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sur 241 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est en 2016 que Romain Lucazeau bouleverse pour la première fois le microcosme de l'imaginaire français avec la publication en deux volumes de Latium, un space-opéra aux intonations mythologiques où les hommes-chiens croisent des I.A devenus nefs sentientes et gigantesques.
Couronné par le Grand Prix de l'Imaginaire et un succès critique (et public) impressionnant, le français finit par rejoindre la Red Team, un groupe d'écrivains de science-fiction en lien avec le Ministère des Armées.
Critiqué sur le moment pour cette participation par une certaine frange de l'imaginaire français, Romain Lucazeau poursuit son voyage littéraire avec la publication d'un nouveau roman chez Albin Michel Imaginaire pour la rentrée littéraire : La Nuit du faune.
Et nous n'étions clairement pas prêts…

Il m'est difficile, lecteur, de rendre compte de la Nuit des faunes.
Pas tant que l'intrigue soit difficile à caractériser ou à dénouer, mais que l'ampleur du récit, la densité des thématiques et de la narration font de ce roman une sorte d'Everest.
Et c'est peut-être par-là que nous commencerons le voyage.
Au sommet d'une montagne vivait une jeune fille du nom d'Astrée (qui renvoie autant à une certaine divinité grecque qu'à l'Astrée, roman des romans) dont le petit univers idyllique est préservé du reste du monde par une bulle de quiétude entretenue au moyen d'une colossale Machinerie lovée sous la roche. Un après-midi ordinaire, Astrée voit un bien curieux visiteur pénétrer dans son domaine : un faune. Après avoir escaladé la montagne, l'aventurier attend la réaction de la petite fille…qui n'en est pas vraiment une.
Astrée, sous ses dehors enfantins, est en réalité une très ancienne personne, plus ancienne que bien des galaxies. Polémas, car c'est le nom du jeune faune, n'est pas là par hasard. Il vient pour trouver des réponses et pour comprendre. Il vient pour qu'Astrée, cette divinité qui pourra, il l'espère, changer son existence et celle de sa race encore balbutiante, en lui révélant ses secrets et les clés de la connaissance. Seulement voilà, la première des réponses que lui fait Astrée n'a rien de plaisante, au contraire : le savoir n'a rien de bon pour Polémas car tous ceux qui savent finissent par ne rien faire en réalisant l'inanité de leur action(s). Découragé, le faune part dormir et se réveille dans une autre enveloppe, copie de lui-même faites en neutrinos et qui se prépare à un (très) long voyage en compagnie d'Astrée à travers l'univers.

Qu'est-ce que savoir a de si terrible ?
C'est le premier enjeu de cette immense épopée imaginée par Lucazeau et qui convoque à parts égales le conte mythologique (dont raffole l'auteur depuis Latium) et une aventure Hard-SF jusqu'au-boutiste…mais étrangement plus accessible que celle d'un Greg Egan. Lancés à travers la galaxie, Polémas et Astrée vont découvrir les multiples visages de l'univers, sous la forme d'une descente aux enfers parfois, sous les traits d'un voyage initiatique souvent, mais toujours avec cette dose d'ébahissement et de sidération qui caractérise la science-fiction la plus importante, celle capable de créer le vertige et de marquer sur la durée. Sur le chemin d'Oz…ou d'Oort, les deux comparses se confrontent au froid cinglant de l'univers, opposant le discours blasé et pessimiste d'Astrée sur les affres de la connaissances aux mille merveilles composant les étoiles. Histoire à deux visages dans un premier temps, La Nuit du faune semble contredire l'idée même d'un émoussement du merveilleux en montrant, comme Arthur C. Clarke le disait si bien, que toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. Mieux encore, toute plongée dans les rouages les plus pointus de la physique et des lois de l'univers, ressemble à une manifestation divine, à une multitude de représentations surnaturelles flirtant à part égales avec la poésie et l'art. Au fur et à mesure de cette traversée, Polémas découvre ce qui attend son peuple et lui-même, renforçant ce sentiment ambivalent pour le lecteur pris entre le désespoir du faune broyé par les mâchoires de la fatalité et les visions grandioses dépeintes par un Romain Lucazeau au sommet de son art.

