Critique réalisée en partenariat avec Gleeph :
Fugue Américaine est selon moi un ratage complet. le Maire écrit un livre boursouflé qui veut tout raconter mais qui finalement ne dépeint pas grand chose.
C'est cette densité paradoxale que j'aimerais évoquer premièrement. Je trouve que le livre s'attarde à toujours tout décrire de manière assez insupportable. On est constamment en train de lire des détails absolument passables avec un langage faussement relevé qui pénalise la lecture. Si on fait une analogie avec le cinéma, c'est comme si un metteur en scène aurait voulu filmer absolument toutes les composantes d'un cadre, mais en gros plan. le film n'aurait alors pas duré 2h mais 5, pour du vide.
Je suis vraiment d'avis que le Maire ne laisse absolument aucune place à la suggestion. On a une structure en tous parties, inégales en pages, que l'on aurait cru assez pertinentes. Je pensais que l'on allait avoir trois moments distincts de la vie d'un personnage, narrateur interne, qui comptait ce qu'il ressentait et voyait. Les parties sont à chaque fois placées dans un cadre spatio-temporel, de surcroît. Il est donc surprenant et complètement hors de propos de
vouloir passer la moitié du livre à être un narrateur omniscient qui s'attarde une nouvelle fois sur des détails sans intérêts. On perd complètement la pertinence des trois parties en même temps que l'intensité d'un narrateur interne.
De plus, je trouve que certaines parties omniscientes sont absolument consternantes. Quand le Maire s'attelle à
vouloir décrypter la politique internationale de la Guerre Froide, il est criant qu'il le fait gauchement et sans originalité. Il en est à faire un brûlot pro-américain, sans prise de recul. Il est clair que les méfaits soviétiques qui s'étalent sur des dizaines d'années doivent être racontées. Ils n'ont pas la place dans un roman évoquant un parcours de vie de personnages qui n'en sont que très peu impactés. Et honnêtement, je trouve que critiquer la dictature soviétique est au mieux d'une banalité confondante et au pire un geste d'une suffisance crasse.
Il y a en plus de grandes défaillances au niveau du discernement de la psyché des personnages. L'auteur tend à
vouloir décrire se mettre à la place de personnages de balises spatio-temporelles qu'il n'a pas côtoyées. C'est une volonté hautement orgueilleuse dans un premier temps. Il faut aussi indiquer qu'il le fait sans talent, tant il est déconnecté de la réalité. Les scènes de sexe sont absolument éloquentes à ce niveau, les termes « renflement brun » et « dilatée comme jamais » ont été très largement conspués. Il y a également d'autres passages absolument sidérants.
Bruno le Maire pense notamment qu'un médecin n'exprime pas d'autres émotions que le fait de décrire certaines situations médicalement. C'est une des grossières erreurs qu'il fait.
Pour aller plus loin, je trouve que les personnages sont assez faiblement caractérisés. Si l'on prend Vladimir Horowitz, on se rend compte qu'il est très peu original. Il s'agit d'une diva tourmentée comme on en a vu des centaines dans la littérature. Mais il est doté du génie. On a l'impression que c'est un élu. Les autres personnages n'ont de cesse de louer ses talents absolument grandioses si l'on en croit le livre. Les autres personnages sont finalement assez mediocres par rapport à lui. le livre traduit une vision extrêmement manichéenne de l'auteur, déployant des personnages soit géniaux, soit médiocres.
Je suis de plus extrêmement perplexe concernant l'usage des langues de la part de
Bruno le Maire. Je trouve que ne pas traduire les passages en langues étrangères est assez mesquin pour le public qui n'a pas les codes et donc a besoin de chercher ou passe son chemin concernant ses phrases. C'est également une démarche très prétentieuse. L'auteur a comme une envie de montrer qu'il sait parler des langues que finalement peu de personnes manipulent en même temps. Cela témoigne du fait de sa condition de bourgeois qui a pu se payer cet apprentissage auquel le commun des mortels n'a pas accès. Enfin, quand on a des passages en anglais, c'est une pure incohérence. Les personnages sont Américains et donc parlent anglais. le livre est donc traduit de l'anglais. Mettre des passages anglais non traduits relève de la pure incohérence de rédaction.
Enfin, j'aimerais évoquer certains points qui pour moi me rendent le livre assez nauséabond en définitive. le livre fait preuve de relents assez réactionnaires par instants. Il dépeint notamment les Cubains avec du dédain et un pointe de racisme, tant ils sont montrés comme incompétents quand ce ne sont pas des idiots. L'homosexualité est également maltraitée. Elle n'est jamais montrée comme une mauvaise chose par rapport à l'époque traitée, mais comme une maladie en tant que telle, ce qui me dérange énormément. Enfin, le traitement des personnages féminins relève de la pure misogynie. Ils sont soit puérils, soit des engins sexuels réifiés, soit tout simplement des êtres ingrats qui torturent les personnages masculins.
Le livre passe donc de la place de gentiment idiot, à très mal écrit à tout simplement vomitif. le Maire n'est pas fait pour être un auteur. Il ne comprend pas l'humain, il est un piètre psychologue et un écrivain encore pire. le livre est une immondice dont la seule chose qu'on a envie de tirer est la satisfaction de le refermer à jamais.