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4,11

sur 789 notes
Voilà un auteur qui a marqué ma jeunesse, avec un ami nous nous récitions les Chants de Maldoror qui nous exaltaient. Des purs moments d'extase littéraire. J'avais plus de mal à m'enthousiasmer pour les poésies, mais je connais encore par coeur plusieurs Chants, dont le premier, il est vrai inoubliable.

«Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison; car, à moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d'esprit égale au moins à sa défiance, les émanations mortelles de ce livre imbiberont son âme comme l'eau le sucre. Il n'est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre; quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. Par conséquent, âme timide, avant de pénétrer plus loin dans de pareilles landes inexplorées, dirige tes talons en arrière et non en avant. Écoute bien ce que je te dis: dirige tes talons en arrière et non en avant.»
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Merveilleusement monstrueux. Monstrueusement merveilleux.
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Né le 4 avril 1946 à Montevideo, en Uruguay, Le Comte de Lautréamont, de son vrai nom Isidore Lucien Ducasse, fait partie des écrivains de génie qui n'auront laissé que peu de travaux à la postérité. Mais, dans son cas, c'est son décès prématuré, à l'âge de vingt-quatre ans, qui aura été la cause du peu de matière laissée à la littérature, ce qui est d'autant plus triste que le peu qu'il a écrit le propulse au rang d'écrivain de génie.
On ne sait finalement que peu de chose de cet auteur qui a été publié en pointillé. Des informations sur sa scolarité et ses études, avec son lot d'incertitudes et de suppositions. Quelques points sur ses tentatives avortées de publication de son vivant. Des suspicions quant à sa consommation de cocaïne associée aux opiacés, ainsi qu'à une possible addiction. Des références éditoriales sombres et incertaines. L'ombre d'un père, François Ducasse commis-chancelier au consulat de France à Montevideo et un homme, dit-on, de grande culture. Une mère Jacquette Célestine Davezac, morte dans de sombres circonstances, le 9 décembre 1847 ; on évoque la possibilité d'un suicide. Ses adresses successives : le 32 rue Faubourg-Montmartre qu'il aurait quitté en 1870 pour le 15 rue Vivienne. La publication complète et l'impression en Belgique des six chants, fin août 1869, sans référence d'éditeur ni de distribution. On s'interroge sur les dédicaces de son premier recueil de poésie, et on se creuse la tête sur le quatrième nom – Louis Durcour – au point de se demander s'il n'y a pas eu une erreur de retranscription. Même son acte de décès a été rendu public, avec l'inscription "Sans autres renseignements" sous la date du 24 novembre 1970. Même les causes de la mort sont fouillées en profondeur : tuberculose, intoxication médicamenteuse au laudanum, suicide par ingestion volontaire d'une dose massive
En bref, tous les ingrédients pour rendre le mystère tenace et faire qu'aujourd'hui encore, des passionnés cherchent des informations comme des archéologues en quête de la moindre miette de cette vie trop courte, trop obscure ; un peu trop d'ombre pour les curieux.
Mais, en vérité, quelle importance. Tout ça n'a aucune importance au regard des quatre pièces de ses oeuvres complètes, à commencer par "Les Chants de Maldoror", au nombre de six, qui représentent une mine de mots associés d'une façon inédite encore à l'époque. Une brève série de courriers rassemblés dans un court assemblage titré "Lettres". Et puis la poésie, deux recueils simplement titrés "Poésie I" et "Poésie II", sur lesquels on peut encore voir indiqué :
"Prix : un franc".
Mais si l'on se penche bien sur la couverture du premier de ces fascicules, édités et vendus par la librairie Gabrie, dans le 9ème arrondissement, leur seul point de vente, on peut lire un texte introductif, en tous petits caractères, qui en dit long sur l'auteur… Bien plus que toutes les recherches biographiques du monde :
« Je remplace la mélancolie par le courage, le doute par la certitude, le désespoir par l'espoir, la méchanceté par le bien, les plaintes par le devoir, le scepticisme par la foi, les sophisme par la froideur du calme et l'orgueil par la modestie. »
Cette simple note de couverture résume le personnage mieux que tous les essais, les études de textes, les thèses, les antithèses et les synthèses. Et surtout, la curiosité pointilleuse de fouilleurs de tombes et de poubelles.
Isidore Ducasse ne connaîtra pas le succès de son vivant, et d'après moi, il n'en avait que faire. Il fait ce qu'il a fait avec simplicité déposant ses petits fascicules chez les libraires et se satisfaisant d'une publicité dans la Revue Populaire de Paris.
Alors qu'il soit mort d'une overdose au laudanum, volontaire ou pas, ou de la tuberculose, là ne sont pas les questions que l'on doit se poser. D'ailleurs, il n'y a aucune question à se poser. Il suffit de plonge dans les lignes, de voir briller la pointe du stylet de Maldoror et de trembler à chaque phrase ou le génie est omniprésent.
Finalement, il y a peut-être une question : quel trésors nous aurait offert Lautréamont si la mort ne l'avait pas frappé aussi jeune ?
C'est à peine imaginable…