La Nuit du faune plonge tête la première dans des concepts science-fictifs de pointe, croisant neutrinos, bosons, matière noire, IAs, quasars et autres théories de l'évolution. Pourtant, contrairement à Egan, Lucazeau trouve un angle d'attaque aussi simple que gagnant pour ne pas rendre son histoire hermétique au lecteur : vulgariser les choses pour Polémas, le plus jeune des personnages de l'aventure et donc le plus ignorant, le plus candide.
Du fait, jamais le roman ne nous laisse à la dérive, toujours soucieux des visions fantastiques qu'il nous offre et déployant un Sense of wonder hallucinant. du vaisseau-monde échoué à l'antre d'une créature arachnéenne creusée dans un astéroïde en passant par des méta-civilisations robotiques engagées dans une guerre idéologique éternelle. En 250 pages, le français répertorie les concepts et les merveilles de la SF, les rend aussi beaux que fascinants et parvient même, parfois, à en tirer des frissons d'horreur purs en créant une peur métaphysique irrépressible dans le coeur du lecteur. Devant l'insignifiance de notre existence, devant la petitesse absolue de notre bout de caillou planétaire. Véritable trésor d'intelligence et condensé de ce qu'offre de meilleur un univers de Hard-Science, La Nuit du faune n'a pour autant pas l'ambition de devenir un musée glacée d'idées et de concepts mais une profonde réflexion sur une quête de sens, une quête d'espoir dans une galaxie où la rigidité mathématique et physique semblent tout anéantir pour les êtres vivants, qu'ils soient de silicium ou de carbone.

En chemin, Polémas et Astrée font la connaissance d'une nouvelle forme de vie post-biologique en la personne d'Alexis, achevant un trio aux aspirations bien différentes. Alexis rêve de mortalité quand Astrée aspire à l'immortalité (et au frisson de la surprise) tandis que Polémas, lui, voudrait simplement la survie des siens et la connaissance (mortelle) des choses. Parvenus aux confins de la Voie Lactée, les trois comparses vont étendre encore leur compréhension des rouages de l'univers, Lucazeau déployant encore et encore des trésors d'imagination pour agrandir toujours plus loin et toujours plus fort ses perspectives et celle du lecteur. Bienvenue dans l'infiniment grand et dans l'infiniment puissant, si puissant que le concept de Dieu lui-même semble trop étriqué même pour expliquer des entités comme Galactée ou le Prophète.
Loin de ne creuser que le sillon science-fictif de son aventure, Romain Lucazeau exploite ses potentialités philosophiques et métaphysiques, discourant sur la guerre et la rivalité des êtres vivants, sur la conscience de sa propre insuffisance et de ses potentialités, sur l'importance de la vie (et, paradoxalement, de sa fin) sans parler de l'espoir d'une victoire définitive sur l'entropie, ennemi final de toute vie. Comme les hommes-chiens dans Latium, le faune déconstruit sa vision de la divinité, tente de comprendre avec son potentiel limité les implications des enjeux cosmiques qui lui sont soumis et, finalement, accepte le destin le plus sage, celui de l'instant, du présent, du bonheur de l'ignorance.
Il faut bien comprendre à ce stade que La Nuit du faune réussit de multiples exploits. Celui du style d'abord, à la fois flamboyant et mature, permettant l'expression claire et fluide des merveilles scientifiques comme des interrogations philosophiques de son auteur. Celui de la vulgarisation ensuite avec des concepts pointus qui ne rebutent pas et ne laissent pas sur le bord de la route. Celui de la densité narrative en un nombre de pages restreint, parvenant par la concision à ne jamais lasser et à garder sans cesse un sentiment d'émerveillement qui suivra jusqu'au bout du bout le lecteur.
Celui, enfin, d'une érudition terrifiante (voire intimidante), de la Florence de Dante à la mythologie grecque en passant par le conte plus populaire, mais sans jamais noyer, sans jamais intimider mais en servant le récit. Un récit immense, apoplexiant mais toujours épatant. Mieux encore, et c'est peut-être le plus important, Romain Lucazeau permet l'empathie, que ce soit avec Astrée et son sentiment mélancolique face au temps ou avec Polémas et son désespoir grandissant face à ce que réserve l'univers, à ce silence éternel des espaces infinis qui engloutit et détruit la vie elle-même. La Nuit du faune donne le vertige, éblouit, émeut, fascine, essouffle jusqu'au sublime. le conte entre en collision avec la science, le présent retrouve le passé, les étoiles brûlent et se consument, les civilisations naissent et meurent, inlassable retour vers un recommencement éternel qui nous ramène toujours en début d'après-midi au seuil de l'aventure.

