercevoir le cargo "Sir Jules" chargé de tant de rêves : "Un royaume se déversait sur les plages de l'île. Des denrées introuvables à Diego, comme le riz, la farine, ou le sucre ... du vin, du tissu, du savon, des médicaments...." Les hommes sortent des entrepôts et elle, va aussitôt à la parcelle où les femmes écalaient les cocos pour les prévenir. Sa soeur Josette attend avec impatience l'arrivée du curé qui pourra l'unir à Christian. Et voilà que débarque un beau jeune homme, à la peau couleur "thé au lait", il arrive de Port-Louis, s'appelle Gabriel Neymorin. Il est le nouveau secrétaire de Marcel Mollinart, administrateur de l'île et qui possède la plantation de coprah. Des tonnes de ce coprah sont exportées chaque année vers Maurice et le reste du monde et Gabriel devra veiller avec lui sur sa production.
Dès les premières pages, j'ai été embarquée dans ce roman imprégné de couleurs, d'odeurs, de sentiments, de sensualité, d'exotisme. J'avais l'impression d'être moi-même sur la plage de cette île paradisiaque. Mais bien vite, dans cette vie simple et heureuse va se profiler un changement quasi imperceptible au début, qui va progressivement enfler jusqu'à ce moment où tout va basculer lorsque les derniers Chagossiens vont être convoqués sur la plage par des soldats Britanniques. Ces derniers leur demandent de rassembler quelques affaires, seulement l'essentiel, ils doivent évacuer Diego Garcia pour Maurice sur le champ.
Les regards perdus, les lamentations, l'incompréhension : le désarroi est total. Pourquoi doivent-ils quitter leur île, qui l'a décidé, quand reviendront-ils ? Autant de questions pour lesquelles aucune réponse n'est apportée
Quelle sensibilité, quelle justesse l'autrice a su rendre dans cet exode ! C'est d'une tristesse inouïe.
Que d'émotions ressenties tout au long de ce roman sur l'exil et la révolte dans lequel la fiction permet de faire connaitre à chacun ce drame historique, cette injustice incommensurable.
Grâce à ce roman historique et à travers l'épopée de Marie Ladouceur, j'ai d'abord découvert ces îles Chagos dont j'ignorais l'existence, et surtout le terrible destin qui a été réservé à ses occupants lorsqu'en 1971 ils ont dû quitter leur île et n'ont jamais pu y revenir. Une île vidée de ses habitants pour l'installation d'une base américaine.
Caroline Laurent fait revivre ces conditions de transport dans les cales du cargo, l'accueil inexistant sur l'île Maurice et l'obligation alors pour survivre de rejoindre un bidonville, sans jamais tomber dans le misérabilisme, mais en donnant à ses personnages tout le courage et la force nécessaires pour vaincre ces moments qui ne devraient jamais exister. On ne peut être que scandalisé par de tels traitements. Des faits dont les médias se sont désintéressés et dont ils ne parlent toujours pas, bien que la Cour internationale de justice de la Haye, la plus haute juridiction des Nations Unies ait jugé, en 2019, que l'administration britannique de l'archipel des Chagos, dans l'Océan Indien, ne devait plus exister plus de 50 ans après l'annexion, jugée "illégale" de l'archipel par le colonisateur britannique. Une victoire symbolique pour les Chagossiens même si l'avis n'est pas contraignant.
Merci à Caroline Laurent pour cet ouvrage au souffle puissant qui a été pour moi un véritable coup de coeur et qui a remporté le Prix Maison de la presse 2020 !

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Les avis Babelio sur ce roman sont tous extrêmement élogieux et c'est amplement mérité tant ce roman a du souffle, du coffre, de la chair et du coeur. Rivages de la colère, c'est une histoire d'exil et de révolte, c'est une quête de justice d'une romancière engagée qui conçoit la littérature comme un puissant porte-voix permettant de dénoncer, informer et sensibiliser sur un drame méconnu de la décolonisation.

