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3,73

sur 211 notes
Avant de se lancer dans la lecture oppressante de ce roman noir , il convient de se dire , comme le fait si bien Pierre Lemaitre , que Martin Ledun est " l'un de ceux qui se montrent les plus brillants dans le genre ", c'est dire . Ensuite , il serait bien de délaisser la quatrième de couverture pour feuilleter les premiéres pages , celles du prologue. Dés lors , c'est terminé , vous êtes ferré , le passage en caisse est obligatoire : en dix pages , vous ferez comme les copains et vous serez embarqué dans un voyage vers l'enfer . Je vous l'assure , vous atteindre la dernière page sans avoir esquissé le moindre sourire , sans avoir la moindre possibilité de retrouver votre sang - froid , sans avoir été " caressé " par le moindre raï de soleil , sinon d'un soleil noir .C'est la panique , l oppression , la crise d'angoisse qu'aucun remède parmi les plus réputés ne pourra calmer . Un rêve ? La réalité ? Un cauchemar pour le mieux . Une descente inéluctable dans les abîmes les plus sombres de l'âme humaine .Le monde de l'entreprise dans ce qu'il a de plus destructeur , une érosion perfide de l'humain jusqu'à l'ultime . le docteur Carole Mathieu se bat pour soulager les maux mais les cas sont lourds ...La méthode risque de l'être aussi .
C'est insidieux , pesant , étouffant , long , très long et l'espoir n'est jamais entrevu , jamais permis . Et puisqu'on sait beaucoup de choses dès le début , le pire est de se sentir seul , comme pris dans les sables mouvants du Mont Saint Michel alors que le jour tombe et que le mer remonte inexorablement au galop .
C'est un roman noir , on l'a dit et les amateurs de ce genre ne pourront que s'en réjouir, les plus sensibles passeront leur tour . Personnellement , j'ai bien aimé mais j'avoue être sorti de ce monde horrible du travail avec soulagement , pas loin de l'asphyxie, exténué, à bout de forces . Dehors , il fait chaud , très chaud , le soleil brille , éclatant. Et bien croyez le si vous voulez , la canicule qui s'installe mettra tout de même plusieurs jours à vous réchauffer , à vous réconforter lorsque vous quitterez enfin le monde glacial dans lequel vous vous êtes fourvoyé...pour votre plus grand plaisir ou votre malheur ....
Moi , ça va , ouf , mais je pars me remettre de mes émotions....en vacances .Il est tout de même fort ce Ledun .
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Des proverbes sur le boulot, y en à la pelle.
Tu te plains du travail, c'est ton meilleur ami.
Mon préféré et de circonstance en refermant ce Ledun : le travail, c'est la santé. Rien faire, c'est la conserver.

Coluche affirmait que le travail était bien une maladie puisqu'il y avait une médecine du travail. Imparable.
Le Docteur Carole Matthieu bosse dans une grosse structure.
Médecin du travail, un job à plein temps.
Ce que ses patients ignorent, c'est qu'elle possède un p'tit plus la Carole, la faculté de régler tous vos problèmes de façon...définitive. Hein, comment, y aurait comme une incompatibilité entre la fonction et le traitement ? Ouais, ben allez le lui expliquer vous, à vos risques et périls.

Un médecin et ses malades pris dans l'engrenage mortel d'une machine à broyer, un thème plus que jamais d'actualité magnifiquement traité par un Ledun en grande forme.
Librement inspiré de la vague de suicides qui toucha France Télécom en 2009 – mais si, souvenez-vous de son délicat patron qui évoquait alors une mode - ces Visages Ecrasés est une mécanique parfaitement huilée aux rouages tirant de plus en plus sur le rouge raisiné de ceux qui s'échinent à la faire tourner.
Mise au placard, harcèlement, objectifs de folie, menaces...autant de petits gestes du quotidien nécessaires à l'épanouissement plein et entier du salarié. Ce dernier, étant un brin rancunier et provoc', pourrait cependant aller jusqu'au geste fatal rien que pour emmerder son gentil boss humaniste. Salaud de prolétaire va !

L'auteur, sans en faire des caisses, puisque dans ce domaine la réalité dépasse toujours la fiction, évoque le mal-être au boulot. Celui qui vous mine, vous ronge comme l'acide, annihilant tout mode de pensée cohérent et accessoirement une santé autrefois éclatante.
A la frontière du polar, il s'affirme bien plus comme une étude sociologique visant à asseoir les tenants et les aboutissants de tels drames individuels.
Le petit bémol, un truc qui m'a gratté durant toute cette lecture, l'impossibilité de croire en un médecin aussi investi dans son boulot en le comparant à celui évoluant dans notre si belle entreprise et qui, à l'évocation appuyée d'un problème récurrent, vous souhaite béatement une belle journée avec l'air du petit ravi de la crèche.

