Martin Eden

L'amour habite les hauts sommets, bien au-dessus des froides vallées de la raison et celui qui cueille cette fleur rare ne peut plus descendre parmi les humains tant qu'elle n'est pas fanée.

Ce tableau le touchait, le bouleversait ; son coeur y répondait par ma sympathie et la tendresse. Il avait été, toute sa vie durant, tenaillé par une faim d'amour ; sa nature avait un impérieux besoin d'amour ; c'était une exigence organique de son être. Pourtant, il avait dû s'en passer, et la privation l'avait endurci. Il ignorait que l'amour lui était nécessaire, il l'ignorait même à cet instant. Mais il voyait maintenant l'amour mis en oeuvre, et il en était violemment ému et trouvait cela très beau, noble, magnifique.

Se sentant alors parvenu au plus haut degré de la sensibilité, il décidait que c'était l'amour et que l'amour était le chose la plus précieuse du monde.

Il lui sembla qu’il tombait dans un escalier monumental, sans fin. Et tout en bas des marches, c’était la chute dans les ténèbres. Cela, il le savait. Il avait coulé dans les ténèbres. Et à l’instant où il le sût, il cessa de le savoir.

La vie était pour lui comme la lumière blanche qui blesse les yeux fatigués d’un malade. A chaque instant de conscience, la vie brillait autour de lui d’un éclat trop vif qui, en le touchant, le blessait, le blessait intolérablement.

Il se leva et se planta devant son miroir.
- Tu t'es extirpé de cette fange, Martin Eden, dit-il avec solennité. Tu as baigné tes yeux dans une grande lumière et hissé tes épaules jusqu'aux étoiles, tu as laissé mourir la bête pour accomplir l'ultime dessein de la vie et gagner le nom d'homme.

e lendemain, le surlendemain, les jout Au Ne renouveler la bagarre quotidienne t o0 il se mettait en garde, ses bras lui fai- Aille continua, Frmare ent un mal affreux et les premiers coups donnés reçus lui arrachaient les entrailles ; puis la dou- comme un sourd etevant comme å travers un brouillard, la large ee les yeux flamboyants de Tête-de-Fromage. II cette du face : tout le reste n'était que e ourbillonnant. Rien n'existait plus pour lui que e face : il ne connaîtrait le repos, le divin repos, e lorsque ses poings sanglants auraient réduit en ailie cette face, ou lorsque les poings sanglants de ute l'auraient lui-même réduit en bouillie. Alors uement il se reposerait de toute façon. Mais aban- EVOyait que cette et r s'engourdissait et il tapait

Comme une trop forte lumière blanche blesse les yeux fatigués d'un malade, la vie consciente le blessait et il était aveuglé de son éclat. C'était une souffrance, une intolérable souffrance [p.473].

L'argent, pour lui, n'était plus que le moyen de satisfaire un désir momentané. Sans boussole, sans rames, sans port à l'horizon, il se laissait aller à la dérive, sans lutter davantage, puisque lutter c'est vivre et que vivre c'est souffrir" [p.406].

Il n'avait pas envie de réussir une chose parfaite, mais il y était forcé, en quelque sorte, par son sens artistique. Il travaillait comme en rêve, étrangement détaché de tout ce qui l'entourait, pareil à un fantôme qu'un enchantement retient sur les lieux de son existence antérieure. Un fantôme n'est que l'âme d'un mort qui ne sait pas encore qu'il est mort, lui avait-on dit un jour, et il se demandait s'il n'était pas mort, par hasard, sans s'en douter [p.400].