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4,12

sur 4268 notes

Quand tu te rends à une table étoilée pour la troisième fois, tu peux être tentée de chicaner, soupeser, couper les cheveux en quatre, bref comparer avec ce qu'on t'a servi la dernière fois. Ben là, même pas envie tellement la table est bonne chez Lemaitre ! Juste du plaisir à boulotter son histoire. C'est le genre de bouquin que t'emportes partout avec toi pour ne pas quitter les personnages, aux toilettes ( si si ), dans le métro ( même quand t'es grave collée contre la vitre dans un RER A bondé en pleine grève ) yes, tu dégaines, à chaque minute profitable.

Pierre Lemaitre aime tellement ses personnages, qu'à la Balzac, il va piocher dans Au revoir là-haut le personnage secondaire de Louise Belmont, la fillette de dix ans qui s'était entichée d'Edouard Péricourt, la gueule cassée qui logeait chez sa mère impasse Pers dans le 18ème. Dans l'épilogue de ce premier opus, il était dit qu'elle n'eut pas de destin remarquable jusqu'à ce qu'on la retrouve en 1940. Elle a désormais 30 ans, institutrice et serveuse dans un troquet, et se voit offrir sur un plateau une scène d'ouverture absolument spectaculaire, qui fixe dans l'imagination du lecteur une empreinte puissante.

Gabriel, le prof de mathématiques un peu falot devenu sergent-chef; son comparse caporal Raoul, l'attachant combinard sans scrupule ; la courageuse Louise qui court derrière ses secrets de famille ; Jules, le patron au coeur énorme de Louise, et surtout l'irrésistible Désiré, usurpateur génial au charisme fou qui revêt multiples identités au cours de l'épopée … tous formidablement campés, tous en mouvement dans cette France du printemps 1940 qui passe en quelques jours de la Drôle de guerre à la panique de la débâcle face à l'armée allemande.

Tout le talent de conteur de Lemaitre s'exprime dans son art de tresser plusieurs arcs narratifs avec une vivacité remarquable, dans un rythme bondissant qui nous transporte de la ligne Maginot aux routes de l'Exode. Il sait injecter de la densité émotionnelle au bon moment tout en créant du suspense qui pousse à lire. C'est vraiment un des rares auteurs français qui maitrise à ce point ce sens du romanesque échevelé avec ces morceaux de bravoure comme la sabotage du pont de Tréguière.

Sa façon de brosser un tableau de cette période historique est également réjouissante. Il s'empare d'événements réels complètement incongrus ou méconnus ( l'exode pénitentiaire de la prison parisienne du Cherche-Midi vers le camp de Gurs ou encore la destruction de billets d'une valeur de milliards de francs par la banque de France pour éviter que les Allemands ne s'en emparent ) et il s'amuse à en inventer des nouveaux complètement véridiques comme justement le sabotage du pont de Tréguière ou la vie dans le fort du Mayenberg. L'illusion est parfaite ! Sa description de l'Exode et ses Français qui fuient sur les routes l'avancée allemande est très réussie, on a l'impression, d'être avec eux.

Et puis, comme toujours, on rit ! Peut-être un peu plus que dans les précédents tomes, dès que le personnage de Désiré apparaît. Mais on rit intelligemment car derrière la farce, pointe une réflexion sur la désinformation mise en oeuvre par le ministère de l'Information dans cette période d'hystérie et de panique tout schuss. C'est lors d'un cataclysme que l'on sait ce qu'on est, ce qu'on vaut, que l'ont doit être le meilleur et montrer à la hauteur des qualités humaines qu'on prétend avoir. Et là, la façon dont réagissent les personnages principaux ne laissent aucun doute au final et on ne les aime qu'encore plus.

Je me suis régalée et sans doute, le plaisir aurait été total avec la présence d'un truculent « méchant » pour contrecarrer le destin de nos personnages. Ce destin, on devine assez vite ( un peu trop ) vers dans quelle direction il va aller, il y a peut-être moins de rebondissements sur le final comme dans ses autres romans.

