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232 pages
Hachette (01/06/1885)
4/5   1 notes
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Unique roman du député breton Mathurin le Gal La Salle, « L'Héritage de Jacques Farruel » fut en son temps un petit best-seller local - très local -, qui demeure aujourd'hui un intéressant témoignage sur les angoisses et l'appréhension des paysans au tout début du phénomène d'exode rural qui allait définitivement vider nos campagnes dans les décennies qui allaient suivre.
Publié en 1885 et couronné par L'Académie Française, « L'Héritage de Jacques Farruel » s'inscrit dans une époque où la révolution industrielle arrive à un certain degré de maturité, grâce notamment au chemin de fer qui se glisse, kilomètre par kilomètre, au coeur de campagnes jusque là isolées. Pour les jeunes générations, qui assistent à ce progrès technologique sans précédent, c'est tout le voile d'une existence programmée qui se déchire. La grande ville n'est plus qu'à quelques heures d'un trajet calme et reposant. On peut aller y travailler le matin, et en revenir le soir. Une perspective bien plus enthousiasmante que celle d'entretenir un terroir du matin au soir pendant 40 ans pour gagner à peine de quoi vivre. C'est sans doute le tout premier choc des générations, que reflètera d'ailleurs une abondante littérature empreinte d'incompréhension et de désespoir, et il a ainsi déchiré des familles qui, de père en fils, se succédaient jusque là à une tâche harassante et quasi-dynastique, que nul ne songeait à remettre en question.
Les destins des hommes étaient tracés d'avance depuis le berceau. le formidable développement du chemin de fer, ouvrant l'accès à tous aux grandes villes ou même à la capitale, changeait totalement les perspectives.
C'est à cette époque-là que l'auteur nous introduit dans le petit village (imaginaire) de la Roche, sur la côte bretonne. le nom du village est assez éloquent sur la qualité du sol qu'on y trouve. En dépit de cela, le cultivateur Jacques Farruel, d'abord assisté de sa femme qui s'est lentement tuée au travail, a fait de sa ferme une véritable exploitation agricole, bien plus que rentable. Car ironie du sort, la IIIème République, et déjà avant elle le Second Empire, avait beaucoup aidé les paysans qui, sous l'Ancien Régime, n'étaient bien souvent que des métayers - c'est-à-dire des ouvriers agricoles au service d'un aristocrate et cultivant ses terres à lui. Afin de contrer la grande influence des aristocrates sur le milieu rural, resté longtemps monarchiste, Napoléon III puis les Républicains s'étaient efforcés d'en finir avec ce système de métairie, et grâce aux premières banques de crédits (dont le fameux "Crédit Agricole" fondé en cette même année 1885), avaient aidé les paysans à devenir propriétaires, haussant considérablement leur niveau de vie. Hélas, ce qui fut donné d'une main fut repris latéralement de l'autre, car l'industrie en plein essor allait venir à bout de plus d'un millénaire de tradition paysanne...
Au soir de sa vie, Jacques Farruel, sentant la mort rôder autour de lui, confie ses dernières volontés à son notaire. Sa femme étant morte, tous ses biens seront donc partagés entre ses enfants, mais craignant que ceux-ci ne soient tentés de vendre la ferme et de partir à la ville, il leur impose une condition : pendant une année entière, sa fille Madeleine et son fils Jacques devront reprendre la ferme, et vivre seulement de ses bénéfices. Au bout d'un an seulement, leur héritage leur sera accordé et ils décideront s'ils veulent continuer l'exploitation de la ferme ou s'ils préfèrent la revendre. Mais avant, cela, ils seront tout de même contraints de la faire tourner pendant douze mois.
Leur père mort, les deux enfants sont partagés. Madeleine, pour sa part, a grandi dans cette ferme et ne s'imagine pas la quitter, elle est bien décidée à la conserver, mais il lui serait difficile de la gérer à elle seule. Même si c'est une ferme cossue et moderne pour son époque, elle nécessite encore beaucoup de travail physique, trop pour la constitution d'une seule femme. Jacques, de son côté, est plus mitigé. Il rêve d'aventure, de voir la ville, et il est de plus fiancé avec Catherine Boulard, fille d'un exploitant agricole voisin, le père Boulard, qui a des raisons impérieuses et particulières d'unir ses enfants avec les jeunes Farruel. Outre Catherine, sur laquelle il sait ne pas pouvoir compter, sa femme lui a donné deux garçons à problèmes, le cadet alcoolique, l'aîné à demi-psychopathe, et dont il sent qu'ils partiront avant lui. le mariage de Catherine et Jacques est donc, à ses yeux, particulièrement crucial, et il manigance également pour que ses deux fils tarés fassent la cour à Madeleine.
