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En 1938 quand l'armée allemande franchit la frontière autrichienne et annexe le pays, avec des conséquences délétères pour les deux cent mille juifs autrichiens, l'Italie catholique est en phase avec l'antisémitisme virulent des nazis allemands. Les publications de nombreux intellectuels fascistes italiens attestent de ce fait, touchant jusqu'au pape Pie XII qui, à rebours de son prédécesseur Pie XI, ne tentera pas de tempérer les lois raciales de Mussolini.

« Ils furent nombreux, ceux qui signèrent des articles défendant toutes voiles déployées la valeur et la qualité de la « race italique » et dénonçant le danger que les juifs faisaient courir à toute cette pureté ».

Le baptême, basilique Saint-Pierre, de Rosetta Loy née en 1931 dans une famille bourgeoise romaine, précède une enfance privilégiée, insouciante et heureuse. Et si la petite fille découvre l'antisémitisme — avec son camarade de classe Giogio Levi, interdit d'ascenseur parce que juif, et sa voisine Madame Della Seta, cloîtrée chez elle — ce n'est qu'adulte que Rosseta en prend la véritable mesure, et fait le choix à l'âge mûr de dénoncer dans ce récit documenté les dérives terribles de son pays vis à vis des juifs.

Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Le livre de Rosetta Loy m'a réservé,  à le lire en V.O., plus d'une surprise...

D'abord son titre: en italien "La Parola Ebreo", Le  mot "hébreux" ,  qui, dans la version française devient "Madame Della Seta aussi est juive".

J'avais lu il y a longtemps la version française, et choisi quelques citations, en 2015, pour l'illustrer... je l'avais quelque peu oublié: je me suis donc dispensée d'une critique qui aurait été bien floue ...

Je me précipite donc,  il y a quelques jours, sur La Parola ebreo..- chic! Un Rosetta Loy inconnu! - ..et dès les premières pages, ...je tombe sur la fameuse phrase éponyme du titre français!

Pas grave, excellent exercice, me dis-je, je le relirai donc, et en vo, d'ailleurs le livre français, je ne l'ai plus, je l'ai rendu à  l'ami qui me l'a prêté. ..

Deuxième surprise: j'avais gardé le souvenir vague d'une sorte de Giardino dei Finzi
Contini, romain et catholique, et non ferrarais et juif...

Les souvenirs d'une enfance privilégiée à travers le prisme égoïste et confortable duquel s'entrevoyait, s'entrelisait, le sort tragique des juifs de Rome pris dans la tourmente...

Ce n'était pas tout à fait ça: le récit  -faussement-  innocent de la petite fille -très-riche qui a des Fraülein, des caméristes, des cuisinières, des maisons de " villeggiatura " un peu partout, qui passe de la via Flaminia à  Rome  à  Cortina, à  Rapallo, et autres lieux "molto chic" de la haute bourgeoisie italienne, est regardé sans complaisance par l'auteure adulte, qui souligne son ignorance de classe, , son inconsciente  cruauté,  sa superficialité puérile, en l'éclairant,  en contrepoint, par un essai historique parfois très général- les grandes dates du fascisme, de l'invasion allemande, etc..- mais aussi, et c'est le point le plus intéressant, par une recherche historique et critique très fouillée concernant la position du clergé romain et de la papauté à l'égard des italiens d'origine juive.

Elle met en lumière  l'attitude si différente des deux papes de la guerre, Pie XI et Pie XII,  la complicité quasiment avérée de ce dernier d'abord avec les fascistes, puis avec l'occupant allemand, et la mort plus que suspecte du premier à la veille d'une encyclique qui aurait changé à coup sûr le sort des juifs d'Italie...si elle n'avait mystérieusement disparu avec son auteur...pour ne refaire surface que 56 ans plus tard!

Deuxième surprise, donc, et non des moindres, voici un livre de souvenirs qui devient un précis d'histoire italienne des années 30 à la fin de la guerre!

 Troisième surprise , les souvenirs légers ne le sont pas*- Giorgio Levi et sa bicyclette, Madame Della Seta et son plat de bar, Emmanuele et sa veste en oreille de cochon,  le grand frère déguisé en fasciste en l'honneur du retour du père. .qui l'ignore ostensiblement et passe, glacial, à côté de son fils et de sa femme  sans leur jeter un regard- et toutes les recherches, opiniâtres , désolantes de l'auteure devenue adulte  pour retrouver la trace de tous ces voisins charmants disparus dans les crématoires d'Auschwitz , voilà qui plombe d'une singulière gravité la légèreté apparente!

Quatrième surprise  : je n'avais pas rendu à  mon vieil ami les deux volumes de Rosetta Loy lus depuis si longtemps.. .je viens de les retrouver dans une de mes bibliothèques!

Che vergogna!