En 1968, l'accès à l'indépendance est jour de fête pour l'Île Maurice, le début du désastre pour les populations des Chagos. Cet archipel, situé au Sud des Maldives, en plein coeur de l'océan Indien, dépendait jusque là de Maurice qui lui-même dépendait du Royaume-Uni. Sauf que, suite à un accord secret entre les indépendantistes mauriciens et le gouvernement Wilson, les Chagos reste dans l'escarcelle britannique, excisés du territoire mauricien contre compensation financière, sacrifiés sur l'autel de la guerre froide pour être loué aux Etats-Unis qui y installent une base militaire sur l'île principale de Diego Garcia. Les Chagossiens doivent quitter leurs terres pour faire place nette. Sauf qu'ils n'ont pas été consultés, qu'ils ont été expulsés sans préavis ni indemnisation, avec des restrictions de médicaments et nourriture, tous les chiens de l'île gazés. Près de 2000 personnes sont ainsi déportés, livrés à eux-mêmes dans les bidonvilles de Maurice, abandonnés. Tragédie tristement universelle de la pauvreté, du racisme et de l'ignorance.
Ce récit d'un peuple analphabète, pauvre, descendant des esclaves malgaches installés aux Chagos pour travailler dans des plantations de coco, écrasé par l'Histoire est d'autant plus terrible qu'il est vrai. Caroline Laurent, elle-même originaire de Maurice, s'est longuement documentée mais jamais on ne sent le poids de ses recherches. Elle choisit la baguette magique de la fiction et de sa puissance d'incarnation pour entraîner le lecteur dans une autre vie que la sienne et faire naître empathie, indignation et stupéfaction.

Pour cela, il faut des personnages forts aux voix qui portent. La construction, habile, alterne deux arcs narratifs distincts mais fortement reliés. Un premier raconte le parcours de Marie-Pierre Ladouceur et de sa famille à partir de 1967. le deuxième fait passer la narration à son fils Joséphin dans les années 2000.

Marie-Pierre Ladouceur fait partie des superbes héroïnes, presque trop parfaite mais inoubliable. Chagossienne, femme du peuple, noire, ouvrière dans le coprah, n'ayant jamais tenu un livre, un enfant dont le père pourrait être deux hommes, qui tombe éperdument amoureuse de Gabriel Neymorin qui appartient à l'élite créole mauricienne. L'histoire d'amour, déjà compliquée au départ du fait des origines sociales de chacun, est évident secouée dans les affres de la déportation. Péripéties attendues mais efficaces. C'est en tout cas Marie-Pierre qui va sonner l'heure de la révolte, se muant en activiste prête à tout pour retrouver son île, manifestations, grèves de la faim, heurts avec la police s'en suivent.

Le deuxième arc narratif est une histoire de transmission. Joséphin prend le relais dans une tache à la Sisyphe lorsque les Chagossiens entament un marathon judiciaire revendiquant le droit de retourner dans leurs îles, les Chagos étant inaccessibles, totalement verrouillées pour les civils depuis 1968. Ce personnage est inspiré de la lutte d'Olivier Bacoult, président du Groupe Réfugiés Chagos. Sa voix scande le récit pour interpeller directement le lecteur. Ainsi, en 2019, la CIJ ( Cour internationale de justice, plus haute juridiction des Nations-Unies ) reconnaît l'illégalité de la séparation des Chagos de Maurice, résolution à titre consultative invitant le Royaume-Uni à mettre fin à son administration des Chagos, aussitôt déboutée par la Cour suprême britannique.

le bras de fer David contre Goliath est toujours en cours. Caroline Laurent lui donne une visibilité extraordinaire grâce à ce récit poignant et douloureux qui donne dignité à un peuple bafoué chassé de chez lui comme il y en a trop aujourd'hui.

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Merci à Caroline Laurent pour ce voyage vers une destination jusque-là inconnue, et qui le serait sûrement restée si je n'avais paslu ce récit. Les Iles Chaos, un petit archipel dans l'Océan indien, où vivent sereines quelques familles autochtones, dont la vie est rythmée par l'arrivée des cargos qui amènent denrées et étrangers. Marie-Pierre Ladouceur succombe rapidement au charme de Gabriel, un mauricien qui débarque sur l'île pour venir en aide à l'administrateur colonial. Et succomber veut dire donner un frère à sa fille ainée. Ils s'aiment, sans aucun doute ces deux-là, même si la « prématurité" de Joséphin, peut semer le doute.