Bienvenue dans le monde du travail, antichambre de l'enfer.
Bienvenue dans l'univers des visages écrasés, société déshumanisée de ceux qui n'ont plus rien à perdre.
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Face à elle, Vincent Fournier. Une mine épouvantable, les yeux cernés. Des symptômes qui ne trompent pas : apathie, diarrhées, fatigue chronique, - 16 kilos en deux mois, idéations suicidaires. Pas de doute, Vincent, malgré ses séances et ses traitements, est au bout du rouleau. Comment, elle, Carole Matthieu, médecin du travail, peut-elle l'aider ? Elle n'a plus qu'une solution en tête : mettre fin à son calvaire qui dure depuis trop longtemps... Et alors que seul Vincent Fournier est encore dans les bureaux, en ce vendredi soir, Carole Matthieu, après avoir fait semblant d'avoir quitté les locaux, revient et lui tire une balle dans la tête. Un acte médical définitif, certes, mais qui pour elle n'est que finalement le traitement adéquat pour faire cesser tout ça. Dès lors, elle n'a plus qu'une idée en tête : raconter son Histoire. Ce que les salariés de cette plate-forme d'appels d'un groupe de télécommunications subissent tous les jours (harcèlement des dirigeants, objectifs inatteignables, poste non adapté aux compétences...), les drames (suicides et tentatives de suicide, violence, viol...) qui les ont marqués, les comportements rigoristes des dirigeants...

Marin Ledun plante le décor de ce roman noir au coeur d'une plate-forme d'appels, en 2009 (période d'ailleurs noire chez France-Télécom qui compta pas moins de 35 suicides pour les seules années de 2008 et 2009). Carole Matthieu est médecin du travail et écoute avec attention les petits et les gros bobos de ces employés. Face à la détresse psychique et physique de certains et malgré les traitements proposés, rien ne change, bien au contraire. Aussi, en mettant fin aux jours de Vincent Fournier, veut-elle montrer aux yeux de tous ce qui se passe réellement dans cette entreprise. C'est alors une véritable course contre la montre qui s'engage entre elle, l'inspecteur chargé de l'enquête et la direction qui tente de garder la face. Alternant le récit de Carole avec des rapports et courriers médicaux, ce roman social fait tout simplement froid dans le dos. Car Carole est bien décidée à aller jusqu'au bout pour raconter l'autre Histoire. Celles des hommes et des femmes qui souffrent au quotidien, qui survivent au coeur d'une société capitaliste régie par le rendement et le profit. Un roman saisissant, pervers et haletant servi par une plume froide.

À noter que l'auteur a travaillé 7 ans chez France-Télécom-Orange avant de démissionner en 2007.
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Les visages écrasés est un roman noir, très noir. J'ai mis presque une semaine pour le terminer, le lire avant et après le travail n'était sans doute pas une bonne idée!
Sa noirceur est telle que j'ai été oppressée tout au long et que j'ai eu du mal à lire plus de quelques pages à chaque fois. Je lis très souvent des thrillers et je n'ai que très rarement cette sensation de mal-être . Cela provient du fait que ce livre a pour thème la souffrance au travail et qu'elle fait écho à plusieurs témoignages de personnes rencontrées dans le cadre de mon travail. L' intrigue policière et la personnalité du médecin du travail est telle que l'on sait que nous sommes en train de lire un roman mais les conditions de travail et la description du service RH déshumanisé sont malheureusement très proches de la réalité de certaines entreprises. Dans cette période pré électorale, ce livre devrait être lu par tous les prétendants à la présidence...
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La souffrance morale des autres est contagieuse certes, mais un médecin doit garder une "neutralité bienveillante" pour ne pas se laisser contaminer. Sa capacité à écouter, soutenir et soulager est à ce prix.
Cette distance est probablement d'autant plus difficile à maintenir pour un médecin du travail, employé dans la même entreprise que ses patients, installé au même endroit, subissant la même hiérarchie, connaissant chacun à la fois comme individu et comme membre d'une structure.

Carole (médecin du travail) a perdu cette capacité de recul depuis longtemps, elle est au moins aussi mal en point que les patients qu'elle reçoit.
Concurrence oblige, cette entreprise de téléphonie a connu de grands bouleversements. Les salariés ont été reclassés à la va-vite, sur des postes sans rapport avec le contenu et le statut de leurs précédentes fonctions, et surtout sans processus d'accompagnement au changement.
Affections psychosomatiques, dépressions et suicides gangrènent employés et cadres.
Carole s'implique trop, Carole n'a plus d'autre vie, Carole ne fait plus face. Complètement submergée, totalement impuissante, en grande souffrance elle aussi, elle tient à coup de cachets de toutes sortes, amphétamines, tranquillisants, aspirine, qu'elle pioche au petit bonheur dans sa poche.