Une fresque réjouissante, savoureuse qui peut se lire indépendamment d'Au revoir là-haut et Couleurs de l'incendie mais ce serait vraiment dommage de ne lire que celui-là … Pierre Lemaitre est sans conteste un de nos plus grands écrivains !
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Quelle saga ! Pierre Lemaitre, avec Au revoir là-haut (Prix Goncourt 2013), Couleurs de l'incendie et, cette année, Miroir de nos peines, a brossé un extraordinaire panorama de l'entre-deux guerres mondiales. Cette période est finalement assez peu explorée et c'est avec plaisir et passion que je me suis plongé dans ce troisième volume.
Pierre Lemaitre mène habilement les destinées, les entrecroise, maintient un suspense qui me pousse à tourner les pages pour savoir, pour retrouver Louise, Gabriel, Raoul, Fernand, Alice, M. Jules et ce fameux Désiré, un mystificateur hors pair.
Si le roman débute le 6 juin 1940, il faut de temps à autre replonger dans le passé pour expliquer, pour révéler des secrets trop lourds à porter et trop longtemps cachés.
Alors que les bruits de bottes menacent l'Europe, Louise, une institutrice âgée de trente ans, qui donne un coup de main à M. Jules pour le service, dans son restaurant-café, reçoit une proposition surprenante de la part d'un client, le vieux docteur Thirion. Il lui demande de bien vouloir se mettre nue devant lui, dans une chambre d'hôtel, et promet de payer cher pour cela, tout en s'en tenant là. Louise hésite longtemps puis accepte.
Et c'est le premier coup de théâtre du roman qui démarre donc sur les chapeaux de roues. Au passage, je retrouve les noms des fameux auteurs des faux monuments aux morts, héros de Au revoir là-haut : Édouard Péricourt et Albert Maillard. le film, inspiré de ce roman, était superbe.
Au même moment, alors que la guerre menace, Raoul Landrade et Gabriel sont soldats affectés dans un fort de la fameuse ligne Maginot qui devait bloquer l'accès de notre pays à l'ennemi. Ce ne sont pas les meilleurs amis, c'est le moins que je puisse dire…
Entre alors en scène le fameux Désiré. Il est instituteur, aviateur, avocat puis on le retrouve au ministère de l'information et enfin curé, toujours avec un aplomb et un culot formidables.
Entre les histoires d'amour, les secrets de famille, les mystères, les cachotteries, les révélations, le principal intérêt de Miroir de nos peines, c'est de plonger son lecteur dans le terrible exode des populations devant l'avancée inexorable de l'armée nazie : « Un immense cortège funèbre, pensa Louise, devenu l'accablant miroir de nos peines et de nos défaites. » Pierre Lemaitre a beaucoup de talent pour inclure toute une réalité un peu trop vite oubliée dans sa fiction toujours bien racontée.
Dans cette fuite devant l'ennemi, se trouve aussi l'exode pénitentiaire. Près de deux mille personnes détenues sont parties de Paris le 12 juin 1940 et Pierre Lemaitre conte tout cela, démontrant toute l'absurdité d'une situation devenue incontrôlable. La mort venue du ciel par les avions allemands bombardant et mitraillant les civils sur les routes, s'abattait aussi sur les prisonniers malades ou blessés, exécutés froidement par leurs compatriotes.
Miroir de nos peines est une formidable fresque historique au travers de destinées familiales
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Passionnant roman, ce Miroir de nos peines nous emmène du 6 avril au 13 juin 1940, en quatre couloirs narratifs, sur les pas de Louise, institutrice aussi coureuse que courageuse, Raoul, gaulois téméraire, débrouillard et insoumis, Fernand, garde mobile, chiffonnier à ses heures et Désiré, génial acteur polymorphe.

Pierre Lemaitre est toujours aussi talentueux pour mettre en scène des héros attachants et les projeter dans des épisodes décrits avec un art cinématographique qui les rend inoubliables.

Il sait parfaitement conjuguer la tragédie et la comédie et son scénario présente, hélas, bien des points d'analogie avec l'actualité ... j'imagine fort bien Alexandre Benalla incarner Raoul et Benjamin Griveaux jouer Désiré au ministère de l'information ;-)

Jusqu'à la page 534, j'ai cru avoir le premier chef d'oeuvre de l'année entre les mains. Mais j'ai déchanté en page 535 en découvrant une bibliographie « comme il se doit » misogyne dans laquelle notre auteur oublie, par exemple, Valerie Tong-Cuong et son mémorable « par amour » et surtout omet « suite française ».

Comment peut on évoquer l'exode sans penser à Irène Némirovsky qui a écrit les plus belles pages sur ces tragiques semaines du printemps 1940 avant d'entrer dans l'éternité en août 1942 à Auschwitz ?

