ADIEU, MADAME.
Ces quelques mots ne sont en rien une énième critique de ce texte absolument merveilleux qu'est La Main gauche de la nuit - peut-être l'un des plus beaux, esthétiquement, philosophiquement et humainement, que la Science-Fiction a jamais présenté au monde.
Non.
Ces quelques mots sont un petit, tout petit hommage à cette grande, cette immense Dame des Lettres que fut Madame Ursula K. Le Guin, dont on apprend, ce jour, l'envol définitif vers ces mondes si lointains, si proches qui furent les siens quatre-vingt huit années durant.
Aujourd'hui, l'Ekumen est en deuil.
Aujourd'hui, les jeunes apprentis sorciers de l'île de Roke sont orphelins.
Aujourd'hui, Lavinia pleure.
Aujourd'hui, Les Dépossédés le sont encore un peu plus.
Aujourd'hui, c'est bien sûr le monde de la SF et de la Fantasy - dans ce qu'ils ont de plus élevé - qui sont frappés de chagrin, mais c'est le monde tout entier qui est un peu moins beau, depuis lundi dernier (les nouvelles ne vont pas toujours si vite qu'une communication par "ansible"...).
Je vous ai découvert très tardivement, Madame le Guin. Il y a seulement deux petites années, pour être honnête. Et avec ce roman, précisément. Qui ne m'a jamais réellement lâché depuis, même si j'écume le reste de votre oeuvre avec frénésie, admiration et passion. Vos livres d'une poésie tellement douce, immédiate, profonde, délicate. Qui, depuis, m'émerveille un peu plus à chaque nouvelle lecture, à chaque creusement : vos sillons sont profonds.
Dans ce roman, il est question d'un monde où les rapports entre les sexes ne posent enfin plus les éternels problèmes que notre petite planète connait depuis sa création puisque les êtres qui vivent dans votre planète imaginaire sont asexués, la plupart du temps. de cette androgynie quasi parfaite - il faut bien que, de temps à autres, ces terriens-là, sur cette planète "Hiver", se reproduisent un peu, alors vous avez trouvé une astuce aussi ingénieuse qu'éthiquement riche -, vous nous offrez rien moins qu'un sublime hommage à la vie, un hymne universel à l'amitié, à la tendresse et à l'amour. Sans l'encombrement douloureux des hormones...
Par cette androgynie universelle, vous montrez, et avec quel talent, comme l'humanité - NOTRE humanité - est riche de bien autre chose que de leur seule dialectique sexuelle et autre "genrisation" des temps. Vous rappelez aussi que ce qui est beau en soi, ce n'est pas l'hétérosexualité balourde, l'homosexualité joyeuse, la "trans-genralité" difficile ou que sais-je encore ? Non ! Vous nous rappeliez que ce qui est beau, fondamentalement beau, c'est l'amour, fondateur et agissant, que deux êtres, quels qu'ils soient, de quelque univers culturel, social, sexuel puissent-ils venir, peuvent se porter, s'apporter, l'un à l'autre.
Vous ne le saviez que trop bien vous même que tolérance, dignité, amour, reconnaissance de l'altérité sont les vertus cardinales sur lesquelles une société tolérante, fraternelle et aimante devrait s'appuyer, vous qui étiez la digne fille de deux grands ethnologues ayant été parmi les premiers à vivre parmi ce peuple déraciné, "génocidé", quasi effacé des mémoires (à commencer par la leur propre) que sont les amérindiens, et à tâcher de leur rendre leur vraie place dans ce monde triomphant des colonisateurs américains blancs. Vous qui fûtes aussi une grande féministe, mais de ces femmes qui considèrent que ce qui est une lutte, superbe et juste, n'a cependant rien à voir avec une guerre. Vous aimiez trop l'AUTRE pour vous abaisser à la guerre.
On retrouve un peu de ces thèmes-là, et bien d'autres encore, dans La Main gauche de la nuit, mais aussi dans le Dit d'Aka, dans cet autre aussi, au titre si pur et émouvant qu'est "Le nom du monde est forêt".
Il y aurait aussi tant à dire de ce cycle étonnant de Terremer dans lequel, assez éloignée d'un Tolkien, vous avez concentré votre pensée sur ce thème qui traverse toute votre oeuvre, au fond : Qu'est-ce que l'humanité, qu'est-ce qui fait de nous tous, avec nos différences, nos qualités et nos défauts, des Êtres Humains ?
À cause de tout cela, et mille autres pensées, propositions, recherches, comme d'avoir tant œuvré, et avec quel sagacité, quelle verve, quel enthousiasme, pour que ces genres supposés mineurs de la "SF-F-F" (Science Fiction - Fantastique - Fantasy, en bon français...) trouvent enfin la place qu'ils méritent dans ce monde foisonnant mais souvent jaloux de ses prérogatives et de son antériorité qu'est l'univers de la Littérature (avec un grand "L"), à cause de tout cela, disais-je, nous sommes nombreux sur cette petite boule bleue à vous pleurer, à vous estimer toujours, à vous regretter déjà un peu...
