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4,08

sur 245 notes
Ce livre est un cri : cri d'amour pour le peuple Inuit, mais aussi cri de colère pour ce que les "Blancs" soit-disant civilisés leur ont fait, et enfin cri d'alarme pour cette jeunesse amérindienne qui n'a pas toujours envie de vivre... en tout cas la vie qui leur est proposée.

Et c'est un cri magnifique ! La narratrice travaille à Montréal et "monte" passer dans le Grand Nord les mois de juillet et août ; de la vie d'Éva, son amie, à laquelle elle s'adresse pendant la première partie du livre, de la vie de la petite ville de Salluit, elle ne connaît que l'été, l'été Arctique, sans nuit et sans sommeil. Et quand elle arrive, elle ne sait pas qui elle va retrouver de l'année précedente, ils n'arrêtent pas de mourir les Inuits...

" Votre maison ne vous appartient pas. Votre terrain non plus. Tout ça vous est gracieusement prêté par le gouvernement. N'est-ce pas qu'on est fins ? (En québecois, fin veut dire gentil) On vous pique votre territoire, mais on vous le prête après..." (p 27)

Les difficultés à se comprendre - la langue d'Agaguk pleine de q, de k et de j - est si difficile ! Mais il y a aussi les vous autres les Inuit ou les vous autres les Blancs qui peuvent faire mal, une humanité différente parce que les conditions de vie sont différentes depuis si longtemps ! Et pourtant, elle vient chaque année celle qui raconte, elle vient parce qu'elle aime "les enfants, les gens, la langue, les chiens, le paysage, le soleil de minuit..."

Pourquoi tant de violence, d'alcool, de malbouffe, de bébés concus par des parents trop jeunes ? Ce sont les questions que ce livre nous pose et les réponses proposées ne font pas honneur aux occupants plus récents de ce très grand pays.
Et pourtant la beauté de cette immensité, des animaux, des êtres humains de ces régions, du ciel et du soleil, des aurores boréales : " Une beauté en forme de coup de poing dans le ventre, il y a juste la toundra qui fait ça, paysage complètement démesuré et bouleversant tout seul au bout du monde avec si peu de gens pour l'admirer." (p 43)

Un livre très fort, riche, remuant et émouvant qui nous fait comprendre la complexité de la vie actuelle des peuples autochtones du Grand Nord canadien.

Premières phrases : " La route est longue jusqu'à chez toi, Eva. Salluit, 62e parallèle, bien au-delà de la limite des arbres, Salluit roulé en boule au pied des montagnes, Salluit le fjord au creux des reins, et, seize kilomètres plus loin seulement, le grand détroit d'Hudson qui te conduira peut-être jusqu'à l'océan Arctique, qui sait. Il faut venir par les airs, comme les oies, nirliit, je refais inlassablement le chemin du sud au nord puis du nord au sud, chaque fois que l'été revient, chaque fois que l'été se termine."
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Chaque année, la même situation se répète. Les travailleurs blancs envahissent, le temps de la belle saison, Salluit, une ville située dans le Grand Nord du Québec. Parmi eux, il y a la narratrice, une femme de Montréal qui revient s'occuper des enfants autochtones.

Mais, cet été-là, son amie Eva n'est pas là pour l'accueillir et le poids de son absence l'accable. Les circonstances de sa mort restent floues. Accident? Violence conjugale? Une disparition parmi d'autres car celles-ci sont monnaie courante au sein de la population inuite.

Si la seconde partie du récit possède un fil conducteur avec l'histoire d'Elijah le fils d'Eva, la première partie est décousue. Ainsi, par le biais de courts textes fragmentés, Juliana Léveillé-Trudel évoque ce peuple et cette région pour lesquels elle ressent une affection profonde. Mais son regard érige également un constat bien sombre. Car, la vie est rude au Nunavik et la communauté inuite subit les répercussions de la colonisation.

On découvre un peuple qui noie ses souffrances dans l'alcool et qui est touché par un fort taux de suicides. La jeunesse est désoeuvrée et les corps sont usés prématurément. Mais c'est surtout le destin dramatique des femmes inuites qui m'a bouleversée entre viols et grossesses à répétition.