Ghislain GILBERTI
"Le Cabaret du Néant"
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Certains le trouveront trop sombre, d'autres le trouveront dérangeant; et il est vrai que ce texte ne fait pas vraiment parti d'un quelconque compte pour enfants ou autres poésies romantiques. Néanmoins, rien que par la qualité de l'écriture, il me semble qu'il faut bel et bien considérer Les champs de Maldoror comme une révolution poétique à l'heure où le mot de surréalisme ne devait même pas exister. Il est aussi vrai que Isidore Ducasse était jeune lors de l'écriture de cette oeuvre (et a bien fait de l'écrire aussi jeune quand on voit qu'il est mort à seulement 24 ans), mais il ne s'agit pas là pour moi d'un défaut, bien au contraire. D'une grande connaissance poétique, je ne pense pas que ces poésies sont des poèmes d'adolescents troublés en manque de joie de vivre mais plutôt d'une envie d'innover de la part d'un passionné de poésie (sinon, pourquoi faire parvenir des essais à quelques mentors à l'image de Victor Hugo par exemple?). Par ailleurs, il me semble difficile de croire que des surréalistes aussi animés par la littérature qu"André Breton auraient fait ressortir des textes de pré-pubères datant de 70-80 ans auparavant.
En somme, même s'il est difficile pour certains d'adhérer à un style aussi noir que celui de Lautréamont, je ne pense pas qu'il y est de doute sur l'importance que cette oeuvre a eu dans le monde poétique et elle reste pour moi d'une qualité remarquable.
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Voici le seul livre qui devait marquer à jamais mon existence. Vous en parler relèverait de l'Ineffable. La seule chose que je puis dire, c'est que cette oeuvre est une incarnation du Mal, une incarnation du Sublime, une incarnation du Génie. Il y a du poétique, de l'humain, et même du religieux là-dedans. Disons, une sorte de bibles des méchants, des mécréants qui vous est jettée en pleine figure, la sainte et diabolique création d'une jeunesse sans genèse.
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Voilà un auteur que je n'ai pas lu depuis longtemps mais qui m'a marqué à jamais et dont je récite encore quelques textes par coeur... (ou du moins je crois)

"ô Mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées depuis que vos savantes leçons, plus douces que le miel, filtrèrent dans mon coeur, comme une onde rafraîchissante."