Comme Pascal décidément , « Je ne crois que les témoins qui sont prêts à se faire égorger » et je cours relire « suite française ».
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Lu passionnément en deux jours, voilà encore une réussite avec ce dernier volet de la trilogie des" Enfants du désastre "! Merci, Pierre, de me l'avoir trouvé dès le matin de sa parution, la libraire était en train de le mettre en rayon!

" Couleurs de l'incendie" nous présentait l'époque trouble de l'entre deux-guerres. L'auteur a choisi ici la seconde guerre mondiale, mais sur une période très précise, et courte, d'avril à juin 1940. Le lien, très ténu, avec les personnages précédents, est Louise, jeune femme qui a connu et aimé , enfant, Édouard Péricourt , la gueule cassée du premier tome, frère de Madeleine.

Je ne voudrais surtout pas gâcher le plaisir des futurs lecteurs, ce serait dommage. Je vous dirai seulement que j'ai intensément vibré en lisant cette histoire, picaresque, poignante, intimiste, universelle, eh oui, tout cela à la fois! Que les personnages ont éveillé en moi toute une gamme variée de sentiments, d'émotions: empathie,compassion, dégoût, admiration, curiosité...

Ce début de guerre incertain, où bien vite, les allemands progressent en France, puis l'exode qui s'en suit, étaient pour l'auteur un terreau d'imagination fructueux, même s'il s'appuie aussi sur des faits véridiques.

Pierre Lemaitre a l'art de faire vivre pour nous des êtres de papier aussi vrais que nature, Louise, Fernand, Jules, Raoul, Gabriel et tant d'autres. Et je vous laisse découvrir mon préféré, Désiré, l'homme-caméléon, vous verrez pourquoi je le surnomme ainsi...

Quant à l'épilogue, il est savoureux...

Alors, je n'ajouterai que quelques mots pour conclure: lisez ce livre, il vous transportera ! Miroir de nos peines, oui, mais aussi miroir de notre ravissement de lecteur!
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La "drôle de guerre" a débouché sur une vraie guerre qui n'était pas drôle du tout.
Elle a commencé à  se lézarder en avril - mai 40 et , en juin , elle a pris fin dans la débâcle que l'on sait. 

Une vraie déculottée. 

Une fois la Belgique envahie, les troupes allemandes ont percé les défenses françaises par la Picardie et par les Ardennes,  contourné et pris à revers la ligne Maginot, réputée imprenable sauf  à la cosaque, il faut croire! le temps de permettre aux Anglais de s'embarquer en catastrophe à  Dunkerque et de se replier vite fait sur le bastion britannique, c'était plié. 

En quelques jours, les armées françaises se sont trouvées débandées, essorées, dispersées facon puzzle. On a tous en tête les images de ces convois de civils pathétiques, avec matelas sur le toit des voitures en panne d'essence, méticuleusement mitraillés  par la Luftwaffe , comme au tir au pigeon.

On a lu ça,  vu ça,  entendu ça.  Les Miroirs de nos peines n'ont pas manqué.  Les deux plus marquants restent, pour moi,  les premières images du film de Rene Clément, Jeux interdits et  toutes les pages,  terribles et cruelles, d'Irène Némirovsky dans Une suite française.

Alors il fallait avoir la pêche phénoménale et l'insolence joyeuse de Pierre Lemaitre pour  tirer de ces quelques mois de panique et de déconfiture  peu glorieuse une épopée alerte, presque allègre,  où rien ne se prend ni au sérieux, ni au tragique,  où les personnages sont tous éminemment sympathiques- il y a bien un  garde mobile   très-vilain-pas-beau mais on le découvre pas si fin salaud que ça, finalement, il y a aussi  un voleur du bien public qui utilisera son larcin à  de nobles ...faims  et aussi un horrible magouilleur qui s'avère être un sacré débrouillard,  dans la déroute. D'ailleurs, son enfance massacrée fait qu'on lui donnerait le bon Dieu sans confession.

Surtout quand le bon dieu et la confession sont administrés par le père Désiré,   un ecclésiastique  charismatique à la charité survoltée et au latin...byzantin!

Bref, ce Miroir de nos peines porte bien mal son nom car il a le talent de nous mettre en joie, et celui de nous tenir en haleine. Je défie quiconque de lire ce bon gros livre de près  de 500 pages en plus d'une semaine: on le dévore sans modération!

