La sorcière

-Mais un enfant pouvait-il être méchant ?

-Pendant les premiers temps, ça avait le plus souvent été un pas en avant et deux en arrière, mais depuis, c'était plutôt deux en avant et un en arrière. Jusqu'à ce que, lentement, il se mette à aller seulement de l'avant.

-Pas ses hommes, bien sûr, il ricanait de ceux qui croyaient que les militaires se considéraient entre eux comme des frères.

-Il n'aurait échangé leur vie avec les enfants contre rien au monde, mais aurait aimé qu'il reste un peu plus de temps pour...oui, pour leur amour.

-La vraie force, on ne l'avait pas avant de n'avoir plus rien à perdre.

Mais se conviction était que personne ne naissait mauvais : d'une certaine façon, chacun façonnait son destin. Certains comme victimes. D'autres comme meurtriers.

Dagmar a dit que la maison et vous aviez besoin l'un de l'autre. Et savez-vous? je crois qu'elle avait raison

Elle plut spontanément à Erika. Elle avait quelque chose de solide, terrien et posé.

Un enterrement de vie de jeune fille! pour une vieille bonne femme! mais cela ne va pas la tête!

S'occuper d'enfants avec une gueule de bois devrait figurer sur l'échelle des peines pour les crimes les plus graves.

Patrick se tut. Il se sentait comme un intrus. Cette petite ferme était si paisible, si belle, et ils débarquaient comme des sauterelles de l'ancien Testament pour déchiqueter le peu de paix qu'il restait. Mais il était obligé d'être celui qui fouillait sous la surface. Les choses étaient rarement comme elles apparaissaient au premier abord, et que quelqu'un ait de la peine ne signifiait pas qu'il ou elle soit innocent. Il l'avait cru, au début de sa carrière, et il lui arrivait de regretter ces premières années de confiance naïve en la bonté de la nature humaine. Au fil des ans, il avait trouvé bien trop de preuves de la part d'ombre que recelait chaque personne, et dont on ne savait jamais quand elle pouvait prendre le dessus. Il la portait sûrement en lui, lui aussi. Il faisait partie de ceux qui croyaient dur comme fer tout le monde capable de tuer -il s'agissait juste de la hauteur du seuil.

Elle avait treize ans et sa vie était déjà finie, avant même d'avoir commencé. Tout n'était que mensonge. Parfois, elle aspirait à la vérité. Mais elle savait qu'elle ne pourrait jamais la formuler de ses lèvres.La vérité était trop énorme, bouleversante. Elle aurait tout écrasé.
Mais Marie lui manquait. Chaque minute. Chaque seconde. Elle lui manquait comme une jambe ou un bras. Comme une partie d'elle-même. Elles avaient été toutes les deux contre le monde entier.
A présent elle était seule.

Même si la plupart étaient convaincus de la culpabilité d'Helen et de Marie, les spéculations étaient allées bon train: et si quelqu'un d'autre était responsable de la mort de Stella, qui avait saisi l'occasion ce jour-là? Et si une autre occasion s'était présentée aujourd'hui? Ça ne pouvait pas être un hasard si une fillette du même âge avait disparu de la même ferme. Quelle était la probabilité? Il devait y avoir un lien entre autrefois et aujourd'hui. Et si la police avait raté à l'époque une piste menant à un meurtrier qui, pour une raison ou l'autre, s'était remis à l'ouvrage? Peut-être inspiré par le retour de Marie? Mais pourquoi, dans ce cas? D'autres fillettes étaient-elles en danger?

"C'est la peur, dit-il. La peur devant l'inconnu. Les gens ont de tout temps accusé ceux qui viennent d'ailleurs. C'est plus facile que de penser que ça peut être quelqu'un qu'on connait.