La Nuit du faune se résume très simplement en réalité.
Un chef d'oeuvre de la science-fiction française, une somme des possibles, une histoire prise entre la chaleur de la poésie et la froideur de la physique, une concrétisation d'un talent, celui de Romain Lucazeau qui s'installe au sommet de la montagne et nous invite au voyage.
Lien : https://justaword.fr/la-nuit..
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C'est toujours avec appréhension que je commence un livre qui a déclenché un déferlement de critiques dithyrambiques lors de sa sortie : les commentaires des blogueurs engendrent de telles attentes (en ce qui me concerne) qu'elles sont souvent déçues. Alors j'ai patienté quelques mois que la vague reflue un peu, en espérant ainsi mieux apprécier ce roman qui s'écarte des sentiers battus.

(à noter, en hors sujet : la première fois que j'ai lu le titre, l'année dernière, j'ai pensé à un satyre (*). J'ai imaginé un être lubrique mi-homme mi-bouc, guettant sa proie, une bergère isolée. Caché derrière un arbre de la Grèce antique, il se préparait à ensorceler sa victime en jouant avec une flûte de pan. Et quand j'ai vu dans les commentaires que le premier personnage du livre était une petite fille, j'ai été très perplexe… Mais j'ai vite compris qu'il s'agissait ici d'un gentil faune !
(*) après quelques recherches, il s'avère que le faune est bien l'équivalent romain du satyre grec. Je n'étais pas très loin).

Comment présenter ce roman ? À la fois conte philosophique, space opera et oeuvre de hard SF, le texte fourmille de références littéraires et d'allégories. Sa taille modeste (moins de 300 pages) est inversement proportionnelle à sa densité.

Astrée est une petite fille en sa montagne, isolée depuis des millions d'années, et dernière représentante de son espèce. Un beau jour, un faune, membre d'une jeune espèce à l'aube de la civilisation (soit l'exact opposé d'Astrée) grimpe la montagne pour rencontrer ce qu'il croit être une divinité : il veut le savoir, car il croit que le savoir mène au pouvoir. Astrée s'empresse de balayer ses espoirs : la connaissance totale annihile le désir. Elle lui explique posément le cycle de l'évolution : la race des faunes, comme sa propre race, est condamnée à terme. Mais Polémas — c'est ainsi qu'elle a baptisé son visiteur — suscite son intérêt, elle qui ne connaissait plus la joie et qui se montre ravie à la perspective d'un changement. Elle décide de l'entraîner dans un voyage spatial, d'abord au sein du système solaire, puis au-delà, à la rencontre d'autres espèces et d'autres civilisations, pour lui montrer le devenir de celles-ci. Mais même Astrée, convaincue de tout savoir, en apprendra plus qu'elle ne se l'imaginait.

Servi par un texte soigné, de nombreuses références littéraires, et un sens du wordbuilding épatant, l'auteur ne se contente pas de nous faire voyager à travers l'univers ; il explore les théories physiques et astrophysiques — toujours présentées avec poésie — pour concevoir un « méta-cycle » de l'évolution des espèces, dépassant largement les limites du biologique. Les derniers chapitres offrent des perspectives fascinantes sur l'univers, mais impossible d'en parler sans en dévoiler trop.

Le roman sort clairement du cadre des histoires typiques de la science-fiction, il est plutôt un conte hors-norme, prétexte à réflexion. L'auteur nous propose sa vision de l'opposition entre la sagesse des anciens et l'envie de vivre des plus jeunes, ou encore — et surtout — son interprétation de l'entropie habituellement présentée comme inévitable. On est ici très loin des récits désespérants publiés sur le sujet, et l'intrigue réalise un saut qualitatif qui positionne le texte très au-dessus de la production sciencefictive commune.