À aucun moment, la voix de la narratrice ne prend pas position. Une voix marquée par la colère, l'impuissance et la résignation. Un récit pour mettre en avant toute la complexité des rapports qui unissent la population autochtone aux blancs venus du Sud.

Avec lucidité, Juliana Léveillé-Trudel dresse, dans son premier roman, le portrait d'un peuple en pleine décrépitude et s'attarde avec un réalisme poignant sur le sort réservé aux femmes inuites dans le Grand Nord Canadien. Les mots poétiques de l'auteure forment également une vibrante déclaration d'amour à un territoire aux paysages majestueux. Un roman saisissant et envoûtant, qui laisse des traces.
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*Chronique de Scarlett*

le livre de Juliana Léveillé-Trudel « Nirlitt » nous amène à Salluit dans le grand nord canadien, au bout du monde dans un endroit de fjord, de froid, d'été arctique où les nuits ne sont jamais noires, dans un village d'une centaine de maisons à tout casser.

Dans ce village l'été on croise la narratrice qui revient chaque année à Salluit chez les Inuits pour s'occuper des enfants et qui cet été dans ce roman s'adresse à Eva son amie inuite disparue et à qui elle conte le manque qu'à laisser sa mort mais aussi sa vision du Nord, des locaux et des « envahisseurs » venus du sud Québec, ceux des grandes villes . Elle dit ses colères, ses émotions, les joies que lui procure cette région polaire à la fois fascinante, isolée et âpre.

Dans ce petit village on croise des visages très différents, d'Elijah le fils d'Eva amoureux de Maata si belle et si discrète Maata ,mère à 16 ans comme tant d'autres jeunes femmes inuites de son village et qui comme tant d'autres s'éprend d'un « blanc » du sud Félix venu pour une ou quelques saisons . Il y a aussi Lauren la Manitobaine qui gère le Northern store et s'agace parfois de la nonchalante indolence des natifs, Suzanne l'enseignante et tous ces êtres de passage comme Rémi le breton, Miguel le péruvien Victor du Cameroun qui passent comme des météorites.

Le roman est construit en deux parties, la première ou l'auteure laisse la narratrice nous parler de toutes et de tous à Salluit mais surtout d'Eva engloutie dans les profondeurs du fjord suite à un drame adultérin si commun dans ce lieu, Eva détentrice d'une identité culturelle en perdition. Dans la seconde phase du livre Eva laisse la place à son fils Elijah en quelques sortes ainsi qu'à son histoire, celle de son amour pour Maata qui aime Félix qui aime…

Ce roman nous parle de caribous, de toundra ,d'aurores boréales mais aussi des Inuits de leur identité qui se fracasse contre les codes des gens du sud, de leur beauté qui se fane vite avec les abus de froid , d'alcool de mépris, de l'assistanat financier de l'état qui les rend dépendants . On ressent tout le désespoir d'un destin écrit par avance, d'une fatalité sans issue « vous êtes là avec vos vies de tragédies grecques, vous feriez baver Shakespeare.. ».