Pierre Lemaitre sait pourtant mêler humour et sens du tragique : Cadres noirs que j'ai adoré me serre encore le coeur.  Et, plus près de ce dernier livre, le premier de la trilogie, Au revoir là haut,  ne manque pas de moments graves, de notes amères,  voire tristes.

Rien de cela ici.

 La déroute imprime au récit sa débandade  parfois cocasse et son rythme de  fugue.  On est littéralement emporté,  et on se cramponne  plus encore qu'on ne s'identifie aux personnages si chaleureux,  si humains pour ne pas être emporté avec elle!   Je soupçonne l'auteur de s'y être attaché autant que nous, à ses personnages,  et de s'être échiné à les sauver tous du danger ou de l'opprobre, par amitié pour eux , par empathie. On n'allait pas quand même se quitter sur une note noire!

Même l'arrivée des sinistres  vainqueurs à la messe du père Désiré est une scène  pleine d'audace, de brio et d'insolence,  proprement réjouissante,  alors qu'elle devrait augurer de  cinq années de haine, de persécution et de malheur.

C'est aussi cette subversion du tragique de l'Histoire et d'une de ses pages les moins glorieuses, les plus lamentables, qui fait du livre une étonnante réussite ! 

Je recommande chaudement ce Miroir de nos peines  qui reussit si bien à  les alléger, les distraire et les transformer en épopée joyeuse! 
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Après Au revoir là-haut, Prix Goncourt 2013 et Couleurs de l'incendie, Miroir de nos peines vient clôturer la trilogie dans laquelle Pierre Lemaitre nous a conté avec talent cette période de l'entre-deux-guerres, la toile de fond de ce troisième opus étant l'exode de juin 1940, à l'heure de la débâcle.
Le roman débute le 6 avril 1940, six mois après la mobilisation générale.
Comme dans les deux premiers romans, ça démarre fort, avec un suicide.
Louise Belmont, dont la mère louait un local à Edouard Péricourt et Albert Maillard, est devenue institutrice et sert occasionnellement au café-restaurant la Petite Bohème. dont M. Jules est le propriétaire et cuisinier. Un vieil habitué, le docteur Thirion va lui faire une drôle de proposition qui bouleversera la vie de Louise et la jettera sur les routes de l'exode à la recherche de son frère.
Nous partons ensuite sur la ligne Maginot, sur le fort Mayenberg, le plus important ouvrage de cette ligne où Gabriel, stressé et perturbé par le risque d'une attaque chimique, est affecté. Il a sous ses ordres Raoul Landrade, "la plaque tournante de tous les magouillages... La vie était pour lui un vivier inépuisable de combines et de fricotages". Ils vont être appelés en renfort dans les Ardennes.
Et puis il y a l'extraordinaire Désiré que nous allons retrouver, selon les circonstances, sous des identités différentes.
Se joindront à ces personnages Alice et Fernand, un couple très attaché qui devra se séparer quelque temps. Chacun accomplira des exploits à sa manière.
Le roman s'achève le 13 juin 1940, mais Pierre Lemaitre dans l'épilogue, pour ne pas nous laisser sur notre faim, résume ce que sont devenus ses personnages.
Au départ donc, c'est une France avec des habitants vivant encore relativement paisiblement, les troupes allemandes n'ayant pas encore franchi les frontières françaises qui nous est présentée. Sur la ligne Maginot, on attend aussi, on angoisse parfois à vivre dans cet espace plus que confiné, même si certains, comme à chaque fois savent s'adapter très vite et tirer profit de la situation. Mais lorsque les hommes sont appelés en renfort dans les Ardennes, la situation tourne rapidement au tragique, car il leur est impossible de faire face à l'attaque de cette écrasante armée allemande et ils devront alors battre en retraite.
Pierre Lemaitre nous offre une description saisissante de cette humiliante retraite où les soldats se retrouveront ensuite mêlés à la population dans ce terrifiant exode. le pouvoir politique est complètement dépassé et l'épisode réel de "l'exode pénitentiaire" en est un des exemples.
Hallucinante, cette période de l'exode où femmes, enfants, vieillards sont jetés sur les routes pour fuir l'envahisseur et se trouvent à la merci des bombardiers allemands qui n'hésitent pas à lâcher leurs bombes sur cette population civile. Que de morts, de souffrances et que de gâchis !
La force de Pierre Lemaitre est de nous faire découvrir cette période de la grande Histoire grâce à une imagination débridée en créant des personnages très attachants, parfois un peu ou beaucoup foldingues comme ce Désiré qui trouve d'autant mieux sa place que la période est exceptionnellement troublée et lui ouvre des possibilités nouvelles... Il est tour à tour faux avocat, faux médecin, faux instituteur, faux chirurgien, faux préposé à la censure, à la propagande, faux aviateur pour finir faux curé ! Un curé déjanté, un curé qui décoiffe, un curé qui nous plonge dans une grande hilarité au milieu d'une situation plus que noire et tragique. On en redemande et on a envie de sauter des pages pour le retrouver plus vite !
Tous ces protagonistes, fuyant Paris, après de multiples péripéties, et cela on le pressent assez rapidement, convergent vers un même lieu.
Si le roman est très rocambolesque, il n'en est pas moins très politique et très pertinent.
Un film est déjà dans le livre tant l'écriture s'y prête, un livre qui m'a toutefois un tantinet moins plu que les précédents.

