AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
2,56

sur 55 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Fugue américaine déclenche polémiques et critiques en rafales, où je lis beaucoup d'outrance, de ridicule et de mauvaise foi. Que ceux qui n'aiment pas le Maire s'en tiennent éloignés : ils s'en trouveront mieux ; ils s'éviteront des aigreurs d'estomac et, dans leurs critiques, des acidités d'écriture. Tenons-nous en au roman. Et à la vocation de Babelio qui n'est pas d'imiter Tweeter.

Fugue américaine est un roman à la fois classique et vif, nerveux, traversé d'images électriques qui toutes (ou presque) font mouche. Sur la page, il faut savoir comme en peinture apporter de la matière, et comme en sculpture en retirer. de cet exercice du "portare" et du "levare", et de celui de développer un récit sur plusieurs décennies, BLM se tire avec les honneurs (même s'il aurait pu en retirer un peu plus ici ou là) (notamment certains passages dont la presse a parlé en abondance, et d'autres en langue étrangère qui n'apportent pas grand-chose, et lassent même à la fin, comme un toc).  

Fugue américaine est avant tout un livre qui vous prend. Je l'ai lu en même temps qu'un autre page turner, un policier celui-là, et j'ai fini en priorité Fugue américaine. J'ai prononcé le mot : page-turner. le fond de l'affaire, la musique et plus exactement la musique classique, l'Art, l'immense pianiste et homme tourmenté que fut Vladimir Horowitz, les années de guerre froide durant lesquelles il vécut, ce qu'elles ont emporté des mondes anciens et ce qu'elles nous disent des mondes nouveaux, le tout (qui est très bien rendu) est pris dans un récit enlevé et brillant, à plusieurs étages, totalement maîtrisé à l'anglo-saxonne, vivant et mélancolique, coloré et douloureux, qui nous promène de NY à La Havane avec quelques crochets par la Russie, avec une foule d'acteurs de premier ou de second plan, connus ou fictifs (ah l'apparition fugitive de Papa Hemingway à Cuba), tous parfaitement campés.