Entre rapports médicaux et narration de Carole, on revient plusieurs fois sur les traumatismes de chacun. Ce procédé narratif étourdissant et écoeurant exprime bien la douleur lancinante de ces salariés et les obsessions de la femme médecin.
Malgré des meurtres et la présence d'un enquêteur (et quelle présence) cet ouvrage est plus un roman noir qu'un polar. le malaise et le sentiment d'oppression du lecteur grandissent sans jamais faiblir. On est pris dans une spirale descendante, on dégringole dans un gouffre, dans un puits dont le seul fond semble être la mort - une mort violente.

Ce tableau des conditions de travail et de leurs dégâts sur les salariés est très sombre, moralement violent. Il peut sembler exagéré. Hélas, ceux qui côtoient de telles situations témoignent de son réalisme.
J'y ai cru, ce qui a rendu cette lecture d'autant plus bouleversante.
J'ai souvent tiqué en revanche sur le comportement de la femme médecin, sur ses prises frénétiques de pilules diverses - plusieurs dizaines en une journée - et sur sa résistance physique hors normes.

Un roman très fort, dérangeant. J'avais hâte d'avancer et de finir, pas pour le suspense, mais pour l'issue. Pitié, que ce cauchemar s'arrête ! On ne peut guère espérer de dénouement lumineux, trop de souffrances, trop de situations inextricables, trop de pièges qui se resserrent comme des noeuds coulants autour des victimes lorsqu'elles se débattent.

--- pas fait exprès, nous sommes le 1er mai, Fête du Travail...
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Les visages écrasés a l'immense mérite de parler des souffrances au travail. Au pluriel, parce qu'elles sont toutes différentes, qu'il s'agisse du téléopérateur harcelé, du vieux cadre placardisé, de la femme de ménage violentée ou de la médecin débordée...

Mais j'ai trouvé qu'il en parlait de façon un peu caricaturale. Ainsi, il n'y a pas que dans les centres d'appel que règnent déshumanisation et pression. de même, on peut faire un burn-out sans se transformer en folle furieuse dopée aux cachets. Et j'ai du mal à croire à une hiérarchie aussi monolithique et stupide.

Plus simplement, le problème vient peut-être de l'héroïne qui m'a agacée et étonnée (dans le mauvais sens du terme) du début à la fin. Car le thème est (malheureusement) intéressant et nourri par un procédé narratif qui l'est tout autant : au récit se mêlent des compte-rendus médicaux sur les différents personnages, qui éclairent leurs comportements et nourrissent le suspense, si je peux me permettre l'expression.
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Les visages écrasés est un des premiers livres dont la lecture m'a laissé un sentiment continu de malaise. le milieu du travail de ce roman est décrit de façon terriblement réaliste et on ne peut s'empêcher de faire des liens avec la réalité du monde du travail actuel avec ses risques psychosociaux.
Une femme médecin du travail dans un centre d'appels peine à s'occuper de ses patients qui sont dans des états de souffrance et de détresse extrêmes . Elle a beau se démener, elle ne semble avoir aucun poids dans le système qui broie tous ceux qui ne rentrent pas dans le moule....C'est son long cheminement qui est raconté de manière très incisive dans ce roman noir et glaçant .
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"Les cris silencieux des hommes et des femmes passés par mon cabinet me hantent."


Un jour, c'est le patient dépressif de trop. Carole, la quarantaine, médecin du travail empathique exerçant dans un centre d'appels téléphoniques de Valence, elle-même au bord du burn out, craque. Un vendredi soir, elle met en scène le suicide de Vincent Fournier, dans ce qu'elle considère comme un geste thérapeutique, destiné à le sauver de lui-même.

"- Vous avez une idée de qui lui en voulait au point de lui tirer une balle en pleine tête ?
Je soupire et ouvre les bras.
- Tout ça, lieutenant.
- Je ne comprends pas.
- Cette entreprise, ce plateau téléphonique, les gens comme Vuillemenot et les autres, le système économique dans lequel on vit et qui pousse des gens comme lui à se balancer par la fenêtre pour faire comprendre à leur entourage qu'ils ne vont pas bien.
- Vous ne répondez pas à ma question.
- Je ne fais que ça au contraire."

