AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,24

sur 397 notes
5
25 avis
4
14 avis
3
1 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
On avait quitté Primo Levi dans l'horreur finale de l'univers concentrationnaire : agglutiné avec de nombreux autres malades dans un baraquement ouvert à tous les vents, Levi avait vu les SS détaler devant l'avancée soviétique, laissant là ces hères squelettiques à la merci de l'hiver. Ainsi prenait fin, sans cérémonie ni happy end, une année dans un camp de la mort. D'ailleurs, hormis la présence allemande, rien n'avait vraiment pris fin : les prisonniers vivaient toujours dans des conditions sanitaires atroces, ils avaient toujours froid et faim, ils mourraient toujours, même si la maladie assumait seule cette charge, délaissée par l'oeuvre inhumaine des chambres à gaz et des fours crématoires. le titre, La trêve, évoque d'ailleurs très bien cette notion temporaire de l'arrêt des hostilités. Les Allemands reviendront-ils ? Quelle sera la conduite des Russes à l'égard des prisonniers hagards ? Dans ce matin de janvier 1945, alors que les prisonniers du camp de Buna voient les premiers êtres humains depuis un an (des soldats soviétiques), le jour est aussi brumeux que l'avenir.

La trêve narre cette période incertaine du retour souhaité et finalement accordé en Italie. La guerre est finie (d'ailleurs, elle ne se termine qu'en mai) mais la paix du foyer n'est pas encore retrouvée. Les compagnons de Primo Levi ne sont plus des prisonniers, mais ils ne sont pas encore des hommes libres. Ils vont où les porte la nécessite et où leur enjoint d'aller le commandement soviétique. La trêve, c'est le retour à l'humanité : retour au foyer, à la famille, au pays, retour aussi à l'humanité profonde de ces hommes qui réapprennent à vivre, eux qui survivaient comme des bêtes. L'expérience concentrationnaire fut avant tout celle de la déshumanisation. A moins d'être comme ce Grec, Mordo Nahum, et de considérer que cette expérience ne fut que la preuve la plus tristement éclatante de l'horreur de l'humanité, cette expérience bouleverse et transforme, si elle ne tue pas. Au retour en Italie, Primo Levi évoque cette peur qu'il ressent de devoir à nouveau vivre, travailler, aimer, comme si rien ne s'était passé. Faire comme avant, pester contre les mille désagréments que peut offrir la vie, aimer et fonder un foyer, est-ce encore possible ?

La trêve, c'est aussi neuf mois de voyage. A pied, en train, parfois même dans une charrette tractée par un cheval. La trêve, ce sont les paysages de Pologne (Cracovie, Katowice), d'Ukraine, de Biélorussie, de Roumanie, de Hongrie, d'Autriche, même d'Allemagne, et enfin d'Italie : les plaines infinies d'Ukraine, les marais du Pripet, les villes dévastées (Katowice, Vienne, Munich), les villages perdus et sans noms, les camps de fortune dressés par les Soviétiques pour accueillir ces populations en transit, et ces trains, bénis et maudits, sans toit pour protéger de la pluie, cédant la priorité aux marchandises et aux militaires, se traînant avec lenteur sur les voies ayant survécu aux passages des armées.

Primo Levi reprend, pour La trêve, le même principe narratif qu'il avait adopté dans Si c'est un homme. Il s'agit d'une description minutieuse de tout ce qui a fondé, durant ces neuf mois, la vie quotidienne de ces Italiens, Grecs, Français, Hollandais, même Allemands ou Américains. Seulement ici pointe comme une note de nostalgie ; la période ne fut point heureuse (Primo Levi ne l'écrit pas) mais elle fut une parenthèse temporelle, unique dans la vie d'un homme. Primo Levi a appris, durant tous ces mois, sur une humanité instinctive, généreuse parfois, encore roublarde, cynique, détestable même (l'inique Rovi). La route de Primo Levi croise celle de personnages qu'on croirait fictionnels : le Grec (qui, par sa prestance et sa prétendue omniscience, rappelle Alexis Zorba), Cesare, Leonardo, et tant d'autres, depuis les infirmières russes et polonaises en passant par les militaires soviétiques, au comportement lunatique, et par les adolescents perdus, les femmes roumaines qui ne veulent plus quitter leur pays, et le petit Hurbinek, enfant sans parents ni paroles, mort à 3 ans dans le camp qui l'avait vu naître.