Bref lisez Fugue américaine, qui est remarquable, et oubliez son auteur, qui, au moins ici, n'a pas à être remarqué. 
Commenter  J’apprécie          140
Fugue américaine, Bruno le Maire.
Je ne vous le cacherai pas, j'étais extrêmement sceptique quant à l'intérêt de lire ce livre. Alors je ne l'ai pas acheté. Oui, mais voilà qu'on me l'a offert, sous prétexte qu'un soir, j'écoutais son auteur nous parler d'inflation. On a voulu me faire plaisir que voulez-vous ! Or, j'ai un problème. Si on me donne un livre, il est impératif que je lise. Et de bout en bout qui plus est. Pas question de s'arrêter avant la fin. Cela prend le temps qu'il faut, mais j'avance, quitte à m'ennuyer un peu. Bon me direz-vous, tout cela est bien intéressant, mais venons-en au fait : ce livre, qu'en avez-vous pensé ?
Tout d'abord, laissons de côté les critiques stupides sur les pages « pornographiques» dans lesquelles se serait complu Bruno le Maire. En fait un tout petit passage sans intérêt ni conséquence que seuls les plus mauvais journalistes ont pris soin de relever.
Dans fugue américaine, il y a d'abord « fugue ». Pas étonnant, la fugue vous le savez est une forme musicale et la musique est un des principaux sujet de ce roman. Précisément les musiciens. Encore plus précisément les interprètes, en l'occurrence Wladimir Horowitz. Dans le titre il y a aussi « américaine » car l'essentiel de cette histoire se situe entre Cuba et à New York, à différentes époques.
Plutôt que roman, il faudrait plutôt dire évocation de Wladimir Horowitz. Un homme fragile, inquiet -on l'appelle parfois l'intranquille- à la carrière entrecoupée de plusieurs interruptions dues à une dépression quasi existentielle. Un homme qui aime le succès et se sait supérieur à beaucoup. L'auteur nous présente ainsi une personnalité aussi attachante par sa fragilité qu'elle est exaspérante par sa vanité. L'auteur décrit, imagine en partie je présume, une personnalité crédible, basée sur des témoignages et consolidée par la connaissance qu'il a lui-même du monde musical et du piano. La richesse proposée de cette personnalité, sa complexité, sont le reflet même de la musique. Horowitz devient une incarnation de la musique : « Il avait une attirance pour les jeunes hommes, il cédait à cette attirance et il la combattait, avec une duplicité morale que l'on ne peut comparer qu'à celle de la musique, dans son ambiguïté. Par ses lignes mélodiques doubles ou triples, dans la superposition des accords, avec ses silences, la musique était ce qui se rapprochait le plus de la complexion de Vladimir Horowitz ». Cette petite citation nous montre à voir, en quelques lignes, le talent d'écrivain de B.Le Maire. Pour comprendre Horowitz, il faut se laisser emmener par la musique. Belle image. du très beau travail que l'on retrouve à plusieurs moments. Par exemple les dernières pages du chapitre 30 où un Horowitz solitaire et halluciné laisse doucement aller ses penchants pour les jeunes gens tandis que gronde l'orage et blêmit la mer.
D'autres personnages interviennent aussi : Wenda Toscanini, l'épouse omniprésente de Wladimir Horowitz, tendre et attentive dans la supervision de son mari. Horowitz et elle forment une sorte de vieux couple émouvant. Elle connait les défauts de son mari, elle les accepte. Elle aime à l'évidence son mari et se contente de vivre à côté de lui. Simplement à côté. Pas avec, car on ne peut probablement pas vivre avec Horowitz.