Une ouverture en forme de provocation et de coup de poing. Et ce n'est que le début de la descente aux enfers. Performances adulées, objectifs inatteignables, management oppressant : cette entreprise-là fait froid dans le dos. du reste, personne ne va bien dans cette entreprise, depuis la femme de ménage victime d'une tentative de viol jusqu'aux responsables d'équipes suicidaires, en passant par les simples employés qui se laissent aller à des explosions de violence, ou les "N+1" et les managers qui ne sont pas en reste non plus. Même le flic chargé de l'enquête n'est pas franchement dans son assiette, sans parler du médecin qui est censé soigner tout ce beau monde, et qui ne tient qu'à coups de pilules qu'elle pique au hasard dans sa poche.

"Le problème,ce sont ces fichues règles de travail qui changent tout le temps."

Entre fuite en avant vertigineuse, bad trip et paranoïa croissante, ce roman d'une noirceur étouffante oppresse de bout en bout et ne délivre pas. En ce sens, il relève son pari, en broyant son lecteur comme cette boîte odieuse écrase ses employés, même avec un style manquant parfois de légèreté ou tournant à la formule un peu vaine. A gros traits, d'accord, manquant de finesse, c'est certain, mais terrifiant quand même.
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Le noir est une affaire sérieuse qui à la lumière des codes du polar ne se prend jamais au sérieux.



Marin Ledun - Mon Ennemi Intérieur.





Romancier, mais également ingénieur en sciences humaines et sociales, Marin Ledun a eu la bonne idée de s'interroger sur les raisons qui l'ont conduit à se lancer dans l'écriture de romans noirs en évoquant son parcours, ses réflexions et ses références au gré d'un remarquable essai à la fois pertinent et synthétique qui prend la forme d'un bel opuscule dont la couverture élégante, ornée d'un visage au regard incisif souligne le titre de l'ouvrage, Mon Ennemi Intérieur. Ce regard incisif, on le retrouve bien évidemment dans le texte qui débute avec cette question essentielle que l'on ne cesse de poser à l'auteur : « Pourquoi écrivez-vous du roman noir ? » avec, de manière sous-jacente, cette espèce de commisération qui émane d'un interlocuteur ayant parfois une piètre estime pour un genre bien trop anxiogéne qui ne correspond définitivement pas aux critères des succès commerciaux littéraires tels que les thrillers où les effets prennent davantage le pas sur le fond de l'intrigue. A partir de cette interrogation, Marin Ledun se plaît à décortiquer de manière très subjective et bien loin de tout postulat scientifique, tous les éléments qui marin ledun,mon ennemi intérieur,éditions du petit écart,éditions pointsl'ont mené vers ce qui s'apparente désormais à un véritable métier, écrivain de romans noirs, pour nous livrer une véritable mise à nu de sa démarche littéraire. Engagement social, examen sans fard d'une société en crise, Marin Ledun ausculte ainsi les aspects d'un genre qu'il affectionne depuis toujours, ceci aussi bien en tant que lecteur d'écrivains qui ont influencé ses choix et son travail. L'air de rien, on s'achemine de cette manière sur une définition du roman noir propre au romancier et sur laquelle le lecteur pourra développer ses propres reflexions en prenant en compte les références d'auteurs emblématiques qui ponctuent cet essai. Rien de pontifiant ou de rébarbatif dans ce trop bref ouvrage auquel on agréera sur de nombreux points essentiels tel que le fait que l'on peut concilier divertissement et réflexion autour d'un genre populaire qui ne cesse de s'interroger sur le monde qui nous entoure. Ce qu'il importe également de souligner avec Mon Ennemi Intérieur c'est cette part d'ombre personnelle et professionnelle, notamment au sein de France Telecom, que Marin Ledun évoque avec beaucoup de pudeur et qui explique également, d'une certaine manière, son engagement pour un genre littéraire qui lui convient parfaitement faisant probablement figure de catharsis à l'instar d'un roman tel que Les Visage Ecrasés, ouvrage emblématique de l'auteur qu'il convient d'évoquer alors que la notion de « harcèlement moral institutionnel » a été prise en compte dans le verdict récent du procès France Telecom.



Non loin de Valence, Carole Matthieu officie en tant que médecin du travail au sein d'une entreprise de téléphonie où elle voit passer depuis quelques années des employés à bout de souffle comme Vincent Fournier qui semble faire les frais de réformes et de méthodes de management aberrantes. Incapable de juguler cette épidémie qui frappe le personnel, le docteur Matthieu observe, impuissante, une succession d'hommes et de femmes présentant des formes sévères de dépression quand ce ne sont tout simplement pas des idées suicidaires que les employés évoquent devant la praticienne. Avec une direction sourde à la détresse de son personnel, encourageant d'ailleurs des pratiques managériales délétères, Carole Matthieu ne sait donc plus vers qui se tourner pour dénoncer ces dérives qui déciment les salariés. Mais la doctoresse déterminée et ulcérée va tout mettre en oeuvre pour appliquer le traitement adéquat afin de restituer une once de dignité à des individus laminés par leur emploi. Un traitement à l'impact mortel.