* pour des éclaircissements supplémentaires de ces exemples , voir ma critique de la VO, La parola ebreo,
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Voilà une lecture qui a été pour le moins déconcertante !

Madame Della Seta aussi est juive est un ouvrage qui mêle récit et faits historiques d'une manière très inhabituelle. Ce livre est l'occasion pour la romancière de voir comment ont agit les catholiques, à l'échelle de la foule puis à l'échelle institutionnelle. Seulement, je m'attendais à ce que ce questionnement soit abordé par le prisme de la fiction, mais pas du tout ! A l'inverse, le récit est très factuel. Les soixante dix premières pages sont consacrées aux faits, aux dates.
Les apparitions des personnages sont très épisodiques et peu suivies, donc difficile de s'attacher aux personnages à la manière dont cela se fait avec des romans.
En cela le titre italien qui aurait été maladroit en français, "le mot 'juif'" donne davantage d'indices sur cet aspect réflexif davantage que romanesque.

Alors ce récit n'a rien d'inintéressant, bien au contraire puisque je ne connaissais pas grand chose à cet aspect de la Seconde Guerre mondiale en Italie. Cette lecture aura été donc instructive pour moi, mais je m'attendais à un roman et à être touchée différemment.
Cela m'a toutefois donné envie d'en découvrir davantage sur l'oeuvre de cette auteure.
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Dans ce livre Rosetta Loy évoque des souvenirs de son enfance et de son adolescence, pendant la montée du fascisme en Italie, puis pendant la guerre. Nous voyons les choses par ses yeux d'enfant, puis d'adolescente. Mais ce voyage dans les souvenirs a un but, un objet. Celui de faire revivre, et d'essayer de comprendre le destin des voisins, des amis, et au-delà de l'ensemble des Italiens qui à un moment donné ont été catalogués comme juifs dans leur pays. Une attention toute particulière est portée sur le rôle et les positions de l'Eglise, en particulier des papes, Pie XI et Pie XII. Rosetta Loy alterne donc les réminiscences, le retour vers le monde de son enfance, et aussi les faits, les chiffres, nous livre un pan de l'histoire de son pays, qu'elle est allée chercher, pour comprendre, pour donner sens à ce qu'elle a pu vivre, ce dont elle a été témoin sans forcément le saisir réellement à l'époque des événements.

Un livre étonnant entre le sensible et la pensée, entre le particulier et le général. Il résume d'une manière très claire ce qui s'est passé, les faits historiques, en mettant en parallèle quelques destinées individuelles, comme celui de la Madame Della Seta du titre. le livre donne à comprendre, mais aussi à ressentir. Intelligent et émouvant.
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En ce qui concerne le sujet de la seconde guerre mondiale, et plus particulièrement la dramatique machine mise en place dans toute l'Europe pour conduire à l'extermination d'une bonne partie de la population juive, j'ai beau empiler les lectures, j'ai toujours du mal à comprendre comment une telle ignominie a pu se produire. En achetant ce livre, parce que je voulais découvrir Rosetta Loy depuis longtemps, je pensais avoir affaire à un roman avant de m'apercevoir qu'il s'agit d'un récit mêlant souvenirs et investigation de la part de cette auteure qui tente elle aussi de comprendre l'incompréhensible. Elle qui avait huit ans, à Rome, lorsque la guerre a été déclarée. Elle qui est née sous Mussolini et dont l'enfance au sein d'une famille bourgeoise romaine ne lui a pas tout de suite permis de décrypter ce qu'il se passait autour d'elle, dans son immeuble ou dans sa rue. Alors elle enquête, recompose le contexte et examine ses souvenirs à l'aune des faits désormais connus. C'est captivant. C'est terrifiant.

J'ai rarement eu la nausée en lisant un livre et pourtant, j'ai souvent eu sous les yeux les descriptions de scènes à la limite du supportable. On sait de quoi les nazis et les fascistes étaient capables. Mais ici, il ne s'agit pas de scènes à grand spectacle ou de raconter l'horreur encore une fois. Non. Il s'agit du comportement de gens ordinaires, dans l'Italie fasciste. Et surtout, point central de ce livre, de l'attitude du Vatican et de l'Eglise catholique. Avec deux figures qui s'opposent, celles de Pie XI et de son successeur Pie XII. Rosetta Loy, à l'aide de recherches méthodiques dans les archives met à nue les hypocrisies, les contradictions, les connivences destinées à servir des ambitions politiques et des prises de pouvoir. Et se demande ce qui se serait passé sans le décès de Pie Xi qui avait chargé un trio de jésuites de lui préparer la matière à une encyclique sur le racisme et le nationalisme... que son successeur s'est dépêché d'enterrer. "Nul est en mesure de dire aujourd'hui de quelle manière ni jusqu'à quel point l'encyclique Humani Generis Unitas aurait pu changer le destin de millions de Juifs. Mais elle aurait sans doute posé à la conscience de près de cent millions de catholiques européens un problème qu'ils auraient eu beaucoup de mal à éluder".

