Arrêtez-moi là !

Un peu d'isolement suffit à faire sombrer les critères en matière de contacts humains.

Quand il s'agit de toucher de l'argent, nous avons tous de grands avocats. La crème de la crème de la profession se dévoue pour nous aider à encaisser les indemnités que l'on verse aux victimes d'erreurs judiciaires.
Mais si nous avions rencontré ces grands avocats un peu plus tôt, il n'y aurait pas eu d'erreur judiciaire.

Quel monde merveilleux ce serait si seulement les ignorants étaient un peu moins sûrs d'eux.

Tout dans le monde s'incarne sous deux formes, l'une pour les riches et l'autre pour le reste d'entre nous. Prenez n'importe quel mot, les riches en ont la meilleure version. Aujourd'hui, le mot pour moi est "loi".

Ce mardi-là je vais à l'aéroport en fin d'apres-midi.Juste après six heures,quand ceux qui voyagent pour affaires ont l'habitude de rentrer. Il y a d'ordinaire une longue file de taxis à la station ,tous les chauffeurs le savent,et s'il y a plus de taxis que de clients vous pouvez attendre là pendant des heures pour rien.C'est pour ça qu'en général je laisse tomber l'aéroport et la gare et que je ne vais plus à la gare routière depuis des années (si ces gens-là avaient de l'argent pour un taxi ils n'auraient pas pris le car),mais ce soir ,je me sens en veine.

Elle opine de la tête .Je continue de regarder ses jolis yeux ses longs cheveux roux et bouclés ramenés derrière une oreille.On dirait qu'elle est d'accord et je vois la peinture métallisée sur les pieds de la chaise banale sur laquelle elle est assise.Sur le beau tapis berbère du bar du Plaza je vois le revêtement en lino d'un parloir de prison .Je vois que l'uniforme du barman ressemble horriblement à un uniforme de gardien.Et le lustre à un néon au plafond.
Je vois que je suis toujours en prison.

j'ouvre la porte et jette un coup d'oeil dans le couloir. J'ai encore du mal à me faire à l'idée que les portes peuvent s'ouvrir à volonté. Ca durera peut-être toute ma vie, qui sait ?
Décidément non, je ne serai jamais plus le même.

Je suis dans le couloir de la mort parce que c'est l'endroit le plus sûr où me mettre. Il parait que les kidnappeurs tendent à rencontrer des difficultés avec la population carcérale ordinaire, on a donc trouvé un moyen de me protéger en me donnant ma cellule personnelle dans le couloir de la mort.

Le premier juré, la jolie brune au regard dur, contemple le tatoué dans un état de fascination langoureuse. Elle a l'expression d'une groupie à son premier concert de rock. Je l'imagine femme au foyer avec un mari vraisemblablement faible et incapable, et la dureté de son regard vient de ce qu'elle prend tout en charge. Je doute que ce soit le rôle qu'elle souhaitait. Elle en a probablement marre et rêve d'un homme comme ce témoin : une brute épaisse qui ne la laisserait jamais décider de rien.

Je sors devant l'hôtel et un taxi s'arrête sans même que je le hèle; un chasseur en uniforme m'ouvre la portière avant que je tende la main vers la poignée. Je le remercie d'un signe mais il attend comme une statue que je monte pour refermer la portière, comme si je n'étais pas capable de le faire moi-même. Je me demande s'il aime son boulot. Ce doit être difficile d'éprouver de la satisfaction à faire quelque chose que toute personne valide peut faire elle-même. Mais c'est peut-être là l'astuce. Les gens sont peut-être censés penser que si un hôtel peut se permettre de payer quelqu'un pour un service dont personne n'a vraiment besoin ce doit être un endroit sensationnel où loger. Le seul autre endroit où on n'ouvre jamais les portes soi-même c'est la prison.