Très stimulante lecture que celle de ce bref ouvrage philosophique consacré à
l'imprévu qui semble toujours se mettre en travers de notre volonté occidentale de maitrise de ce qui doit advenir.
Alexis Lavis enseigne en Chine, sa réflexion est basée sur une croisement des regards entre la pensée occidentale et la pensée chinoise pour aider le lecteur à accueillir
l'imprévu de manière plus positive.
Il débute par un retour à la pensée classique et aux mythes grecs : les devins et les oracles sont légion dans le monde grec. Pour autant l'homme qui veut accéder à cette connaissance qui appartient aux dieux n'aboutit qu'à l'aveuglement ou au mieux à faire advenir ce qu'il voulait éviter. Tel Laîos qui apprenant que son fils tuera son père et épousera sa mère et voulant l'éviter, mettra en marche le destin tragique qui aboutira à ce qu'il redoutait.
Le chapitre suivant insiste sur le rôle essentiel de
l'imprévu dans le développement des vies humaines en s'appuyant sur
Victor Hugo. Lorsque l'évêque de Digne, de manière totalement imprévue, tend à l'ancien bagnard menotté les deux chandeliers en argent, il bouleverse le prévu et oblige Valjean à un arrêt, à un choix pour la suite de son existence.
L'imprévu est pris en charge de manière différenciée par les sociétés humaines et politiques. Toute société anticipe et se projette dans l'avenir, donc s'expose et doit apprendre à faire face à
l'imprévu. La comparaison avec la façon chinoise de gérer cette affaire occupe la suite de l'ouvrage
Il met en lien la Méthode cartésienne, conçue comme une solution contre
l'imprévu, une pensée abstraite qui considère le chemin en étant extérieur à lui, avec la Voie "le DAO" qui associe le sens et le déroulement des choses. "ceux qui veulent prendre le contrôle des choses et agir sur elles échoueront purement et simplement" dit LAOZI . L'homme n'agit pas, car le principe de l'efficience ne lui appartient pas plus qu'à l'aigle qui se laisser porter par le courant. le sujet n'initie rien, ne débute rien, il est engagé d'emblée dans le chemin qui préexiste avant sa volonté. L'homme doit donc apprendre à sentir, à écouter, à accompagner ..
Un chapitre est ensuite consacré au "jeûne de la volonté "; expression issue de
Confucius : la mise en suspens du vouloir et donc du prévoir permet d'écouter, d'aller au devant par l'écoute"
L'imprévu n'advient que parce que l'homme à la volonté de prévoir, par une "enflure du vouloir".
Il ne s'agit pas d'en finir avec la volonté mais "une mise au repos" pour commencer " une façon de se tenir envers la réalité de telle sorte qu'on aille à sa rencontre en lui faisant place, un peu à la manière d'une révérence"
Je vais tenter de retenir cette sage leçon.
L'auteur développe ensuite longuement un concept appelé la SISE, assez complexe à expliquer et à comprendre, qui relève d'un être au monde, qui nous permet de retrouver l'équilibre lorsque les événement du monde peuvent nous mettre à terre.
Parler de ce livre n'est pas simple pour moi, ce que j'en retiens est peut être simpliste. mais j'en garde l'importance de l'ouverture au monde et de l'écoute pour ne pas se laisse déborder par ce que de toute façon nous sommes incapables de contrôler, la nécessité d'être souple et justement sis en ce monde pour traverser la vie à la manière d'un sage.