Le roman décrit, comme une aventure quotidienne, cette année de labeur et de découverte, pour les enfants Farruel, à la fois de leur vocation de fermiers mais aussi de l'amour, car les enfants du terroir se reconnaissent entre eux et ont l'instinct de se choisir. Séparé de Catherine, qui tournait autour d'un commis de la grande ville qui semblait gagner fort bien sa vie en faisant peu de choses, Jacques épousera finalement une petite métayère qu'il avait embauchée pour tenir l'intérieur de la ferme, tandis que Madeleine et lui allaient labourer les champs. Romance difficile, car nièce de leur cuisinière, et issue donc d'une famille misérable, la petite Denise Audren fuit de toutes ses forces le sentiment qui naît en elle pour Jacques, qu'elle considère presque comme un aristocrate. Heureusement, Denise a un frère, Jean-Pierre Audren, un marin qui vient de passer une dizaine d'années à bourlinguer sur les sept mers, et qui s'attache par une franche sympathie aux Farruel. Très vite, Madeleine se sent émue par ce beau garçon buriné qui porte en lui le charisme et la force de caractère d'un jeune homme précocement assagi par tout ce qu'il a vu du monde. Mais elle s'interdit de l'aimer, persuadé que tôt ou tard, il repartira sur les mers, incapable de rester longtemps à terre.
Heureusement, elle se trompe ! Jean-Pierre, sentant la trentaine approcher, rêve au contraire de se fixer définitivement, usé et lassé de toutes ces années passées sur la mer. Un soir que Madeleine subit une tentative de viol par Claude Boulard, le fils psychopathe du père Boulard, qui ne supportait plus qu'elle refuse ses avances, Jean-Pierre parvient à tabasser et à faire fuir le pauvre fou, et à conquérir, sans s'en douter, le coeur de Madeleine, auquel il n'osait rêver.
Le happy end est donc total : en épousant la jeune servante et son frère le marin, et en les hissant à leur niveau d'exploitants agricoles, les deux enfants Farruel forment une famille plus nombreuse et plus soudée que jamais, et lorsque la date fatidique des douze mois passés depuis la mort du patriarche vient à expirer, nul ne songe plus à quitter cette ferme où l'on travaille dur, mais où on est riches, tranquilles, heureux et amoureux.
De son côté, Catherine Boulard et son commis sont partis à la ville, mais les affaires ayant périclité, le couple est tombé dans l'alcool, la pègre et la prostitution. Quant au reste de la famille Boulard, ils sont déjà tous morts quand Denise donne le jour à son premier enfant, le fou ayant disparu brutalement, sans doute en se jetant dans la mer du haut d'une falaise, l'alcoolique ayant sombré dans un coma éthylique, et leur père mort lentement de chagrin et de désespoir après que sa ferme ait été hypothéquée et rasée. Moralité : il n'y a que le travail dur et les grands sentiments qui payent vraiment !
« L'Héritage de Jacques Farruel », on l'aura compris, est un pur récit de propagande pour le terroir, mais pourquoi en faire mystère ? : c'est tout de même un excellent roman, intelligemment conçu, écrit avec une fluidité et une simplicité qui lui confèrent encore une étonnante modernité, présentant des personnages attachants, sous un jour tout à fait lumineux et harmonieux qui n'exclut pas une grande poésie et un amour immodéré des gens de la terre. C'est un joli conte plein d'optimisme, que L Histoire a suffisamment contredit pour que je me sente obligé d'en rajouter plus que ça. Tout au plus reprochera-t-on à « L'Héritage de Jacques Farruel » d'être écrit par un député, habitué à flatter ses électeurs : ici, la profondeur psychologique ne va pas loin, les personnages sont tout d'une pièce, et jamais vraiment méchants. Comme les arbres ou les dolmens, comme les paysages bretons ou le ressac de la mer, les protagonistes de cette histoire sont toujours beaux et émouvants, quelles que soient les circonstances ou la météo. Même les Boulard sont au final bien à plaindre. Ils ne tenaient qu'à eux d'avoir une vie besogneuse et bien rangée, ils ont été bien punis de s'en détourner...
En fait, Mathurin le Gal La Salle ne commet dans sa démonstration qu'une seule erreur : celle de croire que l'attrait des jeunes pour la ville relève simplement d'un mélange de cupidité et de fainéantise. Il ignore - ou plus probablement feint d'ignorer - que la vie urbaine était aussi plus mondaine, plus chaleureuse, plus ludique, plus épanouissante, plus enthousiasmante pour des jeunes gens. Sexagénaire lors de la rédaction de ce récit, l'auteur était dans la logique d'un ancien qui pense que dans chaque jeune homme, il y a un vieillard en devenir, et que toutes les fantaisies et les rêveries de l'adolescence ne sont que des lubies passagères auxquelles il est inutile de s'arrêter.
Il faudra hélas encore plus d'un demi-siècle pour que l'on réalise l'importance de l'adolescence dans la construction de la personnalité, et dans la mécanique même de l'évolution sociétale. Mais hélas, témoin vieillissant d'un siècle qui sut rester étonnamment linéaire malgré d'interminables changements de régimes politiques, Mathurin le Gal La Salle ne pouvait imaginer plus beau destin pour de jeunes personnes honnêtes et sérieuses que d'entrer sans plus attendre dans les responsabilités de l'âge adulte, et de perpétuer l'oeuvre de leurs parents. Cependant, il faut reconnaître que, loin de sombrer dans la résignation chrétienne et mortifère, loin de prôner un lyrisme sacrificiel, Mathurin le Gal La Salle sait mettre en valeur avec conviction une existence simple, sincère et chaleureuse, dans un cocon familial doucereux, et donner des airs de liberté et de bonheur profond à une tradition rurale qui représentait pourtant le plus aliénant et le plus ingrat des métiers.
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