La force du livre de Rosetta Loy c'est ce retour sur les souvenirs à hauteur d'enfant avec, en point de mire, la figure de Madame Della Seta, sa voisine, le goût des petits plats qu'elle cuisinait parfois pour eux. Et puis l'ombre de la famille Levi, les brimades dont elle n'avait pas pris conscience à l'époque en voyant son copain Giorgio Levi monter les escaliers son vélo sur l'épaule parce que la concierge de l'immeuble tenait à l'application stricte des règles : pas d'ascenseur pour les juifs. Ce n'est que plus tard qu'elle fera le lien. Alors ce qu'elle nous donne à voir avec ce livre c'est comment chacun, en ne résistant pas formellement, et même sans en avoir conscience, cautionne et participe à l'engrenage fatal. Ne pas dire non, c'est dire oui.

"'Discriminer sans persécuter'. Comme le fil est subtil pour séparer les hommes entre les bons et les méchants. Entre les innocents et les coupables. Si d'autres veulent ensuite les "persécuter", c'est eux, les bourreaux, que ça regarde. Ponce Pilate ne s'était-il pas lavé les mains, montrant ainsi qu'il était innocent de la mort du Christ ?"

Un livre choc, essentiel. Un livre qui m'a profondément dérangée malgré tout ce que je savais déjà. Un travail impressionnant de justesse et de précision, remarquable dans sa volonté d'éclairer et son constant souci d'équilibre. A lire absolument.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Dans ce récit historique, auquel se mêlent des éléments autobiographiques, Rosetta Loy aborde la question de la montée du fascisme dans les années trente et des persécutions faites aux Juifs italiens, à travers l'implication, ou plutôt la non-implication du Vatican, et en particulier de Pie XII, dont elle évoque la complaisance. Issue d'une famille aisée de la bourgeoisie romaine et catholique, et jeune au moment des événements (elle est née en 1931), elle souffre peu de la peur et de la faim, comparativement à d'autres personnes de son entourage broyées par la grande marche de l'Histoire, et c'est peu à peu qu'elle prend conscience de ce qui se passe autour d'elle. C'est plus tard qu'elle cherchera ce qui est advenu de ces gens qui composaient sa communauté, son voisinage, son immeuble : « Il faudra que des événements terribles se passent pour que je revienne visiter cette époque-là, et que je regarde vers le fond du puits dans lequel madame Della Seta, la famille Levi et ce petit enfant que je vois trottiner d'une fenêtre à l'autre sont en train de glisser sans le moindre bruit. » J'y ai appris que les chemins de fer allemands accordaient un tarif préférentiel pour les groupes de quatre cents déportés et plus… Il ne faut pas l'oublier.
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Texte hybride de 1997 qui mêle souvenirs de famille de la narratrice et chronique de la période fasciste mettant en exergue la montée des persécutions envers les juifs et l'imposition des lois raciales .Rosetta Loy souligne l'attitude de sa famille (et d'elle même ) : de bourgeoisie très catholiques , peu attirés par le fascisme ,ils n'en restent pas moins relativement indifférents au sort de leurs voisins juifs ,eux-mêmes, échappant en grande partie aux difficultés de la période . Dans la partie chronique , l'accent est mis sur la position du pape Pie XII en grande partie pro allemande mais en mentionnant aussi les comportements différents d'autres membres de l'Eglise. Texte d'une grande lucidité et souvent émouvant .
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Rosetta Loy raconte l'enfance paisible d'une fillette élevée dans une famille aisée de la bourgeoisie romaine, ses mille petits riens. Mais c'est la guerre et des mesures antisémites sont prises, d'abord par le régime de Mussolini puis par les nazis. L'enfant voit disparaître certains de ses voisins/voisines, dont elle découvre brusquement le judaïsme, tandis que sa famille ne s'explique pas le silence complice du Vatican de Pie XII, et la barbarie sur laquelle le pape veut fermer les yeux, ou pire, qu'il cautionne tacitement. Retour sur un traumatisme qui a marqué l'Italie, pays traditionnellement tolérant, quels que soient les régimes extrémistes qu'il ait pu connaître.
Lu en V.O. (La parola ebreo)
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Lu en italien
A travers les souvenirs personnels de son enfance,Rosetta Loy fait revivre le climat d'indifférence dans lequel sa famille ,et une certaine bourgeoisie,no affiliée au fascisme et même culturellement éloignée, a permis que la persécution antisémite poursuive son tragique parcours.
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Montée en puissance d'Hitler vue à travers le prisme d'une enfant issue de la bourgeoisie italienne. On assiste notamment aux différentes positions des papes consécutifs Pie XI et Pie XII vis-à-vis de la montée du fascisme et de l'antisémitisme.

À lire pour en savoir encore plus sur cette période trouble de l'histoire.



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