La progression vers l'humanité n'est toutefois pas linéaire. Tout comme le voyage, elle s'interrompt parfois ou paraît régresser. Ainsi la nourriture est-elle distribuée parfois avec abondance, parfois avec parcimonie. La débrouille fait alors le reste : achat aux paysans, troc, vol ou arnaque (ainsi l'anneau de laiton vendu pour de l'or à des paysans ukrainiens). Tout manque, mais tout se trouve, à condition d'agir : plus qu'ailleurs, la société de ces ex-prisonniers des camps trouve à chacun une place bien définie : tel est docteur, tel autre pharmacien ou infirmier (ainsi Primo Levi), tel autre cuisinier ou commerçant. Malgré ce retour aux occupations humaines, il n'en reste pas moins que l'expérience de guerre demeure traumatisante. Celle-ci n'est pourtant pas évoquée en tant que telle, probablement parce que ni Primo Levi, ni ses compagnons d'infortune, n'eurent l'occasion de le faire : les Russes se montrèrent trop inconstants tandis que les Allemands et les Autrichiens semblèrent abasourdis par la défaite et choqués par les destructions de leurs villes. Ainsi le traumatisme devait-il rester en mémoire, à vie : tout comme le numéro tatoué sur l'avant-bras, comme pour dire que la guerre, ainsi que le disait Mordo Nahum, n'est jamais finie : elle est éternelle.
Commenter  J’apprécie          120
qu'oserais-je dire après cette lecture?
Commenter  J’apprécie          10
Le récit de Primo Levi débute fin janvier 1945 : Auschwitz vient d'être libéré par l'Armée Russe. 800 personnes survivantes les premiers jours puis seulement une centaine les jours suivants. L'armée russe organise le déplacement des rescapés vers un camp en attendant la fin de la guerre. En mai 1945, avec la capitulation de l'Allemagne, Primo Levi et ses compagnons pensent qu'ils ne tarderont plus à être rapatriés en Italie. On suit Primo dans sa redécouverte de la vie tout d'abord en compagnie d'un grec qui le prend sous son aile quelques temps, puis dans un camp (camp avec des barbelés et où il faut en théorie un laisser-passer mais où tout le monde sait où est l'issue avec des barbelés coupés).

Étrangement les rescapés sont envoyés vers l'est et ne regagneront l'Italie et la Roumanie qu'en octobre 1945 après de longs mois d'errance, en compagnie de soldats de l'Armée Rouge, victorieuse mais très désorganisée.

Pas s'apitoiement dans ce récit, juste la volonté de raconter ce qui s'est passé après la libération des camps : la difficile réadaptation, la solidarité entre anciens déportés, l'espoir d'un retour proche, les difficultés à se nourrir dans une Europe en ruine, le regard de la population sur leur maigreur et leurs habits de bagnards …

Après avoir survécu au pire, Primo Levi et ses compagnons connaissent une vie certes très difficile mais qu'ils savent rendre pleine d'humour grâce à leur débrouillardise.

Un livre qui sait rester sobre avec à la fois une langue acérée et pleine d'humour.
Commenter  J’apprécie          30
Je poursuis ma découverte de l'oeuvre de Primo Levi avec
« La Trêve ».
Tous ses livres me touchent au coeur.
Les Allemands en fuite ont récupéré tous les hommes valides et abandonné à leur triste sort malades et mourants.
Arrivent les Russes, leurs libérateurs.
Et là commence un feuilleton "abracadabrantesque"
( dixit Jacques Chirac ).
Les Russes ne leur veulent pas de mal, mais semblent assez indifférents à leur sort.
Leur périple les ballotte d'un endroit à l'autre, sans aucune logique, personne ne leur explique quoi que ce soit.
Ils subissent, encore, et cela pendant 35 longs jours.
Parfois, bien logés, bien nourris, parfois, livrés à eux-même et au système D pour survivre.
C'est le chaos total, la guerre a fait beaucoup de dégâts sur les infrastructures ; ponts, rails, routes etc.
Je suis stupéfaite que l'auteur, après un an dans les camps de concentration, ayant contracté différentes maladies non identifiées et, surtout, non soignées, en soit sorti vivant.
Il a pour lui, une grande faculté d'adaptation, une grande résistance physique et psychique.
J'éprouve pour lui, le narrateur, et ses compagnons d'infortune, une grande admiration.
Commenter  J’apprécie          212
C'est un ami passionné par Primo Levi qui m'a offert ce livre. Il m'avait déjà conseillé au préalable, un autre de ses ouvrages les plus connus, Si c'est un homme. Je l'avais débuté mais je l'avais laissé inachevé.