Intéressants aussi le caractère de plusieurs personnages purement romanesques : par exemple Oskar Wertheimer, le narrateur de ce récit. Il veille avec bienveillance, exaspération et culpabilité sur son grand frère, Franz, excellent pianiste écrasé par son impossibilité à atteindre la perfection d'un Horowitz, et qui sombre, comme lui pour d'autres raisons, dans la dépression face à ses multiples échecs. Il est trompé par sa femme, une mondaine, dépensière acharnée, égoïste sans remord dont le comportement contribue à la dépression de Franz. Il est roulé par ses associés. Il se retrouve seul, sans femme, sans enfants. Il n'a plus que son frère Oskar, qui ne saura pas le raccrocher à la vie. Franz est un peu le reflet indirect et partiellement inversé d'Horowitz, qui lui aura connu le succès. Au début du roman, Franz dit à son frère Oskar : « Oskar, rien n'est parfait. Il y a toujours un défaut. Il faut passer sa vie à chercher le défaut ». La dépression qui l'emportera plusieurs années après est déjà en germe. Franz a trop conscience de sa médiocrité. Il aurait pu tout réussir et il a tout raté à l'image de son échec à assister au concert d'Horowitz dans le grand théâtre de la Havane. Horowitz son idole, celui pour qui il avait fait le déplacement jusqu'à Cuba. En retard, il trouve portes closes et erre dans le hall sous le regard des statues de marbre. « Franz avait beau frapper, personne ne lui ouvrait, le hall était désert, seules les femmes drapées dans du marbre blanc cassé lui jetaient des regards désolés »
B.Le Maire est très efficace dans la peinture de tous ses personnages dont il donne une image riche et par là souvent ambigüe, avec des facettes variées qui nous font osciller entre rejet et émotion. Pourtant c'est quand même lorsqu'est évoquée la personnalité d'Horowitz qu'il suscite le plus notre intérêt.
Et puis, hors les personnages, l'auteur a une très belle plume pour décrire les choses ou les sentiments. Des expressions, des images parfois pleine d'ironie, au bord de la suffisance comme la description de Muriel, la femme de Franz, le jour de son mariage : « Elle s'acquittait de son devoir de jeune mariée à la perfection, en minaudant ; elle dessinait avec ses lèvres carmin des mouvements de succion (..) au milieu de son visage ruisselant de fard, sa bouche accomplissait des mouvements de dilatation et de contraction comme une anémone de mer effleurée par les courants. Quel plancton verbal pouvait-elle avaler avec autant d'avidité ? »
Dans ce livre apparait également l'homme politique qu'est Bruno le Maire. Celui qui appartient pleinement aux cercles du pouvoir. le Maire glisse de nombreuses considérations géo politiques, de la crise de Cuba jusqu'aux plus récents évènements. Il fait (ou Oskar le narrateur fait) la constatation consternée de l'évolution du monde occidental, des menaces qui pèsent sur lui. de sa mort annoncée. Il dit la perte des valeurs morales et du soutien des religions. le monde moderne qu'il entrevoit fait peur.
Cela m'amènerait bien à penser que ce roman regroupe des textes distincts, écrits par Bruno le Maire à des périodes différentes. La musique et Horowtitz en est une. Les réflexions sur le sens de notre histoire en est une autre. Plusieurs journalistes ont récemment demandé à l'auteur comment, consacrant autant de temps à la vie politique française, il parvenait encore à écrire un roman de 550 pages. le Maire s'en était tiré avec des pirouettes. Je crois que ce livre est simplement l'amalgame de plusieurs écrits d'époques différentes. Il fallait du temps quand même bien sûr, mais pas autant qu'on pourrait le penser.
Ah, encore un détail : pourquoi avoir truffé le récit de phrases en allemand, en anglais, en espagnol... ? Quand même pas pour crâner ! Pour donner aux personnages un caractère exotique ? Je ne sais pas trop mais le lecteur se serait passé de ces envolées étrangères auxquelles souvent on ne comprend que peu de choses, sauf à consulter en permanence un dictionnaire ou la traduction sur sa liseuse. Quand finalement on ne renonce pas tout simplement à comprendre, par lassitude...
Finalement, mais après réflexion, j'ai bien aimé ce livre. Bien écrit, riche en plusieurs aspects. Un livre, s'il fallait résumer, certes sur la musique, mais aussi beaucoup sur l'échec. (Un avant-goût du futur monsieur le Maire ?)