La clef est là : l'auteur s'inscrit dans la lignée de ces grands penseurs d'autrefois, qui maîtrisaient à la fois les disciplines scientifiques les plus pointues et les humanités les plus exigeantes. Il nous avait déjà démontré, avec son précédent roman Latium, que la confrontation entre ces savoirs était fertile ; il continue avec La Nuit du Faune à nous offrir une science-fiction ambitieuse, accessible, philosophique, scientifique et poétique… sans négliger l'imaginaire.

Quand on le referme, on sait déjà qu'on le relira, un jour.

Lien : https://feygirl.home.blog/20..
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💫Chronique💫

« Alors comment se fait-il que nous soyons des étoiles filantes? »

Nous sommes si éphémères, tellement brillants, et de passage. Nous sommes de la même matière, du même temps, du même espace. Je suis persuadée que nous sommes effectivement des étoiles qui filent dans l'Univers, mais si c'était, effectivement, possible, le temps d'une lecture? Si nous étions ces étoiles qui voyageaient dans le ciel nocturne, que verrions-nous? Nous aurions sans doute vu, une petite fille et un faune. Si nous penchions un peu l'oreille, nous aurions entendu leurs désirs de savoir, de surprise, d'avenir(s)…Nous aurions senti leurs soupirs, leurs joies, leurs inquiétudes. Nous aurions touché du doigt, les mystères de l'Univers. Nous aurions goûté à la quiétude du Cosmos. La Nuit du Faune, c'est une expérience, avant tout. Une expérience de lecture, mais plus encore, un voyage galactique, scientifique, philosophique et poétique. Jamais, Ô grand jamais, je n'ai eu autant la sensation d'être, l'espace de quelques 300 pages, une étoile filante. C'est en cela, que Romain Lucazeau fait preuve de magie, c'est qu'il nous donne l'occasion de partir et d'explorer l'infini, dans son ensemble, dans sa complexité, dans ses possibles, dans sa grandeur comme dans ces minuscules étrangetés…Et de là, naît l'émerveillement! Littéralement, l'émerveillement! Absolument magnifique ce voyage!

« Bien sûr que non. Vous ne savez pas. »

Je ne crois pas avoir tenté une expérience aussi singulière et puissante, d'avoir été aussi loin, tout en restant immobile, de mettre tant rapprochée du savoir tout en valsant sur de la poésie…Et parlons-en du savoir, puisque c'est la quête du faune, et tout l'intérêt de cette fameuse nuit qui va tout changer pour lui, nous, et eux. Un seul être fantastique et curieux veut savoir. C'est un leitmotiv avec un grand pouvoir. Mais il ne sait pas que savoir est un risque. Savoir est une malediction, parfois. Savoir est une traversée éprouvante. Et pourtant, il ira accompagné de son acolyte, Astrée, suivis par quelques autres créatures fabuleuses à la recherche de son devenir possible, pour lui et les siens. Mais à l'échelle de l'infini, ça donne quoi comme perspective(s)? le temps, la matière et l'espace sont extensibles, les théories se font et de défont à l'instar des civilisations, alors vers quoi nous pouvons tendre quand tout s'étend inexorablement? Je vous laisse le découvrir par vous-même, je ne voudrais pas que la malediction du savoir tombe sur vous…Mais sachez tout de même, que c'est un coup de coeur. Sachez que cette lecture est hypnotique parfois, captivante souvent, et brillante tout du long. Que si l'on touche les étoiles quelque fois, on va aussi au plus près de notre humanité en s'en éloignant, que si la magie est de cette nuit, la mélancolie aussi, mais mon coeur s'est ouvert à l'infini dans cet univers absolument fabuleux. Je ne cherche pas à savoir si c'était un rêve ou une autre réalité, ce que je peux vous affirmer, c'est l'intensité!
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Quel livre ! Quelle expérience de lecture ! Quel foisonnement d'idées ! Romain Lucazeau nous offre (après Latium I et II déjà un énorme succès) un conte philosophique et astronomique vertigineux. On passe au début de "s'il te plait, dessine-moi un faune" à "s'il te plait dessine-moi l'avenir de l'univers" : au delà de cette boutade, une réflexion poussée sur la vie et la mort des civilisations, sur le passage du cycle du carbone, au cycle du silicium, puis aux cycles des matières exotiques.
Lucazeau nous emmène loin, très très loin dans l'Espace, nous montre des êtres incroyables, des guerres impitoyables, des cycles de vies sans cesse renouvelés.
Ce roman nous projette dans un futur inimaginable, en un voyage intersidéral inouï ...
Une quête initiatique, une vision philosophique et astrophysique.
c'est une très grande réussite.
Un petit bémol : on se perd parfois dans les descriptions détaillées de phénomènes astrophysiques : mais finalement on les relit, et on reste sous le charme. La lecture est exigeante, mais quel talent !
Ce roman figure pour moi comme un chef d'oeuvre du genre littéraire de science-fiction.
Les critiques ne se sont pas trompées : on va longtemps parler de cette excellente fresque intersidérale.
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Merci à Albin Michel Imaginaire pour l'envoi ! J'avoue avoir été séduite par la beauté de la couverture de la nuit Du Faune alors même que je ne connaissais rien du résumé. Mais j'avais bien aimé le précédent roman de l'auteur, Latium, une oeuvre de space opera ambitieuse et monumentale. Les échos sur le roman qui nous intéresse aujourd'hui sont éloquents : on me promet une lecture pour le moins ardue mais dépaysante. Alors, qu'en ai-je pensé ?