En 1943, Primo Levi est arrêté par la milice fasciste pour des faits de résistance, dans le Val d'Aoste. Reconnu Juif italien, il sera détenu au camp de Fossoli, près de Modène avant d'être déporté au camp d'Auschwitz, en Pologne, à partir de février 1944, puis à Monowitz, un camp auxiliaire du premier. Son livre, Si c'est un homme rapporte les évènements liés à sa détention jusqu'à sa libération du camp par les Russes, en janvier 1945. La Trêve est donc la suite et raconte les longues pérégrinations de Primo Levi, à travers l'Europe avant son retour, à Turin, seulement en octobre 1945.

Avoir lu la Trêve après Si c'est un Homme n'est donc pas très logique car les faits se déroulent chronologiquement après. Cela ne m'a, néanmoins, pas gêné outre mesure car j'avais déjà lu des témoignages sur les conditions de détention dans des camps de concentration. En revanche, je ne connaissais strictement rien sur les conditions de retour des survivants.

Primo Levi a écrit La Trêve des années après son retour, en 1961-1962. Il possède donc une certaine distance par rapport aux évènements qui se sont déroulés, dix-sept ans plus tôt. Mais, je dois dire que j'ai adoré son style d'écriture d'une grande finesse : sa plume est constamment teintée d'humour et d'ironie. Il a le don de croquer ses compagnons de route en les rendant tantôt attachants, tantôt détestables mais toujours aussi profondément humains.

Le témoignage de l'auteur est également très émouvant : en tant que lectrice, je n'ai pu m'empêcher de ressentir de l'empathie pour le narrateur, au travers des épreuves qu'il a dû surmonter pour enfin retourner en Italie. Mais, je dois bien avouer que le récit de Primo Levi m'a aussi fait sourire de nombreuses fois car l'auteur n'hésite pas non plus à s'accorder la part belle. En effet, s'il apparaît honnête et intègre au regard de ses camarades, ces derniers peu scrupuleux mais débrouillards, sont beaucoup plus versés dans les combines de vol ou d'escroquerie pour survivre. Je pense ainsi au Grec, Mordo Nahum ou son compatriote Cesare.

En conclusion, La Trêve de Primo Levi est un récit aussi poignant que teinté d'humour. Il est intéressant dans le sens où peu de témoignage sur cette période ne relate les difficiles conditions de retour des survivants dans leur pays d'origine. La plupart s'achève avec la libération des camps comme son ouvrage précédent, Si c'est un homme. Ayant adoré le style d'écriture de l'auteur, je n'hésiterai donc plus à me tourner vers son récit le plus fameux.