Il y avait quelque chose de magique à découvrir cette poésie étrange et hors norme. Une lecture d'adolescence (et à présent que j'écris cette critique, j'ai 54 ans).
Relire ces textes, puissamment gothiques me procure les mêmes étranges sensations qu'autrefois : dégout, horreur et en même temps saisissante fascination pour la beauté de l'écriture pour cette voix fascinante du mal qui énumère des horreurs comme Baudelaire écrit magnifiquement sur une charogne.
"Au reste, que
m'importe d'où je viens? Moi, si cela avait pu dépendre de ma
volonté, j'aurais voulu être plutôt le fils de la femelle du
requin, dont la faim est amie des tempêtes, et du tigre, à la
cruauté reconnue: je ne serais pas si méchant. Vous, qui me
regardez, éloignez-vous de moi, car mon haleine exhale un
souffle empoisonné. Nul n'a encore vu les rides vertes de mon
front; ni les os en saillie de ma figure maigre, pareils aux
arêtes de quelque grand poisson, ou aux rochers couvrant les
rivages de la mer, ou aux abruptes montagnes alpestres, que
je parcourus souvent, quand j'avais sur ma tête des cheveux
d'une autre couleur. Et, quand je rôde autour des habitations
des hommes, pendant les nuits orageuses, les yeux ardents,
les cheveux flagellés par le vent des tempêtes, isolé comme
une pierre au milieu du chemin, je couvre ma face flétrie,
avec un morceau de velours, noir comme la suie qui remplit
l'intérieur des cheminées : il ne faut pas que les yeux
soient témoins de la laideur que l'Etre suprême, avec un
sourire de haine puissante, a mise sur moi."

Ces textes parlent de solitude, de tourments, de brulures intérieures. Comme cela me parlait à une époque tourmentée de la vie. Mais aujourd'hui, en une période très paisible et sereine, j'y trouve toujours une description vraie et authentique, quoique voilée de poésie, des tourments de l'âme humaine.

"A peine le dernier coup de marteau s'est-il fait entendre, que
la rue, dont le nom a été cité, se met à trembler, et secoue
ses fondements depuis la place Royale jusqu'au boulevard
Montmartre. Les promeneurs hâtent le pas, et se retirent
pensifs dans leurs maisons. Une femme s'évanouit et tombe sur
l'asphalte. Personne ne la relève: il tarde à chacun de
s'éloigner de ce parage. Les volets se referment avec
impétuosité, et les habitants s'enfoncent dans leurs
couvertures. On dirait que la peste asiatique a révélé sa
présence. Ainsi, pendant que la plus grande partie de la
ville se prépare à nager dans les réjouissances des fêtes
nocturnes, la rue Vivienne se trouve subitement glacée par
une sorte de pétrification. Comme un coeur qui cesse d'aimer,
elle a vu sa vie éteinte."

L'envers du décor, le petit reste gluant de la condition humaine succombant à sa propre folie, le voyage au bord du gouffre. Ces délires poétiques valent autant que toute la philosophie, que tout ce que l'on a pu écrire sur le mal.
Nous voyageons au bord du gouffre tantôt dans l'illusion d'une verte prairie, tantôt dans l'illusion de sombrer dans un abîme insondable.

Mais la vérité, la vérité toute nue, c'est qu'il n'appartient qu'à nous de trouver la beauté, et de lui donner vie.
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Ce livre, lu il y a près de 40 ans sinon plus ne m'avait pas du tout plu, j'en garde un souvenir glauque... mais il me revient en mémoire, alors que, étant dans la lecture d'un livre sur Magritte, m'en revient une phrase que j'ai toujours gardé en mémoire comme une musique : "Beau comme la rencontre fortuite, sur une table de dissection, d'une machine à coudre et d'un parapluie" ....
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Un très bon livre. Il est très sombre et très réfléchi. de beaux moments de poésies qui rendent le sujet à la fois plus terrible et plus magnifique. Les passages sur l'océan sont mes préférés!
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Un ovni dans la littérature, ce texte est composé de chants, dans lesquels on découvre avec effroi (mais aussi fascination ?) l'âme noire de Maldoror.
Ne pas oublier que les surréalistes se sont réclamés de Lautréamont et que celui-ci peut être considéré comme avant-garde.
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Il se lit presque comme un roman, il est d'une force poétique extraordinaire, pourquoi n'est-il pas plus célèbre ? L'Uruguayen est maudit ! Il y aurait tant à dire, mais simplifions : Lisez-le. C'est mon oeuvre préférée.
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