Adieux
Mon ami est un peintre admirable qui sait le vert et l’or.
Voyez la fougue de ses chevaux ensoleillés et se pâmer délicats
ses coqs de jade.
Mille montagnes aux arbres pourpres s’appelle son tableau.
Il y peint l’errance et l’automne, les feuilles à terre et l’exil malheureux.
Deux amis s’accompagnent au bord d’une rive sinueuse.
On voit l’aurore qui s’orange dans les bois de givre clair ;
On voit le soir dans la vallée qui s’embrase.
Aujourd’hui ce bel ami me quitte pour sa terre native.
Les forêts de Yunnan embrassent alors les cimes de Sichuan.
Les mûriers se déplument à mesure que nos bouteilles se vident
Et nos âmes divaguent au parfum généreux de l’érable automnal.
Je ne le suivrai pas sur le chemin du retour – malgré l’âge qui me presse
Cette terre aride et désolée attend ma mort prochaine.
Le bruit des eaux et des feuilles sous nos pas alourdit notre séparation.
Ce n’est qu’en rêve que je cueillerai avec vous les branches de Chengdu.
~ Yang Shen (1488-1559)
Les oiseaux badinent avec le vent
Éclairant les limbes de mon jardin
Puis replient leurs ailes et laissés à la paix
Allient leurs chants envolés.
Ce n'est pas qu'il n'y ait personne d'autre
Mais mon cœur s'attache à toi si souvent.
Cette attente sans répit ressasse ma peine.
Qu'y puis-je?
Tao Yuan Ming
Les langues chinoises et françaises sont bien trop dissemblables. La plupart des effets du chinois se perdent lorsqu’on passe au français. Pensons aux tons ; en effet si en chinois le ton fait sens, on pourrait dire qu’à l’inverse, en français, c’est le sens qui fait ton. Peut-être est-il néanmoins possible de rendre ce lieu à partir duquel le poète chinois écrit et de trouver, dans les images qu’il déploie, un souffle, étranger pour nous, mais que notre langue saurait néanmoins porter à la parole.
La poésie joue alors un rôle paradoxal pour ces lettrés. C’est souvent grâce à leurs talents d’écrivain qu’ils se font remarquer et se voient offrir un poste important.
Alexis Lavis. Philosophie et méditation.