Oui mais voilà, lorsque l'indépendance de l'Ile Maurice est décrétée, les Iles Chaos sont vendues à l'Angleterre pour en faire une base militaire. C'en est fini du paradis, c'est même l'enfer qui attend les Chagossiens, l'enfer dans les bidonvilles de Maurice où ils sont ignorés, dans ressource et sans possibilité de travailler. La ferveur et le militantisme de Marie-Pierre suffiront-ils à avoir gain de cause?

Ce récit basé sur des faits historiques est d'une part très instructif, puisque c'est l'existence même de ces îles que l'on découvre, ainsi que l'histoire de la décolonisation britannique.Mais on succombe aussi au romantisme de la liaison amoureuse de Marie-Pierre et Gabriel, parfaitement intégrée dans le récit et qui lui confère ce qu'il faut d'humanité pour être autre chose que le rapport de faits anciens, goutte d'eau dans l'océan des abjections de l'iniquité coloniale.

J'ai énormément aimé ce récit, que l'auteur nous confie avoir entendu de la bouche de sa grand-mère mauricienne, renforcé par une sérieuse documentation pour analyser ces données historiques.

Superbe
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Premier coup de coeur de l'année, un merveilleux livre et un roman vraiment intéressant que chacun de nous devrait lire.


L'injustice est courante dans notre monde, et nous sommes souvent bien loin d'imaginer ce qui se trame par-delà les mers.


Caroline Laurent nous en confie un bel exemple. Ce récit, elle le tient de sa mère qui fut témoin de ces années terribles durant lesquelles, les habitants de Chagos, archipel perdu dans l'océan indien, plus particulièrement les gens de Diego Garcia la plus
grande de ses îles, furent chassés de leur lieu de vie, exclus de leur île où ils vivaient simplement sans argent, profitant des bienfaits de la nature et échangeant le coprah qu'ils produisaient contre des denrées.

Cette terre de leurs ancêtres, elle leur fut volée lorsque L'île Maurice, ayant obtenu son indépendance en 1968 dut céder l'archipel aux britanniques qui le louèrent aux Américains afin qu'ils y construisent une base militaire.

Les familles furent déportées à Maurice et abandonnée à leur sort, elles se logèrent dans les bidonvilles. Ce récit sous forme de roman, raconte l'histoire de Marie qui aura un enfant de Gabriel, un Mauricien employé sur Diego Garcia comme secrétaire du représentant de l'île Maurice, et de sa famille.

Avec les protagonistes, on respire, on accueille ce que Diego Garcia offre, on pleure les victimes de la colonisation, on se révolte de tant de cruauté et d'indifférence à l'égard des apatrides que deviennent les chagossiens.

On apprend beaucoup, on participe au combat des chagossiens qu'on a tenté de tromper, profitant de leur illettrisme, leur promettant des sommes importantes en dédommagement, car depuis les années 70, les chagossiens luttent pour retrouver la terre de leurs ancêtres, la retrouveront-ils un jour ?

Ce récit m'a amenée à me documenter sur ce combat inégal, et difficile. En cherchant des renseignements, on apprend qu'en 2016, les britanniques ont reconduit le bail des Etats-Unis pour vingt ans.


Toutefois l'espoir est permis : en janvier 2020, Maurice annonce la possibilité de porter plainte contre les responsables britanniques pour crime contre l'humanité, et le 25 mai 2020, une nouvelle carte publiée par l'ONU fait apparaître l'archipel comme territoire Mauricien.


J'espère que beaucoup liront ce roman, ne serait-ce que par compassion pour ces gens à que l'on a spoliés, privés de leurs identité et de leurs ancêtres.

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En 1967, les Mauriciens sont appelés aux urnes pour décider de leur indépendance après 157 ans de présence coloniale britannique. Mais si l'archipel des Chagos dépend de Maurice, il ne va pas bénéficier du même sort. L'indépendance de Maurice étant conditionnée au « détachement » de l'archipel des Chagos, les Chagos vont rester aux mains des Anglais. Dont Diego Garcia, que les Anglais ont loué aux Américains pour cinquante ans reconductibles. le but étant d'en faire une base militaire, qui plus est, vierge de tout habitants autochtones.

