Amateur de toutes les littératures, moi qui me voit comme un aventurier des lettres, un pourfendeur de pavés illisibles et parfois lecteur de l'extrême, je me suis lancé dans le pari que m'a fait la maison Gallimard, via mon profil sur le site Gleeph, de lire «
Fugue Américaine », le dernier livre de
Bruno le Maire, roman sorti en avril 2023dans la Collection Blanche.
Piqué par l'esprit du défi, et puisque cela m'était gracieusement proposé, j'ai pris mon courage à deux mains et ce livre de 470 pages (soit 485 grammes) dans l'autre et j'ai débuté la lecture de cette fugue qu'on a surtout raillé pour ses scènes osées, un peu caliente, dont on ne s'attendait guère de la part d'un ministre en exercice.
C'est ainsi que, mon esprit positionné sur le mode « objectivité totale », et tout autre lecture en pause, j'ai plongé tête en avant dans ce roman qui nous parle de musique, certes, mais aussi de politique internationale, de mode, de psychiatrie, de frénésie d'achat de fourrure, de Mozart, de Haydn, de philosophie, d'immobilier à Manhattan, de l'avenir du monde, de névrose… et donc parfois de sexe, mais si peu...
Mais attention, Brune le Maire nous joue un tour dès le début puisque le roman que nous lisons est en fait écrit par Humbert Herzog, pseudonyme de Oskar Wertheimer, frère de Franz Wertheimer pianiste raté et piètre agent immobilier, et oncle de Maxime Lebaudy, à qui il envoie ces feuillets à la toute fin de sa vie. Oskar a surtout été le psychiatre attitré de Vladimir Horowitz, « Le plus grand pianiste de 1949 », personnage tout aussi central du roman, sur lequel on va tout savoir : sa vie, sa façon de jouer la sonate Walstein de Beethoven, ses maux de ventre psychosomatiques, ses costumes, sa femme, son homosexualité refoulée et son chat en peluche.
Au fil des pages, l'auteur nous fera aussi croiser d'autres grands musiciens du 20ème siècle : Sviatoslav Richter qui promène son homard en celluloïd, Dmitri Chostakovitch qui ne dormait que d'un oeil, et Toscanini dont l'autoritarisme maladif aurait renforcé le caractère de sa fille Wanda, justement femme de Vladimir Horowitz.
Et donc, au milieu coule l'histoire des frères Wertheimer, si peu semblables, qui vont vivre, lors d'un séjour à Cuba, une soirée qui va tout changer leur vie définitivement.
Franz, l'aîné, archétype de l'habitant de la Mitteleuropa à la longue silhouette et à la névrose tenace, arrêtera le piano tandis qu'Oskar célibataire endurci, surtout quand son amie Julia est dans les parages, deviendra psychiatre attitré de Vladimir Horowitz et s'en voudra, à la fin de sa vie, de ne pas avoir porté secours à son jeune frère, préférant s'occuper du Maestro. Ils sont tous deux rongés par le remord, le dégoût d'eux même, la dépression pour Franz, le Lebensschmerz. de toutes façons, Wir Werden Alles Sterben, nicht war ? (Spoiler).
J'ai bien essayé de m'attacher aux personnages, tel une bouée dans cette mer d'érudition mais à peine convoqués, ceux-ci disparaissent aussitôt, bien vite emportés par les flots incessants des pensées de l'auteur. Mais est-ce du à l'écriture de
Bruno le Maire ou bien à celle d'Oskar dont nous sommes en train de lire les pages?
Finalement, j'ai trouvé ça un peu long, « Words, words, words » dirait
Shakespeare, un peu lourd, et même, parfois, un peu ennuyant.
Bruno le Maire insiste souvent sur une idée, ce qui rend certains passages répétitifs, tandis que d'autres sont incompréhensibles sauf si vous avez un niveau plus qu'acceptable en allemand, en anglais, en latin et en espagnol.
En résumé, cela pourrait être le récit d'un être désabusé, regrettant de façon amer d'avoir traversé le siècle en regardant ailleurs que vers l'essentiel : la souffrance de son frère.
Bruno le Maire a semble t-il voulut faire un livre dérangeant, tel que le dit Maxime Lebaudy dans le préambule, il s'avère que j'ai juste trouvé cela un peu vain.
Je retourne à mes aventures…