Découvrez une chronique plus complète sur mon blog
Lien : https://labibliothequedaelin..
Commenter  J’apprécie          220
Ce livre est le récit du retour de Primo Levi chez lui, après la libération par les Soviétiques du camp d'Auschwitz, où il avait été déporté pendant un an.
Il lui faudra encore 9 mois pour regagner Turin et la Trêve relate cet étonnant voyage à travers notamment la Pologne, l'Ukraine, la Roumanie, la Hongrie, l'Autriche et l'Allemagne, les convois empruntés n'ayant pas toujours suivi les chemins les plus directs, soumis aux desiderata des Russes.
Ce qui frappe, c'est l'aspect picaresque du récit. Aux premières pages, très dures, puisque beaucoup de gens sont morts même après la libération du camp, certains succombant à la maladie, d'autres à l'épuisement, succèdent des scènes hautes en couleur décrivant les lieux, les personnes rencontrées dans les camps de transit ou les compagnons d'infortune.
Ce voyage a encore été très éprouvant, Primo Levi et ses compagnons de route étant très démunis, faibles et soumis à des conditions matérielles et de vie très précaires, mais cependant le récit est éclairé par le courage, l'astuce, la solidarité, la résilience des protagonistes qui, malgré les contraintes du voyage, goûtent à la liberté retrouvée.
Je n'ai pas lu Si c'est un homme, et je ne sais pas si je le lirai un jour, mais j'ai été heureuse de découvrir cet auteur extrêmement talentueux et attachant.
Commenter  J’apprécie          52
La suite de "si c'est un homme", qui décrit le long périple de PL pour rejoindre son pays après sa libération. C'est surtout l'occasion de dépeindre les nombreux personnages rencontrés lors de ce parcours. Rédigé quinze ans après le premier, le ton en est bien différent, moins dramatique, mais pourtant plus pessimiste, voire désespéré par moments. L'absurde est omniprésent tout au long du récit. Qu'il est difficile de trouver un sens à la vie après avoir vécu Auschwitz !
Commenter  J’apprécie          40
Ce livre m'a été offert par une amie, j'en ai longtemps différé la lecture par réticence au thème, mais j'ai été absolument transportée par le style et par le côté récit picaresque. J'ai adoré ce livre, alors que je n'ai pas encore lu Si c'est un homme, toujours par réticence... Les horreurs mentionnées au début du récit sont rendues supportable par la qualité de la narration, l'absence totale de "pathos" et l'humour du narrateur. C'est un récit plein de force et de vitalité, une belle leçon de vie.
Un autre aspect intéressant et peu abordé en histoire ou en littérature est le rôle de Russes dans la seconde guerre mondiale et la libération des camps. En tant que russophile, je me suis délectée à la description des particularités de ce peuple et de ce pays fascinant.
Commenter  J’apprécie          00
Un témoignage qu'on ne peut oublier. "une épopée fascinante, picaresque, incroyablement drôle, où la mort, quoique tapie à chaque coin de page, cède la lumière à la vie revenue, une vie qui semble se venger, par sa violence à renaître. Comme dans une jungle." Poin-Poin.com
Commenter  J’apprécie          00
Lu en V.O.
Le récit commence avec l'arrivée des Russes au camp de Buna-Monowitz. Quatre jeunes soldats à cheval,observent ahuris et incrédules,du haut d'un col,le 27 janvier 1945,Levi et un autre survivant qui transportent dans la fosse commune le corps d'un de leurs compagnons, mort dans la nuit.
L'histoire se poursuit avec l'évocation des évènements survenus après l'arrivée des Russes : arrivent les premiers ravitaillements,les premiers secours. Les prisonniers encore en vie,les malades,les moribonds ,sont transférés au Grand Camp d'Auschwitz où l'auteur,à peine arrivé ,tombe malade. Là,il aura l'occasion de connaître beaucoup de personnes.
Lorsqu'il est rétabli, il abandonne le camp, s'ajoute au nombre de ceux qui sont en état de'affronter le voyage de retour vers leurs pays respectifs.
C'est alors que débute l'exténuante odyssée qui le conduira ,pendant presque une année,à travers l'Europe Orientale,le faisant participer à des aventures absurdes, rendant le rapatriement hypothétique,tel un mirage,
Un voyage terrible,avec des épisodes de cauchemar,dans une Europe dévastée ,un paysage défait qui présente partout les signes de la récente catastrophe;
Les dernières pages sont tristes. le périple inconcevable prend fin ,mais le futur demeure inconnu.
L'offense subie est inguérissable,ineffaçable ;
Le thème de cet ouvrage en est l'indignation jaillie non tant des effets de l'atrocité accomplie par d'autres que des suites,des conséquences qui amènent ceux qui les ont subies à éprouver un sentiment de honte.
Les rescapés,de retour chez eux, continuent à être tourmentés par les horribles souvenirs.
Au fait:pourquoi le titre de "la trève" ?D'après un contemporain italien, c'est ce qu'à pensé Primo Levi au moment où le train entre en Italie. C'est le retour entendu comme travail intérieur ,la lutte contre les souvenirs,la recherche de soi-même,de l'intégrité de la personne foulée aux pieds et profondément avilie.
C'est aussi ce moment suspendu entre l'une et l'autre configuration de l'esprit,le moment de la "normalité intime".
Commenter  J’apprécie          60




Lecteurs (1186) Voir plus



Quiz Voir plus

Si c'est un homme

Quelle est la forme ce texte ?

C'est un roman.
C'est un recueil de nouvelles.
C'est un récit autobiographique.

10 questions
1317 lecteurs ont répondu
Thème : Si c'est un homme de Primo LeviCréer un quiz sur ce livre

{* *}