Commenter  J’apprécie          60
Polyphonies du vingtième siècle

« Mon frère Franz aurait pu répéter des mois entiers, des années, il aurait pu se tuer à la tâche, cela n'aurait pas suffi à lui donner l'once de génie qui fait pousser de nouveaux mondes.
Après la leçon [de Vladimir Horowitz], Franz sombra. »
Bruno le Maire, Fugue américaine, éd. Gallimard, 2023, p. 181

Avec en bruit / musique de fond, le tumulte amorti d'un siècle barbare et inhumain, le vingtième, dans ses plus terribles épisodes (1930-1965), grands cimetières sous la lune, Seconde Guerre mondiale, 50 millions de victimes, génocides à l'échelle industrielle et massacres des innocents, épurations et goulags, l'auteur porte la difficile ambition de mêler à la grande Histoire, qui s'impose aux hommes et les broie, la petite saga des Wertheimer, Juifs errants fuyant la folie nazie pour trouver refuge aux Etats-Unis et s'y établir. Défi qu'il partage avec nombre d'écrivains, difficile à relever et à maîtriser.
Le roman prend la forme d'un récit rédigé par Oskar Wertheimer sur cette période charnière du monde occidental avec le thème de la dérive de Franz, frère aîné admiré, brillant pianiste qui se destinait à une carrière artistique. Sauf qu'en décembre 1949 à La Havane, après un concert de Vladimir Horowitz, il eut la révélation de son insuffisance face au génie virtuose du maître : « L'abandon de sa carrière de pianiste n'était rien de plus qu'un pansement à arracher. Cela ferait mal sur le coup ; puis il oublierait. Au pire, il en garderait une cicatrice ».
Suivra l'histoire de sa déchéance, de son sentiment d'échec qui le mèneront au suicide, coïncidant avec l'assassinat du président John Kennedy. Avec en contrepoint, le triomphe des géants de la musique, celui en miroir d'un Horowitz, l'autre héros du roman, des Richter, Rubinstein ou du grand maestro Toscanini, sûrs de leur maîtrise de la liberté de leur jeu et de leur sensibilité.
Gravite autour de lui tout le cortège d'une galerie de personnages, dont Muriel, sa femme, une française, qui le méprise pour son échec, « un tocard » qu'elle ruinera par sa folie des grandeurs et son souci du paraître. « Elle continuait ses salamalecs sous-marins dans cette salle trop basse de plafond. Au milieu de son visage ruisselant de fard, sa bouche accomplissait des mouvements de dilatation et de contraction comme une anémone de mer effleurée par les courants. Quel plancton verbal pouvait-elle avaler avec autant d'avidité ? »
Bruno le Maire réussit certes son pari. Mais comme tout bon romancier, il aurait dû se résoudre à élaguer son texte de longues digressions inutiles pour donner à l'intrigue plus de vivacité et de nerf. le même reproche que nous avions opposé au romancier qu'il admire, Michel Houellebecq pour son dernier Anéantir (janvier 2022) à demi raté, boursouflé, à la limite de l'amateurisme, désinvolte envers ses lecteurs. Dont l'un des héros était un certain monsieur Juge, Bruno le Maire lui-même !
Quant aux scènes de sexe qu'on a pu lui reprocher : rien d'exceptionnel dans ce qui est ici décrit, la pulsion sexuelle en rien honteuse fait partie intégrante de la nature humaine ; en outre des passages bien innocents comparés aux scènes autrement scabreuses du même Houellebecq et autres romanciers célèbres. En bref un mauvais procès.
Un roman à conseiller avec réserves pour qui aime l'intrication de la grande Histoire dans le roman psychologique à la française et la reconstitution nostalgique d'une époque ressuscitée par Bruno le Maire, imprégnée du sentiment de notre inéluctable finitude.
Commenter  J’apprécie          30
J'ai aimé lire Fugue américaine, parce que j'ai découvert Horowitz, non pas le pianiste mais l'homme. En 1941, année de ma naissance, il enregistre le concerto de Tchaikovsky. Sur la pochette du disque, je ne crois pas que ce soit une photo, on voit le musicien avec les deux caractéristiques soulignées par Bruno Lemaire, ses mains, qu'il avait puissantes, prêtes à se plaquer sur les touches du piano et la large ouverture de ses narines. C'est anecdotique bien sûr. L'intérêt du livre est ailleurs, en particulier dans cette longue période du vingtième siècle, où la renommée du maestro déplaçait les foules, avec cet attachement du "public" presque inconditionnel pour ce pianiste qui pouvait s'éclipser pendant douze ans, et retrouver, comme on le dirait de nos jours, ses fans. Aujourd'hui, la musique classique et ses merveilles cèdent peu à peu le pas à la musique kleenex. Il suffit de se promener dans les rayons des magasins de musique.
L'une des vertus du livre de Bruno Lemaire, c'est d'avoir fait ressurgir une figure incontournable et à visage humain.
Commenter  J’apprécie          00
Fugue Américaine ne peut pas se lire en dissociant l'oeuvre de l'auteur. de façon inévitable, les réseaux critiques et médiatiques ont questionné la légitimité d'un ministre à publier cet ouvrage avant de se pencher sur son contenu. le contenu est bon, mais pas suffisant pour doucher la polémique.

Il s'agit d'une prose fournie et spirituelle. le Maire ose parfois des envolées lyriques, la scène sensuelle si commentée n'y faisant pas exception. le roman est résolument moderne malgré quelques accents proustiens, et nous emmène – par le truchement des combines entre deux frères juifs – dans l'univers artistique des années cinquante, en jouant également d'une musicalité formelle.

Finalement, la trame narrative n'est plus si importante. Fugue Américaine propose surtout des relations interpersonnelles iconiques et des décors de spectacle vibrants. le roman pourra lasser par ses trop nombreux emprunts linguistiques (espagnol, anglais, allemand), ainsi que par son niveau de langue qui devient parfois pédant à force d'être travaillé. A découvrir.


Lien : https://esprit-pangalliciste..
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (109) Voir plus



Quiz Voir plus

Politique et littérature

Les Romantiques français, dans leur jeunesse, étaient plutôt réactionnaires et monarchistes. Quel est celui qui a connu une évolution qui l’a conduit à être élu sénateur siégeant plutôt à gauche ?

Stendhal
Chateaubriand
Hugo
Mérimée

11 questions
272 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur ce livre

{* *}