Citations sur Le Mystère de la Main rouge (87)
-Avez-vous déjà vu marins plus fourbes et plus lâches que ceux-là ? Y a-t-il quelque honneur à tirer sur un homme désarmé ? Non ! Mais ce serait méconnaître les bontés de la Providence que de croire qu'elle ne vous amène point à dessein sur ma route ! Oui, messieurs ! Car, dans un instant, nous nous emparerons de ce bateau de malheur, ainsi que de tout ce qu'i contient, et c'est sûrement un beau chargement que nous partagerons ensemble, assis sur le crâne de nos ennemis ! Quoi ? Il est plus grand que nous ? Et alors ? La joie n'en sera que plus forte quand nous l'aurons amariné ! Car, foi de Bénache, il n'est pas né, l'homme qui mettra en déroute le capitaine Récif, et qui privera son équipage d'un joli butin !
Et il vous a paru être un homme capable de commanditer l'assassinat d'une dame ? Le relança Gabriel.
- Foutre ! Voilà un travers dont les signes extérieurs me sont tout à fait inconnus, répondit Mercier. À quoi reconnaît-on ces hommes, dites-moi ? Nez crochu ? Poils sur les pieds ?
- A leur absence totale de dignité, monsieur !
- Jeune homme, ne vous faites pas plus idiot que vous ne l'êtes déjà, ce doit être un exercice éprouvant. Un criminel qui réussit, c'est un criminel qui sait se faire passer pour irréprochable.
Les deux malandrins qui montaient à pas de chat vers la chambre de Mlle Terwagne étaient de ces hommes que l’on n’appelait point encore tueurs à gages, mais bateurs à loyer, en ce qu’ils se chargeaient, moyennant finances, d’abattre proprement leur prochain pour un commanditaire. La profession, avec le temps, avait perdu beaucoup de sa noblesse, et l’on y voyait désormais si peu d’honneur qu’elle échouait aux plus viles crapules. Depuis la fermeture de la cour des Miracles, certains vendaient leur précieux savoir-faire à la porte arrière des estaminets les plus malfamés des faubourgs, faisant de la mort leur marché. Le tarif variait en fonction de la victime désirée (et donc de la peine encourue), allant d’une dizaine à quelques centaines de livres, selon qu’il s’agissait d’un homme, d’une femme, d’un roturier, d’un bourgeois, de gens de robe ou d’épée.
C'était, en somme, un homme aussi complexe que le sont tous les hommes, pour peu qu'on les observe de près...
Les hommes ne naissent pas mauvais : c'est un long apprentissage.
A celui qui rapporterait la tête de Théroigne de Méricourt, on promettait désormais quatre cent cinquante livres, ce que la Liégeoise eût pu aisément prendre pour éloge, s'il ne s'en était allé justement, de la tête qui se nichait sous son chapeau à plume et à laquelle elle tenait encore un peu.
N'écoutant que sa rage et son coeur [...].
- Oh, la seule chose que je refuse de voir m’échapper, Madame, c’est votre jeunesse.
- La jeunesse, Monsieur, vous a échappé depuis fort longtemps. Elle a du fuir avec votre intelligence.
- Pff. Méchante femme !
Ce n’était pas, à vrai dire, la Corse dont Lorette se souvenait, elle qui avait grandi dans les montagnes, mais déjà cette terre vibrait en harmonie avec le chant silencieux de son âme.
— Vous parlez de liberté, vous dénoncez l'injustice, mais celle-là vous est devenu si naturelle que vous ne la voyez même plus ! se lamenta mademoiselle Terwagne. Depuis des siècles, on prête à la femme le caractère de la mollesse, on assimile sa nature à une faiblesse congénitale, on la dit sujette aux vapeurs et à la folie ! Fichtre ! Son appareil et même le berceau de l'hystérie, qui tire son étymologie de notre diabolique utérus... L'Histoire a fait de nos différences anatomiques le motif d'une prétendue inégalité moral et intellectuelle, et cela depuis si longtemps que vous n'en percevez même plus l'odieuse iniquité ! En la faisant passer de l'autorité paternelle à l'autorité maritale, en l'écartant avec mépris de la chose publique et en lui refusant l'accès au plus hautes études, on a fait de la femme une éternelle enfant. Pour chacun de ses choix, elle doit avoir obtenu le consentement d'un père ou d'un mari. Voyez plutôt : les femmes qui, aujourd'hui, ont la liberté, ou le courage, devrais-je dire, d'élever la voix pour réclamer cette égalité sont comme Olympe de Gouges ou comme moi, des veuves ou des célibataires. La seule chose qui soit inférieur, chez la femme, messieurs, ce n'est pas la nature qu'on lui prête, c'est la chance qu'on lui donne !