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Dernier opus de la trilogie consacrée aux douloureuses périodes de la première moitié du 20è siècle, Miroir de nos peines se déroule sur la courte période qui fit entrer la France dans le conflit mondial, juste après la « drôle de guerre ».

Comme dans les deux précédents tomes, le récit s'ouvre sur un épisode assez fort et déroutant. Les personnages sont à peine présent que l'un deux se suicide dans des circonstances intrigantes, devant Louise, la petite fille qui dessinait des masques pour Edouard, la gueule cassée d'Au-revoir là-haut, et qui est devenue une jolie jeune femme, institutrice et serveuse de restaurant à ses heures perdues. Mais au-delà du choc qui résulte de la violence de la scène, les révélations qui suivront modifieront le cours de son destin.

Comme l'auteur aime à le faire, d'autres personnages entrent en scène, pour lesquels on se languira de faire le lien avec Louise.

Raoul, la petite frappe, bonimenteur et escroc à la petite semaine, exerce ses talents sur la ligne Maginot, juste avant que l'assaut des allemands devienne une réalité qui confirme les doutes sur précarité de cette frontière tactique sensée être infranchissable. La suite des événements le conduira en prison puis sur les routes avec les millions de migrants de l'exode.

Désiré, l'homme caméléon, qui revêt au gré des opportunités mille costumes, et adopte le ramage assorti au plumage. Ce personnage allège le propos tant ses outrances qu'il gère à merveille sont réjouissantes.


On se doute que les destins se rejoindront sans tarder, c'est le piment qui ajoute au plaisir de parcourir cette version romancée de ces débuts de la seconde guerre mondiale.

Seul regret, trilogie veut dire que nous n'aurons pas le bonheur de continuer à contempler l'histoire de notre pays, sous le prisme littéraire de Pierre Lemaitre. Dommage.


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Avril 1940, plus de six mois après la mobilisation. Louise, jeune institutrice de 30 ans, est aussi serveuse à La Petite Bohème, rendant ainsi service à M. Jules depuis quelques années. Parmi les clients, le docteur Thirion, fidèle depuis vingt ans. Aussi, lorsque celui-ci lui propose de la payer pour la voir nue, Louise est on ne peut plus surprise. Et lorsque, dans cette chambre d'hôtel où le rendez-vous fut pris, il se tire une balle dans la tête, c'est le choc pour la jeune femme. Pourquoi avoir fait cela devant elle ? Sonnée mais déterminée, Louise va tenter d'en comprendre les raisons...
Au front, le caporal-chef Raoul Landrade, dont les tours de passe-passe et manigances en tous genres agacent le sergent-chef Gabriel, va se retrouver, bien malgré lui, à fuir avec ce dernier...
Quant à Désiré Migault, usurpateur de son état, le voilà qui endosse, après celui de médecin, instituteur ou pilote d'avion, le costume d'agent au Ministère de l'Information...