La nuit Du Faune est un roman très ambitieux qui s'inscrit dans la tradition des fables philosophiques. Romain Lucazeau choisit la science-fiction afin de nous proposer un voyage à travers les étoiles et les planètes. Polemas, un Faune issu d'une race très jeune, rencontre Astrée, une créature ancienne et puissante sous la forme d'une petite fille. Pour répondre à la curiosité de son visiteur, Astrée s'élance dans le ciel presqu'infini à la rencontre d'Êtres et de civilisations difficiles à appréhender pour l'esprit humain. L'objectif du voyage est de montrer au naïf Polémas à quel point le savoir est une consolation illusoire dans un univers aussi vaste. Mais Astrée espère également que cette odyssée ranimera en elle la flamme, elle qui est consumée par l'ennui d'une vie dans laquelle elle n'a plus rien à apprendre.

La nuit Du Faune offre au lecteur des visions gigantesques qui dépassent l'entendement. L'écriture de Romain Lucazeau, poétique mais précise, permet de donner naissance à cet univers sans limite. La plume donne naissance à des créatures extraordinaires dont la puissance dépasse ce qu'on pourrait imaginer. Il y a des robots géants qui se mènent une guerre absurde depuis des siècles, un être ancien qui réduit en esclavage des biologiques inférieurs, un autre qui a créé un univers modélisable à l'infini pour distraire ceux qui n'ont plus rien dans un espace de création sans limites… le récit est original, d'autant plus qu'il est traversé de description scientifiques sur la création et de le développement du monde qui forcent à l'humilité. le portrait que fait Romain Lucazeau des phénomènes physiques a quelque chose de quasi divin.

Je l'ai écrit en intro, mais le récit se place rapidement dans l'optique de rédiger une fable philosophique, sans l'aspect moralisant (est-ce alors plutôt une forme de parabole ?). On en retrouve les éléments : des protagonistes archétypaux qui effectuent un voyage dans le but d'appréhender le monde qui les entoure, l'un élève l'autre professeur. Je n'ai peut-être pas réussi à identifier toutes les références de l'auteur, mais j'en ai repéré de nombreuses qui donnent au récit une grande richesse de lecture. Dans un premier temps, l'ensemble s'inscrit plutôt dans une vision nihiliste pessimiste du monde, notamment à travers les questionnements de Polémas et le détail de l'évolution des civilisations. En effet, Astrée révèle que les développements des civilisations mènent souvent à la destruction ou à une forme d'évolution qui passe par la dénaturation, entre par là que les êtres biologiques finissent par devenir des machines suite aux évolutions progressives.