Fort heureusement, vous nous avez offert vos livres en partage et c'est rétrospectivement plein d'une sincère émotion que je me permets de recopier ces quelques mots tirés de ce pur petit chef d'oeuvre de grâce et d'intelligence, cette fameuse "Main gauche" dont j'ai eu l'envie de lire un extrait, maladroitement parce qu'à haute voix, devant un parterre d'amoureux des mots et des livres, à l'occasion de cette belle rencontre d'un soir que fut cette nuit de la lecture, samedi soir dernier.
Voici :
«Le jour est la main gauche de la nuit,
et la nuit la main gauche du jour.
Deux font un, la vie et la mort
enlacés comme des amants en kemma,
comme deux mains jointes,
comme la fin et le moyen.»
Au revoir, Madame Le Guin,
Vous nous manquez déjà...
Mais à tout bientôt de vous lire.
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Un roman créé comme un entonnoir… qui nous laisse beaucoup de liberté en début de lecture pour finir par ne plus nous en laisser aucune ( et oui au bout d'un certains nombre de pages il devient addictif).
C'est d'ailleurs le même principe dans l'évolution des deux personnages principaux. Qui apprennent à se connaître et a s'apprécier au fils des pages
J'ai particulièrement apprécié ce roman , qui nous explique en détails la planète Nivôse, ses us et coutumes, les particularités de ses habitants, sa géographie, son histoire , sa politique. Ainsi que la visite d'un être humains sur cette étrange planète venant proposer des échanges commerciaux.
L'écriture d'Ursula le Guin est fluide agréable et détaillées, sans avoir cet aspect de lourdeur dans les descriptions. C'est avec aisance qu'elle montre la société et l'amitié entre deux êtres…. et en fait elle nous embarque tout simplement dans son monde imaginaire si bien imaginé.
Un énorme roman de SF, qui vaut le détour et que je pourrais même considérer comme un incontournable
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D'abord il y a ce titre. Avec un titre pareil, si un livre était bâti sur du creux, n'était pas stimulant, était anodin, on serait en droit de le jeter, non ?
C'est l'histoire d'une rencontre. Rencontre entre deux êtres, entre un être et un monde, entre un monde et son envoyé des étoiles. Mais les transformations apportées par l'envoyé ne sont possibles que parce qu'il est d'abord transformé par le monde où il se trouve. L'acceptation de l'un se fait seulement après l'acceptation de l'autre. L'apprentissage de l'Autre, un thème plus que récurrent dans les romans d'Ursula le Guin. La voie de l'Ekumen, c'est l'antithèse du colonialisme, du tourisme, de l'exploitation ou même du commerce, en n'essayant pas de convaincre afin de mieux convaincre, en se laissant convaincre, en accordant toute autonomie à l'autre, en faisant confiance au déroulement non forcé des événements et à la chance.
J'avais envie de parler de ce que j'ai cru voir d'influence du taoïsme philosophique dans ce livre, de la politique de l'Ekumen à la mentalité géthenienne, en passant par le Handdara, mais ... nusuth ! (et puis comme ça je suis sûr de ne pas écrire de bêtise)
La planète Géthen, Hiver, couverte de glaciers, est certainement le personnage principal du roman (qui est pourtant aussi une histoire d'amour impossible, mais atypique au possible), à travers ses paysages, ses villes, son peuple, et ce qu'elle dit de l'humanité. En présentant différents modes d'organisation politique, plusieurs écoles mystiques, plusieurs mentalités, l'auteure évite le piège de la carte postale. Je trouve qu'elle dégage un portrait convaincant et touchant des géthéniens, dans leur homogénéité et dans leur diversité. Elle explore également l'éthique du pouvoir et présente, avec le Karhide et l'Orgoreyn, deux modes d'organisation politique opposés qui semblent atteindre chacun l'objectif annoncé par l'autre ! (Vivement la lecture des Dépossédés : c'est le prochain sur ma liste).
La Main gauche de la Nuit présente une exploration de l'influence des rôles sexuels, très réussie autant que casse-cou au départ (et à une époque où les études sur le genre ne devaient pas être légions), en les supprimant purement et simplement, et en en intégrant les conséquences pleinement dans l'histoire (la science-fiction dans toute sa splendeur). Alors, en l'absence de rôle sexuel, nous n'aurions pas de guerre, vraiment ? Moins de relations dominant/dominé ? Nous n'aurons pas de réponse à cette question. Car, et j'en suis reconnaissant à Ursula le Guin, tant j'apprécie cette démarche, j'ai vraiment eu l'impression qu'elle respectait mon autonomie en tant que lecteur. Un peu comme l'envoyé de l'Ekumen sur Géthen... Je me rends compte que c'est une qualité rare chez un auteur.
