Quelle belle et forte proposition de Lomig. Via une superbe uchronie, l'auteur nous force à regarder notre propre civilisation, son goulot d'étranglement envers les plus démunis, ses limites de fonctionnement et les abus qui guettent une société aux comportements moutonniers. Cela appelle autant à se méfier de notre futur, que cela ne nous rappelle un triste passé. Les passerelles historiques sont prenantes, le ton léger, la fluidité au rendez-vous. Bigrement efficace !
Ça m'a tantôt ramené au film "Brazil" de
Terry Gilliam, à l'épisode "L'homme obsolète" de
Rod Serling (la Quatrième Dimension), au livre "
1984" de
George Orwell, au long métrage "Moi, Daniel Blake" de
Ken Loach, à "Soleil vert" de Richard Fleischer ou encore l'album conceptuel "Le petit peuple du bitume" de Daran. Que du bon !
Avec intelligence et subtilité, Lomig met en relief toutes ces phrases-bateaux que l'on entend ci ou là, les phrases négatives de monsieur Tout-le-monde, ces habitudes de langage qui ne répondent à aucune réflexion de fond, mais participent à l'idéologie politicienne et populiste qui met en opposition les classes et catégories sociales, qui créent la morosité ambiante : "on n'a presque rien pour vivre (p. 25)", "C'est tout de même nous qui payons les impôts (p. 77)", "l'assistanat est un cancer (p. 19)", "On est complètement envahis (p. 17)", "on s'occupe de régler le problème à la racine (p. 17)", "toujours les mêmes qui nous foutent la merde partout (p. 25)", etc. Cette proximité avec notre monde prend un dur écho et incite à la remise en question de nos sociétés.
Le salut est ailleurs que dans le travail, fuyons les carcans, jetons les choses établies, collons-nous à la nature, à la poésie et aux arts, respirons par nous-même, voilà bien la morale qu'il semble nous souffler. Un auteur à suivre, qui entre directement dans mon cercle étroit de chouchous de la BD !