Ces machines ont un côté “SurHomme” de Nietzsche, car ils laissent souvent entendre leur supériorité, ils se présentent comme l'apothéose de la puissance biologique, l'aboutissement de l'existence. Plus tard dans le roman, une question intéressante est amenée sur l'art et la création lorsque nos compagnons découvrent un Être ayant créé une sorte d'espace de jeu de création infinie pour des entités qui s'ennuient (ce qui m'a rappelé une sorte de Minecraft géant). Si l'optique réjouit Astrée, ses compagnons lui rappellent que c'est virtuel, non réel. Astrée, être d'une grande puissance et qui a tout vu, est prête à s'enfermer de nouveau dans la Caverne de Platon pour oublier l'inanité de sa propre existence. La réflexion montre que finalement, ceux qui ont réussi à dépasser les apparences dans le vrai monde sont prêts à faire machine arrière, à entrer de nouveau dans un monde d'illusions pour garder une étincelle d'intérêt à leur existence. Il y a de nombreux autres éléments à surligner mais ce sont ceux qui me reviennent le plus aisément.

La philosophie est ici mise au service d'une science-fiction qui dévoile tout son potentiel pour mettre en scène et mettre l'emphase sur les problématiques méta-physiques humaines. A travers une odyssée spatiale monumentale, Astrée et le Faune se lancent en quête de réponses (ou de frissons) : qu'est-ce que la connaissance a de si terrible pour un individu ? Quel est le destin des êtres biologiques ? Les références de l'auteur sont multiples, Nietzschéenne, mettent en scène la petitesse de l'existence, sa grande absurdité, mais aussi le gigantisme à peine imaginable de l'univers et des Êtres lointains qui la peuplent. L'auteur fait appel à des connaissances pointues en matière de sciences, astronomie et astrophysique, mais parvient à vulgariser les concepts sans pour autant rendre le voyage simpliste. Ce fut donc une belle lecture, avec un véritable “Sense of wonder”, mais parfois difficile à digérer lorsqu'on n'a pas toutes les références.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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Quel livre incroyable ! J'aime quand une lecture me sort de ma zone de confort avec tant de panache !

Astrée, fillette solitaire, vit dans un monde protégé par un dôme en verre indestructible, entourée par des serviteurs-machines qui veillent sur son confort. Les jours se suivent et se ressemblent jusqu'au jour où un faune parvient à s'introduire dans son domaine. Ce dernier a franchi de nombreux obstacles dans l'espoir de trouver la connaissance et le pouvoir.
Astrée qui n'a que l'apparence d'une enfant est en réalité très âgée, dernière d'une espèce éteinte et cette présence inespérée va secouer son ennuyeux quotidien, lui permettre de se retrouver elle-même et susciter un nouvel espoir. Elle propose à Polémas de voyager avec elle afin de voir pour comprendre.

S'en suit un fabuleux voyage interplanétaire passionnant à travers l'espace et le temps, à la rencontre d'espèces insoupçonnées, issues du carbone ou du silicium, civilisations vivantes ou robotiques, en paix ou en guerre mais qui toutes assemblées donnent une vision vertigineuse de l'évolution et du sens de la vie.

Avec une plume d'une belle élégance, à la fois précise, poétique, savante, l'auteur nous offre un récit qui débute comme un conte fantastique et s'enrichit d'une grande profondeur, un récit plein de surprises qui donne à voir, à rêver, à imaginer, à réfléchir...

Il y a tant de descriptions vivantes et étonnantes, de trouvailles, d'idées, de réflexions dans ce roman qu'il est impossible d'en faire un inventaire, c'est un livre que je suis sûre de relire pour dénicher les détails, les références à côté desquels je suis forcément passée..

Je remercie vivement Albin Michel Imaginaire pour cette incroyable lecture !
Lien : https://chezbookinette.blogs..
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Romain Lucazeau avait fait une entrée fracassante dans l'univers de la Science-Fiction avec son premier roman Latium, un diptyque récompensé par le Grand Prix de l'Imaginaire en 2017 et publié dans la collection Denoël - Lunes d'Encre sous la direction de Gilles Dumay. C'est tout naturellement que l'auteur le retrouve chez Albin Michel Imaginaire pour son deuxième roman La nuit du faune.