Le Couperet (Rivages/Noir 1998) de Donald Westlake évoquait la difficulté d'un demandeur d'emploi à retrouver du travail qui le contraignait à éliminer ses concurrents en vue d'obtenir le poste convoité. Avec Les Visages Ecrasés, Marin Ledun adopte cette même logique béhavioriste extrême au sein d'une entreprise en pleine restructuration qui broie ses employés au grand dam de cette médecin du travail qui ne sait plus vers qui se tourner pour mettre fin à ces méthodes managériales délétères. Chez Donald Westlake il y avait ce cynisme mordant tandis que chez Marin Ledun c'est ce désespoir latent qui imprègne chacune des pages d'un récit qui vous accable littéralement en suivant le parcours de Carole Matthieu, qui prend la forme d'une fuite en avant. Méthode ultime pour restituer la dignité de ses patients et alerter l'opinion public, la solution résiderait donc dans le crime qui devient l'argument définitif, le traitement extrême pour lutter contre les dérives d'une direction et d'une hiérarchie instaurant un climat de travail toxique qu'elles mettent sur le compte de ses employés minés par leurs problèmes personnels qui n'auraient aucun lien avec leur emploi. Marin Ledun passe donc au crible les rapports parfois malsains qui régissent les employés de cette société de téléphonie en passant par les préposés aux appels, surnommés les lignards ce qui n'a rien d'anodin, puis aux cadres de proximité et à la direction tout en mettant en exergue le fait que selon le positionnement hiérarchique qu'ils occupent et l'interlocuteur vers qui ils se tournent, ces hommes et ces femmes endossent le rôle de bourreau ou de victime quand ce ne sont pas tout simplement les deux. Une tragédie humaine qui fait écho à la froideur des rapports médicaux des confrères de Carole Matthieu énumérant les maux de ses patients et qui ponctuent un texte où les sentiments de détresse et d'urgence donnent leur rythme à une intrigue à l'impact puissant qui vous assèche l'esprit.



Ainsi Les Visages Ecrasés devient l'un des romans noirs emblématiques dénonçant les dérives du monde du travail en s'appuyant sur les principes d'un genre que Marin Ledun dépeint avec pertinence dans Mon Ennemi Intérieur en vous donnant ainsi au travers de ces deux ouvrages une belle vision du potentiel d'une littérature noire résolument engagée. Indispensable.



Marin Ledun : Les Visages Ecrasés. Editions Seuil, Roman Noir 2011.



Marin Ledun : Mon Ennemi Intérieur. Editions du Petit Ecart 2018.



A lire en écoutant : Bull In The Heather de Sonic Youth. Album : Experimental Jet Set, Trash and No Star. 2016 Geffen Records.
Lien : http://monromannoiretbienser..
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La lente et terrible descente aux enfers du docteur Carole Matthieu, médecin du travail à Valence sur le site d'une plate-forme d'appels d'un groupe de télécoms. Lasse des arrêts maladies inutiles, des insomnies, des consommations vaines d'anti-dépresseurs et autres anxiolytiques, des suicidés qui se ramassent à la pelle, Carole Matthieu veut frapper un grand coup pour ébranler la direction et l'opinion publique. Faisant fi du serment d'Hippocrate, elle pète les plombs à son tour et tue un de ses patients au bord du suicide.

Pendant que les flics recherchent le meurtrier, Carole Matthieu tire à boulets rouges sur la direction, les syndicats, les conditions de travail. Tout en continuant son boulot et soutenant le personnel ébranlé par ce meurtre, elle fait le ménage dans ses dossiers afin d'écrire L Histoire officielle. Avant de se dénoncer ou de s'offrir une porte de sortie...

J'avoue ne pas avoir lâché ce livre, écrit au présent, qui m'a laissée essouflée, comme si je courais avec Carole Matthieu cette macabre course contre la montre, groggy comme elle de toutes ces pilules avalées pour tenir le coup, impuissante aussi face à l'emballement et au déréglement de la machine infernale qui nous fait passer de l'aliénation au travail à l'aliénation tout court.

Un style noir efficace. Très efficace.

On participe tous à ce système...
Lien : http://moustafette.canalblog..
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