Le livre de Juliana Léveillé-Trudel nous montre aussi un ballet incessant de ceux qui fuient le grand nord, de ceux qui y passent juste et laissent des souvenirs indélébiles, de ceux qui n'ont pas d'autre choix que d'y rester pour y vivre ou mourir. Ceux qui voudraient partir, ceux qui le font, ceux qui…et au milieu de tout cet enchevêtrement, des enfants, de beaux enfants comme Cecilia et tant d'autres.
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Dommage pour moi, je suis peut-être passée à coté de ce livre, l'écriture ne m'entraîne pas malgré un sujet intéressant.
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Nirliit,de Juliana Léveillé-Trudel – La Peuplade
Une jeune femme de Montréal fait tous les étés le voyage jusqu'à Salluit, comme les oies ; elle s'occupe des enfants Inuit, désoeuvrés pendant les vacances scolaires. Elle parle à Eva, son amie du Nord, dont le corps est dans l'eau du fjord. Elle raconte à Eva, toujours présente dans son coeur, la vie dans le village : l'entraide, le désoeuvrement des jeunes qui se réfugient dans l'alcool et les drogues, la présence des ouvriers du sud en quête de chair féminine parfois très fraîche… Elle lui parle aussi d'Elijah, son fils, car après elle, la vie continue…
Juliana Léveillé-Trudel raconte dans un style à la fois cru et poétique la vie actuelle des Inuits, dépossédés de leurs terres et de leurs modes de vie ancestraux. Souvent la narratrice crie sa colère, notamment lorsqu'il s'agit des jeunes filles à qui l'on vole leur corps dès leur plus jeune âge. Beaucoup de jeunes filles qui tombent enceintes n'élèvent pas leurs enfants, préférant les confier à d'autres villageois : « C'est si simple, pour vous, l'adoption (…) et je vous aime tellement d'aimer les enfants des autres comme les vôtres, si simplement. de toute façon, ils appartiennent à tout le village, les enfants ». La jeune femme oscille entre colère et tendresse, et sait très bien décrire l'amour qu'elle a pour les habitants du village.
Car ce roman est un véritable cri d'amour pour les Inuits, et le cri désespéré d'une femme blanche hantée par la culpabilité des actes commis par les blancs envers ce peuple Premier. Eva l'amie disparue est le symbole d'un peuple qui se meurt, sans bruit.

« Je me sens coupable de mon pays riche, de ma famille unie, de mon éducation, j'ai besoin d'éteindre des feux et de sauver des enfants, j'ai besoin de courir d'une bande de laissés-pour-compte à une autre, j'ai besoin sinon je pourrais m'asseoir et pleurer ou lancer des bombes ».
« Et je meurs de ne pas suffire à la tâche, je ne pourrais jamais dormir, la terre entière est remplie de connards qui ne pensent qu'à se remplir les poches, comment on fait pour rattraper toutes leurs conneries ? »

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Sur les rives de la baie d'Ungawa nu nord du Québec, la narratrice revient à Salluit un village du nord du Québec comme chaque été s'occuper des enfants. Mais cette année elle ne retrouve pas son amie Eva assassinée dont le fjord a englouti le corps.

En s'adressant à son amie, elle dit tout son amour pour cette région, son attachement à cette nature et à ses habitants. La narratrice ne peut que se demander en voyant les enfants dont elle s'occupe ce qu'ils deviendront dans quelques années. Parce qu'il y a les fléaux modernes, les violence faites aux femmes et la fin de l'innocence qui arrive souvent bien trop vite chez les enfants. Bien sur, elle n'est pas la seule blanche à venir mais son amour pour cette région est sincère.
Avec ce cri du coeur pour le Grand Nord, l'auteure évoque les décisions (économiques et politiques) et décrit l'importation d'une culture qui a modifié le mode de vie des Inuits. Son propre désarroi et ses questionnements se font sentir et c'est poignant. Un portrait réaliste où la beauté, la dureté et une sorte de résignation se mêlent sans rendre ce livre plombant.

De l'attachement viscéral de la narratrice aux constats âpres qui pointent du doigt les contradictions, j'ai frôlé de peu le coup de coeur ( oui!) tant j'ai été remuée par cette écriture et par le contenu ( j'ai juste trouvé que la deuxième partie consacrée au fils d'Eva était moins puissante). Sans fard ni pathos mais avec une justesse qui touche le coeur et l'âme, il s'agit d'une lecture très forte qui laisse des traces durables.

Lien : https://claraetlesmots.blogs..
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Merci à Babelio et aux éditions La peuplade pour l'envoi de ce premier roman qui me tentait depuis un moment.

Chaque été, la narratrice vole du sud vers le nord, à Salluit plus exactement, pour s'occuper des enfants en tant que missionnaire. Mais cet été à une saveur bien différente : son amie Eva est decedee dans des circonstances mystérieuses. Son corps plongé dans les fjords n'a jamais été retrouvé. C'est assez fréquent d'ailleurs, les gens disparaissent, réapparaissent, ne reviennent plus... Elle partage donc à son amie, à travers des mots qui tranchent et une langue poignante, ce qu'elle vit durant ces quelques mois. Les enfants ne sont les enfants de personne, ou bien veux de tout un village, l'alcool les attrape très jeune, ces enfants font eux-mêmes des enfants, le taux de suicide est alarmant. La narratrice se prend beaucoup d'affection pour eux. L'occasion également de parler des différences entre les inuits et les blancs qui passent de temps en temps dans ces villages, pour parfois les bouleverser plus qu'ils ne l'imaginent.