Le jour où Les îlois de Diego Garcia l'apprennent, ils ont une heure pour faire leurs bagages. Rassembler le peu de choses qu'ils peuvent porter (leurs chiens seront gazés avant même qu'ils aient quitté leur île). Parmi eux, Marie, une basse-classe, une fille-mère chagossienne tombée amoureuse de Gabriel, un créole mauricien bon teint qui travaille pour le gouverneur. Marie et sa famille qui, malgré cet amour, comme beaucoup de Chagossiens, vont se retrouver après une traversée éprouvante exilés à Maurice, livrés à eux-mêmes, sans espoir de retour.

Partant d'une histoire d'amour impossible, Caroline Laurent nous plonge dans le drame historique des Chagossiens — vendus aux Anglais par le gouvernement mauricien. Un drame qui dure encore. En 2000, la Haute Cour de Londres a reconnu le dépeuplement des Chagos « illégal », accordant (en théorie du moins) aux Chagossiens le droit de retrouver leurs îles sauf Diego Garcia. Droit auquel, en 2004, deux décrets de la Reine Elisabeth ont mis un terme. Par la suite des procès ont eu lieu qui leur ont donné raison, mais comme les îlois n'ont pas encore retrouvé leurs terres, ils continuent à se battre. Nul doute que dans leur juste lutte ils peuvent compter sur le beau talent de Caroline Laurent pour porter leur parole.

Caroline qui raconte que ce magnifique roman a eu pour origine une histoire que lui racontait sa mère. Celle de sa famille qui a fait partie des derniers visiteurs libres des Chagos, alors qu'ils allaient aux Seychelles où son grand-père venait d'être nommé.
« C'est une histoire que me racontait ma mère. Pas un conte pour enfants, non, une histoire vraie, qu'elle grattait de temps en temps comme une vilaine plaie. Une tragédie insulaire. Les mères connaissent les berceuses et les sortilèges. Parfois aussi, d'une lumière dans le regard, d'une fêlure dans la voix, elles se trahissent. L'enfant devine un secret. ... ce secret c'est celui d'une souffrance. D'un arrachement. Une fille ne laisse pas sa mère souffrir. Alors, elle écrit. »
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En 2018, Joséphin vient assister au jugement de la Cour internationale de Justice à La Haye, qui, il l'espère, tranchera enfin en faveur de la cause qu'il a passé toute sa vie à défendre, en mémoire de sa mère.
En 1967, Marie-Pierre Ladouceur vit à Diego Garcia, aux Chagos, archipel de l'Océan Indien rattaché à l'île Maurice. L'existence y est simple, mais libre et paisible, entre pêche et récolte du coprah. Lorsque la jeune femme découvre l'amour auprès de Gabriel Neymorin, Mauricien venu seconder l'administrateur colonial, elle est loin d'imaginer que son monde est sur le point de s'effondrer. Mettant fin à 158 ans de présence britannique, l'île Maurice accède à l'indépendance après avoir cédé les Chagos aux Anglais, qui, l'archipel devant devenir une base militaire américaine, s'emploient à en expulser les habitants. Déportés sans explication ni préavis, sans indemnisation d'aucune sorte, les Chagossiens se retrouvent abandonnés dans les bidonvilles de Maurice…


Sensibilisée au drame des Chagos par sa mère mauricienne, l'auteur s'est inspirée de ses recherches et de ses rencontres pour créer les personnages de ce roman soigneusement fidèle aux faits historiques. Alors qu'un demi-siècle après l'arrachement des habitants à leur archipel, le Royaume-Uni n'a toujours pas donné suite à l'injonction de l'ONU en 2019 de restituer ce bout de territoire à l'île Maurice, ce livre porte l'espoir de sensibiliser l'opinion publique à la cause chagossienne, ultime levier sur la politique britannique.


De fait, Caroline Laurent parvient haut la main à émouvoir le lecteur, stupéfait du sort imposé il y a cinquante ans, dans le plus grand secret et dans le pire mépris humanitaire, aux 2000 autochtones, et scandalisé qu'aucun des jugements rendus par les plus hautes instances internationales n'ait pu, à ce jour, se voir appliqué. Tandis que le récit nous fait nous glisser dans la peau des îliens, chassés de leur terre arbitrairement et manu militari, emmenés à fond de cale après avoir dû tout abandonner en l'espace d'une heure, puis, sans autre forme de procès, laissés à leur misérable sort une fois débarqués sans bagages ni ressources à Maurice, comment ne pas partager leur désespoir, leur révolte et leur impuissance quand personne n'a d'abord conscience de leur cauchemar, puis quand aucune justice ne semble jamais pouvoir leur être enfin rendue ?


