Citations sur Cadres noirs (210)
J'apparais comme un type lobotomisé par le chômage. Un forcené. les reporters ont interrogé mes connards de voisins ("Ah bah non, c'était un voisin très tranquille. si on s'attendait ...), quelques anciens collègues ("Ah bah non, c'était un collègue très tranquille. si on s'attendait ...), mon interlocuteur du Pôle Emploi ("Ah bah non, c'était un chômeur très tranquille. si on s'attendait ...).
P. 272 & 273
Ce sont des cadres supérieurs avec des responsabilités importantes. Le gratin de l'entreprise. Des champions du système M&M's : "Marketing & Management", les deux grosses mamelles de l'entreprise contemporaine. On connait le principe : le marketing consiste à vendre des choses à des gens qui n'en veulent pas, le management, à maintenir opérationnels des cadres qui n'en peuvent plus.
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Je travaillais chez Bercaud, une entreprise de bijoux fantaisie. Dix-sept ans à enfiler des perles. C'était la blague favorite de pas mal de gens, ça, on disait : « Chez Bercaud, on enfile des perles. » Il y avait tout un tas de blagues très marrantes sur les perles, les bijoux de famille, etc. C'était de la plaisanterie corporatiste, si on veut. La rigolade a cessé en mars, quand on nous a annoncé que Bercaud était racheté par les Belges.
Avant, j'étais DRH dans une entreprise de près de deux cents salariés. Je m'occupais du personnel, de la formation, je supervisais les salaires, je représentais la direction devant le comité d'entreprise.
Il y a quatre ans que je suis au chômage. Ça fera quatre ans en mai (le 24 mai, je me souviens bien de la date).
Comme ce boulot n'est pas suffisant pour arrondir des fins de mois parfois très aiguës, je fais d'autres petites choses. Durant quelques heures, ici ou là, je porte des cagettes, j'emballe des trucs dans du papier bulle, je distribue des prospectus, un peu de ménage industriel la nuit dans des bureaux. Quelques boulots saisonniers aussi. Depuis deux ans, je fais le Père Noël chez Trouv'tout, un supermarché spécialisé dans les appareils ménagers d'occasion.
Je m'appelle Alain Delambre, j'ai cinquante-sept ans.
Je suis cadre au chômage.
Ce matin donc, Mehmet était furieux. Comme sous pression. J'ai imaginé que sa femme lui avait fait des misères.
Je travaille trois heures chaque matin, ce qui me rapporte 585 euros brut (quand on parle d'un petit salaire, on ajoute toujours le mot brut, à cause des charges). Je rentre à la maison vers 9 heures. Si Nicole part un peu en retard, on a la chance de se croiser. Quand on y arrive, elle me dit : « Je suis en retard » et elle m'embrasse sur le nez avant de refermer la porte derrière elle.
L'autre lombric est un jeune type, Romain, un gars de Narbonne. Comme il avait connu un certain succès au club théâtre de son lycée, il a rêvé de devenir acteur et, juste après le bac, il est monté à Paris, mais n'a jamais trouvé le moindre cachet parce qu'il roule les r comme d'Artagnan. Comme Henri IV. Avec cet accent rocailleux, il me dit que : « Nous partîmes cinq cents mais par un prompt renfort… », ça fait marrer tout le monde. Il a pris des cours pour ça qui n'ont donné aucun résultat. Il a enchaîné les petits boulots lui permettant de se présenter à tous les castings où on ne voulait jamais de lui. Un jour, il a compris que son fantasme ne deviendrait jamais réalité. Romain, acteur de cinéma, c'était cuit
Et si on a des difficultés à rembourser, c'est très facile, on vous prête de nouveau, mais là, on rembourse trente fois ce qu'on a emprunté. Normal. Avec mon gendre, on a passé des soirées entières à s'étriper. Il représente à peu près tout ce que je déteste, c'est un vrai drame familial. Nicole n'en pense pas moins, mais elle est mieux éduquée que moi et comme elle travaille, elle ne passe pas toutes ses heures à ruminer. Moi, une soirée avec mon gendre, c'est trois jours de fureur solitaire. Je refais la conversation de la veille comme d'autres refont le match.