- Tu m'aimeras toujours ?
- Toujours.
- Et si j'ai les seins qui tombent ?
- Je les relèverai.
- Et si j'ai de la peau d'orange sur les cuisses ?
- Je les éplucherai.
- Et si j'oublie tout le temps où j'ai mis mes lunettes ?
- Je les chercherai.
- Et si j'ai un dentier ?
- Je ferai tremper le mien à côté du tien .
- Et si je ne peux plus marcher ?
- Je te porterai.
- Et si je deviens méchante ?
- Je te l'interdirai.
- Et si je tombe malade ?
- Je te soignerai.
- Et si je meurs avant toi ?
- Je te survivrai.
Il y a des gens comme ça sur qui le sort s’acharne. Des gens qui semblent destinés au malheur. Ou alors, désignés par le destin pour tout encaisser afin d’épargner les autres, les plus faibles, ceux qui ne supporteraient pas.
Gauthier et moi avançons vers la grande cour délimitée par un bâtiment en U. Deux gendarmes nous accompagnent. Les autres encerclent la ferme avec pour consigne d’en fouiller chaque recoin.
Pour nous, il s’agit d’interpeller la fameuse fermière caractérielle.
Au bout du chemin, un panneau en bois : Chien lunatique.
— C’est quoi, un chien lunatique ? Je demande à Gauthier.
— Un jour, il vous renifle l’entrejambe en remuant la queue, et le lendemain, il vous mord dans les roubignoles.
— C’est une blague ?
— Non, une image. Il n’est pas méchant, mais il garde la ferme.
Allons bon ! Une fermière caractérielle, un chien lunatique ! Et ses vaches, elles sont schizophrènes ?! (p14)
- Qu’est-ce que Jean-Raphaël ferait ici ?!… Attention !
- Attention à quoi ?
Elle n’a pas le temps de répondre. Je sens des éclaboussures chaudes dans le cou suivi d’une odeur d’urine. Et merde ! Manquait plus que ça. Gauthier ne s’est pas mouillé, c’est le cas de le dire.
Il est resté en hauteur, dans l’encadrement de la porte. Il aurait pu me prévenir. Ah non, bon sang !
Maintenant, c’est l’autre à côté qui chie.
— Elles font souvent ça ?
- Quand on les dérange…
[ ... ]
- Qu’est-ce qui vous a pris aussi de pointer votre arme sur moi en aboyant ?
- C’est dans la procédure.
-Ah, alors si c’est dans la procédure… Ben, mes vaches aussi, c’était dans la procédure.
Protocole salle de traite, troisième alinéa : Un inconnu s’introduit, on pisse et on chie.
Je n'ai jamais vraiment grandi.
Toujours peur des araignées, peur de m'engager, peur qu'on me fasse du mal, peur des autres, de leur bêtise et de leur méchanceté.
Je me réfugie dans mes dessins comme les gamins dans leur monde imaginaire. Je suis grand et costaud, mais à l'intérieur, c'est un grand placard noir dans un coin duquel un petit garçon se cache pelotonné sur lui-même, les mains sur la tête et le regard triste.
On se construit sur ce qu’on a vécu, en reproduisant ou en exorcisant.
Ça m'est venu dans le train et ça a été l'occasion de lui parler de mon engouement pour les haïkus. Ces petits poèmes japonais de trois lignes. J'aimais leur sobriété, cette façon de simplifier au maximum pour aller à l'essentiel.
La traite était un moment particulièrement prolifique. Je les notais sur un petit calepin criblé de crottes de mouches...
le soir, je les recopiais dans un joli carnet...
Ce jour-là au championnat du monde des cons, nous étions premier ex-aequo et c'est Suzie qui nous a remis les médailles, nous faisant comprendre au passage qu'il était ridicule de se battre pour occuper une hypothétique première place là ou il n'y avait aucune compétition. (p227)
"Vivre au rythme des saisons, s'organiser selon ses besoins, et parfois ses envies, est un luxe qu'aucun argent ne peut acquérir."
Toutes les mamans ont un thermomètre au bout des lèvres ?