Dans la seconde partie, elle présente la vie non moins compliquée d'Elijah le fils d'Eva.

Ce premier roman sonne comme un cri de dénonciation. Dénoncer des conditions de vie précaires et dangereuses, dénoncer grand nombre d'injustices, dénoncer ce manque d'espoir de pouvoir vivre des jours meilleurs pour ce peuple qui s'enlise dans les problèmes.

La langue de cette jeune autrice est singulière, marquante, parfois brutale. le sujet lui tient à coeur et ce roman porte son message haut et fort.

Il n'y a pas réellement de fil conducteur dans ce roman, le lecteur se laisse envahir par ce flot de sentiments très forts qui le submergent dès les premières lignes. C'est la découverte d'un peuple, de portraits, de destins.

Un texte fort qui se lit avec grande curiosité et d'amour pour la langue. Mais qui me laisse sur une note mitigée du à ce côté un peu décousu.

À découvrir sans aucun doute pour sa singularité.
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Infini Beauté et violente tristesse se mêlent pour nous offrir un livre inoubliable.

Le sujet est âpre. A travers l'hommage rendu à son amie inuit, morte victime d'un patriarcat par trop commun, la narratrice nous parle de la condition atroce des femmes dans le grand nord. Elle qui, comme les oies (Nirliit) revient chaque été dans ce décor de neige et de glace, nous raconte crûment le sort de ces femmes, jeunes filles, enfants qui subissent la loi des hommes.

Une écriture toute en nuance et en délicatesse pour parler du peuple Inuit gangrené par la misère, l'alcool et la drogue, armes de choix des gouvernements canadien successif.

Mais ce n'est pas un portrait monochrome que nous offre l'auteur. le beau et le laid se croisent à chaque page de ce livre intense où la douceur de l'amitié, de l'amour se mêlent à la dureté de la vie et à la violence.

C'est sombre, lumineux, poétique et terrible. Un roman brut servit par une écriture simple et délicate, direct et crue.

Juliana Léveillé-Trudel, qui s'inspire de son vécu, impose toute la tendresse qu'elle à pour les Inuits, sans en cacher la noirceur et les drames.

C'est un roman puissant qui remue les tripes et marque le coeur.

Sorti en 2015 au Canada, il arrive pour cette rentrée littéraire 2018 en France.

L'un de mes coup de coeur.
Lien : https://bonnesfeuillesetmauv..
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Gros coup de coeur pour un sublime roman, Nirliit de Juliana Léveillé-Trudel publié en 2015.
 Quelle beauté de texte, quel souffle de tristesse, de douleur, quel cri du coeur, autant d'émotions qui se dégagent de ce roman. Un livre à la beauté froide, glaciale, dure pour un texte magnifiquement inoubliable, à l'écriture incisive, pleine d'ironie, on sent la rage intérieure qui l'anime.
Des mots vrais et justes qui dépeignent un peuple en pleine souffrance, une culture meurtrie par l'alcool, la violence. Une jeunesse qui trouve l'espoir dans le suicide. Elle évoque les nuits interminables, montre avec effroi le problème de ces filles mères, de ces enfants à l'abandon.  Les sentiments des uns et des autres s'entrecroisent. Un florilège sentimental sur les désamours humains, les portraits de femmes, faibles et fortes, battantes et perdues,. C'est un roman vibrant, poignant, bouleversant.
Récit d'une femme qui va 2 mois par an dans le village de Salluit, dans le Nord-du-Québec. contrée froide et nordique où les conditions de vie sociales sont rudes, funestes.  La narratrice dans ce roman adresse une déclaration d' « amour sororale » à Eva, son amie Inuite dont le corps a été jeté dans les eaux du détroit d'Hudson et qui n'a jamais été retrouvé. Un témoignage de douleur, de peine et de colère. Ce roman est aussi une lettre d' «amour» aux habitants de Nunavik , à cette terre éloignée de tout et de tous.