Par la voix de ses touchants personnages, ce captivant roman restitue une part de leur dignité à ces hommes et ces femmes honteusement bafoués par l'Histoire, et à qui le monde contemporain peine tant à rendre justice. Coup de coeur.

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«  Petite, ma mère me racontait une histoire. Celle d'un paradis perdu aux franges d'océan, broyé un jour par les mâchoires d'un monstre. »
Peut- être réussirai - je , par l'écriture , à faire de la colère un peu la vôtre , tout en rendant à ma mère ce morceau qui nous unit. »

Eh, bien oui, chère Caroline Laurent , vous avez réussi, avec votre mise en lumière bouleversante.
Vous portez très haut un fait historique douloureux et méconnu, cette tragédie insulaire: injustice criante faite aux îlois de Chagos , archipel rattaché à l'île Maurice.
En mars 1967, ce petit bout de terre, de l'Océan Indien, ou comment l'Ile Maurice , au nom de son indépendance a bradé pour quelques millions une île et ses habitants, leur refusant de fouler à jamais leur terre natale.

Injustice flagrante, chagrin insondable , injustement bannis de chez eux, devenus déracinés , apatrides les chagossiens voient en une heure leur quotidien basculer.
Ils n'ont que ce délai pour quitter hébétés, leur terre.

Abandonner leur vie simple , leurs bêtes , leurs attaches , leurs coutumes
Pour aller ou?
Marie - Pierre Ladouceur , née à Chagos vit à Diego Garcia, marche pieds nus, sans entrave , libre et somptueuse, a mis au monde Suzanne , vit entourée de sa soeur Josette, sa tante Angèle , rencontre Gabriel , un Mauricien venu seconder l'administrateur local ....
Elle sera spoliée de son paradis natal...
«  Quel genre de problèmes pourraient bien l'accabler après avoir été injustement arrachée à son île ?
Vendue comme une esclave , jetée dans la misère d'un bidonville ,trahie par l'homme qu'elle aimait »...?
N'en disons pas plus..
Cet exil forcé, C. Laurent en fait une fresque pétrie de personnages attachants , touchés , meurtris, écrasés par l'HISTOIRE.

Cette franco - mauricienne nourrit son roman de sa propre histoire , en donnant voix , force, colère, passion à une tragédie oubliée .

En lisant ce roman magnifiquement écrit et construit , nous faisons corps et vibrons du désir entre Gabriel et Marie, nous soutenons les îlois en espérant que cette terre redevienne la leur, enfin.
Un très bel ouvrage flamboyant, trépignant de colère , de douleur, d'espoir piétiné , d'arrachement , de déchirement d'existences qui basculent ...
Voir les photos en noir et blanc de la postface.
: «  Nous sommes tous des Chagossiens . »
Le lecteur est transporté , traversé par tant d'Émotions, par cette LUTTE encore vivante cinquante ans après ...

Un livre que je conseille, publié aux Escales ,Domaine Français ..
La première de couverture est magnifique .
Je remercie mes amis de Babelio qui ont attiré mon attention et m'ont permis d'acheter ce roman.
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J'aime l'été, pour un tas de bonnes raisons, les jours très longs, le beau temps souvent, les vacances, les bains de mer et les balades en montagne, les apéritifs au jardin, les BBQ, …
Une autre raison, c'est que je consulte moins Babelio. J'entends déjà vos cris, quoi, c'est une bonne raison cela ? En partie oui, car étant moins sollicitée par toutes vos critiques, j'ai l'occasion d'aller chercher quelques romans au fin fonds de ma PAL, et j'y trouve quelques pépites.
Celui-ci en est un exemple.

Années 1970 : L'archipel des Chagos est constitué de trois iles, dans l'océan indien, sous la dépendance de l'ile Maurice, encore colonie anglaise. Les habitants y vivent paisiblement, de l'exploitation de la noix de coco, sans papiers, sans argent, sous la gouvernance d'un administrateur anglais. Un référendum mauricien entérine la décision de l'indépendance, mais le sort des Chagos se dissocie de celui de l'ile. L'archipel reste anglais et est cédé aux américains pour l'établissement d'une base militaire. Les habitants auront une heure pour quitter l'ile et seront débarqués à Maurice sans aucune explication, sans aucune compensation. A eux de se débrouiller.

