Dans un monde où la pollution se niche partout et en tous lieux, où la précarité a remplacé le plein emploi et la misère progresse autant que les degrés du réchauffement climatique. Un monde où
Donald Trump,
Vladimir Poutine, Bachar El-Assad, Kim Jong-Un ont accès aux plus hautes fonctions. Un monde où l'on ne peut plus faire un pas sans devoir supporter le bruit constant provenant de machines grondantes, pétaradantes, hurlantes. Un monde où chacun est rivé, hypnotisé sur son smart-phone mais où l'on ne se parle plus que pour s'insulter copieusement. Un monde régit par la publicité qui se travestit bien souvent en actions commerciales, en publi-reportages dans les journaux, parfois en affiches ou vidéos taxées d'oeuvres artistiques mais dont le seul but est de nous assujettir à un mode de vie, nous contraindre à une consommation effrénée par tous les moyens, nous conditionner tel un troupeau de moutons soumis. La croissance est à ce prix.
Bref, un monde qui marche sur la tête où un pour cent des plus riches détiennent à eux seuls autant que 99% du reste.
Dans ce monde-là, celui où nous vivons, il est bon d'ouvrir parfois une fenêtre sur un jardin fleuri où chantent les oiseaux, sans nuage de particules fines, sans multinationale tentaculaire, sans Donald moumouté, sans compétitivité, sans ronronnement mécanique. Cette fenêtre peut s'ouvrir lorsqu'on plonge dans un roman de
Gilles Legardinier.
J'étais déjà tombé sous le charme de «
complètement cramé » et j'y retourne à nouveau avec celui qui semble être le premier roman jubilatoire de l'auteur (spécialisé par ailleurs dans le polar).
On a encore à faire avec une Amélie Poulin qui s'appelle pour l'occasion Julie Tournelle (au moins on nous épargne le jeu de mots foireux avec Marie…), laquelle voit débarquer un nouveau venu dans son immeuble.
Ricardo Patatras. Il n'en fallait pas davantage pour piquer la curiosité de cette employée de banque qui a d'autres rêves que de proposer des plans de financement à des personnes modestes, de vendre des contrats divers à des gens qui n'en ont pas l'utilité. Déjà amoureuse, elle va jouer les détectives pour tout savoir sur cet étrange voisin. A partir de là, on découvre une ribambelle de personnages attachants. Attention : j'ai dit attachants, pas merveilleux et sans défaut. Ce sont nos petits travers qui font notre charme et ça, Legardinier l'a bien compris. Comme l'avouait le personnage de Lilas dans le roman de
Pierre Pelot (
l'été en pente douce) : « à la fin, ce que les gens aiment bien c'est que ça finisse bien ».
On n'est donc pas déçu par ce petit vent agréable qui souffle doucement dans un monde de brutes. Legardinier aurait-il réinventé le roman à l'eau de rose? On ne va pas s'en plaindre. D'autres, plus graves, plus sérieux et avec surement plus de talent, ont déjà jalonné le terrain des romans essentiels, fondamentaux, intemporels. Mais, reconnaissons le, légèrement prise de tête, non? Pour apprécier tant de noirceur, il faut un peu de banale lumière, celle qui éclaire notre avenir et réchauffe les coeurs meurtris, efface les peines et gomme les chagrins.
Oui,
Gilles Legardinier est un bienfaiteur public, sa prose ragaillardit le moral, ses personnages réconfortent l'âme et les situations rocambolesques donnent du baume à l'être.
Ses écrits devraient être pris en charge par l'assurance maladie.