Un très beau premier roman avec un mélange de poésie et d'anthropologie, un voyage sur une autre terre, une écriture vibrante , un livre à lire absolument
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"Nirliit"est un cri. Un cri d'impuissance, de frustration, de détresse. Un cri d'amour aussi... surtout un cri d'amour.

Ce cri est poussé par la narratrice, une québécoise de Montréal qui chaque été se rend à Salluit, ultime bourgade sur la route qui monte vers le Nord -seuls certains migrateurs poussent au-delà- pour s'y occuper des enfants de la communauté Inuit qui peuple le village. Un village qui n'a rien de bucolique, et ce non pas tant en raison du froid qui rend les lieux hostiles et la vie impitoyable la majeure partie de l'année, que du marasme économique et social qui plombe le quotidien de ses habitants.

Créant un sentiment d'urgence désespérée en s'adressant avec une intensité incantatoire à son amie Eva, dont on apprend d'emblée que le corps gît au fond de l'eau glaciale d'un fjord, elle dresse le sordide et triste tableau de ces laissés-pour-compte pour lesquels elle éprouve un irrémédiable attachement.

C'est pourtant un bel endroit que ce lieu du bout du monde où la rivière Hudson se jette dans l'océan... à condition d'occulter l'autre rivière, celle que constituent les déchets de la décharge municipale. D'oublier la banalité des violences conjugales, la récurrence des désordres publics, des actes de vandalisme et des fusillades. D'ignorer le niveau effarant qu'atteignent les taux de criminalité ou d'alcoolisme, le nombre de viols ou de suicides. de fermer les yeux sur ces enfants livrés à eux-mêmes, élevés aux chips et au Pepsi, que la drogue et les tragédies font vieillir prématurément.

Qu'est-il arrivé à ce peuple pour qu'il en arrive à cette impasse, et à se conformer à l'image méprisante et indigne qu'ont de lui ces "autres", comme il les désigne, ces gens du sud qui vilipendent sa paresse et sa propension à l'assistanat, à la délinquance et à l'ébriété ?

Dépossédé de ses territoires, de son mode de vie, de ses coutumes, il est condamné à survivre de la charité hypocrite et arrogante d'un état qui a depuis longtemps oublié ces autochtones des terres reculées, destination de quelques missionnaires blancs porteurs de la bonne bonne parole -"ayez une vie saine, soyez écolos, contrôlez vos naissances, et stérilisez vos chiens"- sans réaliser le monde qui les sépare, d'aventuriers marginaux qui font des enfants à de jeunes femmes naïves avant de repartir, ou d'ouvriers en mission sur les chantiers, qui abusent de filles parfois même pas pubères dont ils achèvent de tuer l'enfance. Alors, il imite certains comportements du monde moderne et occidental dont on l'exclue, s'adonne à la consommation de superflu, de tape à l'oeil -quad, motoneiges, bateaux...- bercé par l'illusion de posséder un semblant de richesse, pour oublier ce qu'il a perdu, coincé entre le délitement de son héritage et la vacuité d'un présent de misère médiocre et sans perspective d'avenir.

C'est sans doute pour tout cela que chaque fulgurance d'espoir, chaque acte de courage pour s'extirper de ce cloaque, chaque manifestation de douceur, acquiert ici un caractère douloureusement et fragilement lumineux. Atteinte d'un amour désespéré pour ces démunis qu'elle voudrait sauver, mais consciente de ne colmater que quelques brèches qui pour la plupart se rouvriront après son départ, la narratrice est sans complaisance envers elle-même qui, à l'instar des autres blancs, les abandonne avant l'arrivée de chaque hiver, ne faisant de sa mission qu'une parenthèse, une aventure de sa vie privilégiée.

Sa harangue lucide, vibrante et éperdue est suivie dans une seconde partie du récit de la relation compliquée unissant Elijah, fils d'Eva, à Maata, exprimée dans une langue moins intense, qui après l'étourdissante et éprouvante sarabande d'images et de personnages de ce qui précède, réintègre le lecteur dans une sorte de mélancolique apaisement.

C'est à la fois très beau et très fort, un gros de coeur !
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