L'auteure, à partir de cet évènement historique construit un roman aux personnages émouvants, à la fois marqués par le destin et la dureté de la vie après leur exil, mais lumineux. Elle nous raconte l'amour contrarié de Gabriel, mauricien créole, adjoint du dernier administrateur, et de Marie-Pierre Ladouceur. Il est blanc, elle est noire, leur vie sur l'ile est heureuse, mais ils seront séparés par l'exode des Chagossiens.

L'auteure mêle adroitement trois temporalités, la première à partir de 1967 conte la vie sur l'ile, l'arrivée de Gabriel, sa vie avec Marie, puis le départ forcé de ses habitants fin 1970 ainsi que les premiers mois difficiles sur Maurice.
La deuxième démarre fin 1973 et alterne avec la fin de la première. Les administrateurs anglais ont été retenus plus de deux ans sur l'ile pour gérer le transfert aux américains et Gabriel a perdu la trace de Marie. Cette partie raconte le retour de Gabriel sur Maurice, et comment il va tout faire pour renouer avec Marie et le fils Joséphin qu'elle a eu avant de quitter Maurice, le sien ou non, mais dont il se sent le père car c'est lui qui l'a entouré pendant ses premiers mois.
Et enfin dans de courts chapitres qui parsèment le livre, c'est Joséphin qui parle, des derniers mois de sa mère, du combat qu'ils ont mené d'abord ensemble, puis lui tout seul, contre le crime dont les Chagossiens ont été victimes et qui le mènera finalement à la Cour internationale de justice de la Haye.

J'ai beaucoup aimé ce roman qui m'a fait découvrir une terre et un drame dont j'ignorais l'existence. La construction intelligente contribue à passionner le lecteur pour ces hommes et ces femmes dont la vie est bouleversée par une décision inique. J'ai été embarqué dans ce récit, et par cette écriture qui décrit si bien les paysages, les odeurs, les couleurs, mais aussi le bidonville et la dureté de la vie. J'ai été émue par ces personnages qui passé l'effarement du début vont savoir se battre sans jamais abandonner, qui vont affronter avec courage et dignité un sort tragique, recommencer une nouvelle vie dans un lieu dont ils ignorent, tout, en commençant par l'usage de l'agent inconnu à Chagos.
Je n'ai qu'un regret, avoir attendu aussi longtemps pour le lire.
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Ce roman de Caroline Laurent aborde une page de l'Histoire que je ne connaissais pas: l'exil forcé des habitants des îles Chagos, un petit archipel de l'Océan indien rattaché à l'île Maurice !

Lors de l'indépendance de l'île Maurice en 1968, un accord secret prévoit que certaines de ses dépendances, dont les îles Chagos, resteront britanniques. le Royaume-Uni a en effet promis ces territoires aux Etats-Unis, afin d'y installer une base militaire. Petit détail du contrat, mais de lourde conséquence pour les quelques 2.000 Chagossiens: l'archipel doit préalablement être vidé de tous ses habitants !

Le premier point fort de ce roman historique est de nous éclairer sur cette décolonisation totalement injuste dans l'océan Indien. Toute une population qui vivait en paix et en harmonie avec la nature, se retrouve soudainement déportée vers les Seychelles et l'île Maurice, sans aucune explication préalable. Un endroit où ils doivent dorénavant vivre comme des parias, dans la pauvreté la plus extrême et séparés à jamais de la terre de leurs ancêtres.

L'autre immense attrait de ce récit est la petite histoire imaginée par Caroline Laurent afin de nous faire traverser la grande. L'incroyable histoire d'une jeune autochtone illettrée, victime d'une histoire d'amour impossible et chassée de sa terre natale par les Anglais. le récit de gens simples, profondément attachants, balayés par la grande Histoire, et celui d'une femme forte, digne, qui refuse de se laisser faire sans combattre…

Un récit plein d'humanité et d'injustice qui ne laisse bien évidemment pas indifférent et une auteure franco-mauricienne qui sait placer les mots juste sur ce déracinement honteux !

Un coup de coeur qui me donne fortement envie de découvrir son précédent ouvrage « Et soudain, la liberté », écrit à quatre mains avec Evelyne Pisier.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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