Il était une fois, en Algérie Française, un village heureux, dans la riche plaine agricole qui va de Sidi Bel Abbès à Mascara. Un village comme tant d'autres dans ce pays, avec sa mairie, son tribunal, son église, son kiosque à musique, son école « des » filles et son école « des » garçons. le village avait été fondé en 1875 (et c'est en 1877 qu'il a reçu son nom français), il existe toujours sous le nom de Sfisef, son église est devenue une mosquée et les belles villas coloniales y sont souvent ceintes de murs… Bien des choses s'y sont effacées.
Francine Laval y est née et y a vécu pendant les vingt premières années de sa vie. Historienne, elle en raconte la naissance, la vie et… non pas la mort puisque le village perdure, mais le mode de vie, jusqu'en 1962-63, vie semblable à celle de tous les villages « pieds-noirs » de cette époque.
Témoignage honnête, objectif et sans rancoeur, mais, du fait de la formation historique de l'auteure, bien plus riche qu'un simple témoignage :
Francine Laval apporte une documentation sérieuse sur le passé antérieur de ce territoire de la tribu nomade des Beni Amer, du mode d'attribution des concessions, du fonctionnement des institutions et en particulier de l'école, de la mémoire collective, aussi, de cette population d'origine diverses. Une mine de renseignements que n'apportent pas toujours les témoignages du même type. Par ailleurs, elle évoque aussi la vie paisible du village, les jeux et les ris de sa jeunesse, la cohabitation des populations, le café du soir et le cinéma du dimanche, la misère de certaines fillettes de l'école. Souvenirs personnels d'une jeunesse heureuse – ou malheureuse, selon les ans. Souvenirs, enfin, de la violence des années de guerre…
Dans une troisième partie, la formation historienne de
Francine Laval reprend le dessus pour un document passionnant : elle a recueilli les témoignages de tous les membres survivants des familles européennes qui se sont exilées en 1962, leurs souffrances avant le départ, leurs morts, leurs tribulations, leurs errances, leur lente réadaptation.
Ce livre sérieux, intelligent et honnête, que j'aurais aimé voir diffuser largement, n'a qu'un seul défaut : sorti en auto-publication, il ne bénéficie d'aucun mode traditionnel de diffusion et je le regrette, d'autant que ce village était aussi le mien, que je me souviens, moi aussi, avec tendresse de ses frondaisons paisibles et de ses trottoirs poussiéreux.
Il était une fois,
avant que tout s'efface, un village paisible…