Court, écrit à deux voix, le roman est dense, très dense en réflexions, en descriptions, en mythes, en émotions, en épreuves, en événements, une lecture qui incite à la lenteur, qui culmine avec l'extraordinaire traversée du Gobrin, à la fois intérieure et extérieure. Je pense qu'il mérite bien son statut de classique (mais l'a-t-il, en fait ?).
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"La neige de l'ignorance garde sa virginité."
Le langage… une sacrée difficulté !
Entretien d'embauche, mardi. Stress au menu. A la question, que feriez-vous si je vous disais que durant août vous serez seule ? Aucun problème.
Parce que le mot qui m'a interpellé fût "seule". Je ne me sens jamais seule dans ma famille professionnelle. Mais mon recruteur, lui, faisait référence à août et mes éventuelles contraintes personnelles. Ca paraissait simple comme échange et pourtant entre deux personnes ayant a priori la même culture, je me suis aperçue qu'on ne s'étaient pas compris, ni la question, ni la réponse qui fût apportée.
Alors imaginez une conversation entre deux personnes qui viennent de planètes différentes, de cultures différentes et qui ne sont même pas physiquement, physiologiquement semblables… Je crois que c'est l'essentiel du livre d'Ursula le Guin. Apprendre de la singularité de l'autre, sans jugement.
Dans ce roman, c'est la rencontre entre Genry (ou Genly pour ceux qui prononcent les l'sans problème) et Estraven. Entre un terrien et un gethénnien, un peuple qui voyage dans l'espace et un autre qui ne dispose pas de vocabulaire pour le mot "voler", un homme noir et un hermaphrodite, blanc comme la neige qui recouvre cette planète sur laquelle Genry a atterri, en qualité d'Envoyé du grand Ekumen. le grand écart. Et pourtant, Genry et Estraven après moultes déboires, je puis dire que j'ai pensé énormément à la phrase "parce que c'était lui, parce que c'était moi", d'un autre couple. Et la description du périple dans le froid, la glace et la poudreuse, sans parler de la traversée du glacier, vaut tous les romans relatant des expéditions polaires. Bref, un régal que ce prix Hugo !
"C'est le yin et le yang. le jour est la main gauche de la nuit… j'ai oublié la suite. Jour, nuit. Peur, courage. Froid, chaud. Femelle, mâle. C'est toi-même, Therem, double et unique. Une ombre sur la neige."
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Envoyé par l'Ekumen, Genry Aï a la charge de convaincre la planète Gethen de rejoindre cette vaste confédération de planètes favorisant le libre échange d'idées et de technologie. Sa tâche est plutôt ardue, puisque Gethen ignorait jusqu'à l'existence d'autres planètes habitables, que Genry a très peu de preuves sur la réalité de sa mission, et que les troubles politiques qui secouent la planète font craindre à chaque camp un complot qui vise à les discréditer publiquement.
On a ici de la science-fiction comme je l'aime, qui ne se contente pas d'ajouter quelques améliorations technologiques pour assurer le spectacle, mais qui tente d'imaginer quels changements profonds ces modifications peuvent apporter dans la société. Sur Gethen, les individus sont androgynes et ne deviennent sexués que pour se reproduire, l'attribution du masculin ou du féminin étant aléatoire à chaque rencontre.
J'ai apprécié et l'intrigue et l'univers dans laquelle elle se passe, mais paradoxalement, je suis resté un peu sur ma faim sur les deux domaines : il me manque des discussions plus poussées sur la sexualisation définitive entre Aï et les habitants de Gethen, ou quelques intrigues politiques tortueuses de plus pour être pleinement satisfait.
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Depuis le temps que ce titre figurait dans ma liste des oeuvres incontournables de SF à lire... et bien voilà c'est chose faite.
Une histoire vraiment intelligente, caractérisée par un contexte de science-fiction en mode planet opéra qui sert d'excuse à la description de plusieurs sociétés et régimes politiques différents, avec l'oppositon entre un état communiste et un état monarchique.
Et au milieu de tout cela, on découvre un véritable débat sur la question de la tolérance de l'être humain. Deux êtres fondamentalement différents, venant de deux mondes différents également, finissent par s'entraider et même s'aimer dans l'espoir de parvenir à l'amélioration de la condition humaine en général.
Il y a énormément de réflexion et de philosophie tout au long de l'histoire, et celle-ci est relativement courte ce qui permet de ne pas s'enliser dans l'ennui, car je dois reconnaitre, qu'à titre personnel, je n'ai pas trouvé l'intrigue passionnante du début à la fin. L'auteur est incroyablement douée pour créer tout un univers extrêmement bien détaillé, mais cela manque de rebondissements, de dialogues, de personnages et d'intrigues secondaires.
Pour conclure, je dirai que je suis content d'avoir lu cet ouvrage qui est d'une qualité indéniable, mais cela n'a pas été un coup de coeur pour moi.
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