Lomig raconte cet homme qui a osé. Oser transformer un vieux rêve en réalité, oser partir à l'aventure, oser quitter le confort d'une vie réglée par un travail « comme il faut ». Plus qu'une simple biographie, Lomig nous convie à un voyage à travers les États-Unis et à une réflexion sur les rêves et le quotidien, ce que l'on souhaiterait et ce que l'on fait du temps qui nous est alloué. La liberté de Muir, fuyant les contraintes d'une vie réglée et les pressions de la société, est inspirante (alors que je ne me considère déjà pas comme étant écrasée par la charge mentale du quotidien et les injonctions du quotidien).
Bien entendu, c'est également un ouvrage qui questionne la place de l'humain dans la nature. Maître ou fragment, ces pérégrinations dans une nature encore sauvage résonne fortement avec les préoccupations écologiques actuelles.
D'ailleurs, l'auteur a sélectionné ce qui lui semblait faire sens dans les écrits de Muir, en sélectionnant une période restreinte de sa vie pour porter ce regard admiratif et respectueux sur le monde, d'où l'occultation de certaines facettes et notamment un « langage désobligeant, qui est regrettablement coutumier à cette époque » sur les Amérindiens, évoqué par
Mike Wurtz, auteur de la postface.
Bien que
John Muir recherche « les grandes solitudes » autant que possible, ses errances sont marquées par des rencontres qui tracent un rapide tableau de l'après-Guerre de Sécession. La pauvreté des esclaves fraîchement affranchis, la résignation de certains travailleurs, la méfiance née des violences de la guerre, la colère ou la générosité. Certains visages amicaux ou inquiétants, certains entendent sa démarche, d'autres ne voient dans les immensités que des sources de revenus.
Ce sont également pour Muir des opportunités de constater les impacts des activités humaines sur les paysages, que ce soit la déforestation ou les transhumances de grands troupeaux, et d'une prise de conscience sur la fragilité des écosystèmes.
Ce roman graphique a le bon goût de ne pas transformer les expéditions du botaniste en une aventure épique ou haletante. Ce qui rend le voyage extraordinaire, c'est surtout le regard émerveillé de Muir.
Pour ne rien gâcher, l'ouvrage est superbe et, plus d'une fois, j'ai savouré la beauté des crayonnés de Lomig. Les grandes pages subliment les paysages tandis que son trait précis souligne l'expressivité des visages, l'élégance des oiseaux, la luxuriance des plantes…
Un très beau titre – plus contemplatif qu'aventureux – et un hommage aux beautés de la flore et de la faune sauvage.
Je n'avais jamais été attirée par l'adaptation de Lomig du roman de
Jean Hegland,
Dans la forêt, tant j'avais été conquise par ce dernier, mais je vais peut-être y jeter un oeil à l'occasion…
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