Avec "Miroir de nos peines", qui débute pendant la drôle de guerre et se termine avec l'exode, Pierre Lemaitre clôt sa trilogie "Les enfants du désastre". L'on retrouve Louise, rencontrée dans le premier volet, qui, suite au décès de sa mère et au suicide du docteur Thirion, va déterrer un sombre secret de famille qu'elle va vouloir éclaircir. Autour d'elle, des personnages hauts en couleur : le débrouillard Landrade, l'attachant M. Jules ou encore le désopilant Désiré. Des personnages qui, l'on s'en doute, vont immanquablement se croiser. Au coeur d'une période historique passionnante, l'auteur tisse une fresque romanesque réjouissante et délectable. Moins truculent, moins machiavélique, moins surprenant que les deux premiers tomes, celui-ci n'en demeure pas moins réjouissant tant par son contexte et ses péripéties que par sa plume ciselée.
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Fin de la trilogie de l'entre-deux-guerres. Appréciation entre deux chaises, ce qui, entre nous, n'est jamais très confortable.
Pourtant, Pierre Lemaitre porte bien son nom tant on se sent esclave de ses romans. Un maître qui ne torture ni ses sujets, ni son sujet. Pas de coup de martinet, le lecteur est trop douillet, pas de paragraphes à rallonge qui égarent l'attention, juste un écrivain qui excelle dans l'action, héritier des auteurs de feuilletons populaires du 19 ème siècle.
De mon côté, le troisième tome des Enfants du désastre disposait depuis deux ans d'une place réservée dans le carré VIP de ma bibliothèque, pourtant bondée comme un RER aux heures de pointe.
Le premier contact avec l'objet tant attendu, après pas mal d'impatience car je n'ai pas osé resquiller la file de clients de ma librairie, ligne Maginot de la bienséance, me déçoit un peu. Je trouve le titre, Miroir de nos peines, un peu meringué. Pourquoi pas Reflet de nos ombres, Eclats de tristesse ou Larmichettes dans le rétroviseur tant qu'on y est ?
Peu importe, je ne m'arrête pas à la couverture, j'aime bien regarder ce qui se passe sous les draps chiffonnés de l'histoire.
Trait d'union du premier roman, Louise est une institutrice qui assure aussi le service dans un troquet parisien. Un vieil habitué propose de la payer 10 000 francs pour la voir nue. Cet épisode va la conduire à partir à la recherche de son passé.
Elle ne va pas être seule sur la route. En ce printemps 40, pour les bouchons, c'est pire que le chassé-croisé du 15 août. Elle se mêle à la transhumance d'une population désorientée sur les routes pour fuir l'invasion de l'armée allemande. A l'époque, ni bison futé, ni Info trafic, juste de la propagande où excelle Désiré, un génial usurpateur d'identité, caméléon mythomane.
Le roman suit aussi deux militaires peu désireux de léguer leurs corps à la mitraille, Gabriel et Raoul, clones moins réussis des héros d'"Au revoir là-haut". le vieux problème des copies de copies.
Si j'ai été charmé de faire la connaissance de ces personnages, conquis par la reconstitution de l'exode et par la verve rocambolesque de l'auteur, mon enthousiasme s'est effiloché au fil des coïncidences alambiquées qui conduisent les héros à se retrouver un peu par miracle malgré le désordre ambiant. Nous dirons que le destin est un merveilleux GPS…
Reste cette capacité indéniable à imprimer certaines scènes mémorables dans la mémoire de ses lecteurs (Ici la destruction d'un pont ou l'exode pénitentiaire). Pierre Lemaitre est plus tatoueur qu'auteur.
Finalement, le meilleur titre pour clore cette trilogie et ces retrouvailles, n'aurait-il pas été, écho d'"Au revoir là-haut", "A bientôt, ici-bas" ?

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Euh… une trilogie c'est bien trois volets non ?
Non ?
Pas quatre ?...
Zêtes sûrs ?
Bon ben alors bouh… je pleure.
Car ainsi s'achève donc pour de vrai "Les enfants du désastre", le réjouissant triptyque amorcé en 2013 avec "Au revoir là-haut", suivi par "Couleurs de l'incendie" en 2018.

Avec ce bien nommé "Miroir de nos peines", Pierre Lemaitre conclut en fanfare son cycle de l'entre-deux-guerres.

Nouvelle époque, nouveau saut temporel, voici une immersion dans la France des années quarante et de la débâcle.

Le rythme du récit s'appuie sur des destins croisés, chronique ironique de trajectoires multiples qui nous offre à nouveau des personnages inoubliables, attachants ou hauts en couleurs, ainsi que quelques réminiscences des tomes précédents, tels des lapins sortis du chapeau d'un auteur facétieux.

Pas d'erreur, on est toujours chez Lemaitre, où scènes rocambolesques, faux hasards ou menus rebondissements se succèdent avec intelligence, habités par l'évidence de ce trait juste et imagé, à la fois désinvolte et précis, qui fait invariablement mon bonheur depuis ma découverte de cet auteur.

De bout en bout, je me suis régalée.

(Sauf que maintenant, bouh… je pleure...)


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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