Tout commence comme un conte. Une fillette au doux prénom d'Astrée vit seule au sommet d'une montagne, un faune arrive par surprise dans son antre. Il espère obtenir le savoir et découvrir la destinée de son peuple. La rencontre va réveiller l'enfant qui sombre dans l'ennui et apporter au faune des réponses qui dépassent sa propre condition.

Après nous avoir présenté les deux personnalités atypiques, Romain Lucazeau nous donne quelques éléments sur le contexte global de ce futur lointain et surtout nous prépare tout doucement au voyage. Dans les premières pages, l'auteur nous brosse l'Histoire de la Terre et de l'Homme avant de laisser son imagination s'envoler, nous emmenant avec lui dans des contrées de plus en plus lointaines - de notre système solaire au centre de la galaxie et au-delà - à la découverte de nombreuses civilisations. L'auteur nous offre en même temps une réflexion philosophique sur la Vie, ce qu'elle est, la place de l'Homme au sein de l'univers...

Formidablement écrit, La nuit Du Faune est servi par l'écriture riche de Romain Lucazeau. Celle-ci est très visuelle et compréhensible, du moins au début ! En effet le roman peut se diviser en deux parties bien distinctes. La première moitié est accessible au plus grand nombre, les notions mises en jeu sont relativement simples. Puis viennent les concepts exotiques de physique, l'intrication quantique étant la première d'entre elles, ce qui pourrait en rebuter quelques-uns. Cela devient effectivement beaucoup plus hard voire abscons mais l'auteur, en bon vulgarisateur, sait rendre les grands principes abordables. Ce serait mentir de dire que l'on peut tout comprendre aisément et même si certaines parties peuvent rester obscures cela ne nuit pas au récit, le voyage reste beau et poétique, il suffira de se laisser porter par la plume de l'auteur.

Au final, La nuit du faune est un conte philosophico-poético-scientifique, un superbe voyage qui commence doucement, se complexifie et se conclut en apothéose. En un mot : Magistral.


Lien : https://les-lectures-du-maki..
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Quelle aventure que ce récit !


Prenez de la philo, de la Hard-SF, un voyage initiatique, 8156 virgules, 13 derechef, 6 sans coup férir, beaucoup de vocabulaire exotique et voilà : la nuit du faune.


Alors oui, le style peut en rebuter certains, les explications scientifiques d'autres, mais au terme de la lecture on se prend quand même une claque.


Mon cerveau a turbiné pendant la lecture, j'aime autant vous le dire : autant pour comprendre les phrases à rallonge que pour saisir tous les concepts métaphysiques. J'ai des notions de bases, je connais un peu le vocabulaire, la théorie des cordes de manière abstraite mais j'ai quand même du relire plusieurs fois certains passages et faire fonctionner mon imagination pour me représenter tout ça un peu plus concrètement.


Sincèrement : si ça ne vous parle pas, c'est pas bien grave, vous serez dans la même posture que le faune Polémas qui n'y capte RIEN (ou si peu) et qui se contente de vivre cette folle aventure.


Au terme de ce voyage abracadabrant, pendant lequel on élargit sa vision, du vivant de la Terre au formes de vie les plus improbables et les plus mystiques d'un bout à l'autre de notre Voie Lactée, on a le cerveau en ébullition et il faut laisser décanter tout ça pendant quelques heures.


J'aime les sujets abordés : l'astronomie, la physique, la métaphysique, la physique quantique, la chimie, la biologie, la biodiversité, la philosophie, la formation du cosmos, son évolution ainsi que l'évolution de ce qui le peuple (supposément), les personnages et leurs points-de-vue si différents. Je me suis régalée et j'ai passé outre les tournures de phrases bien trop longues, les 8000 virgules, les répétitions et le vocabulaire inconnu (merci google).


J'en ressors enrichie, émerveillée et perplexe.


Je vous conseille également d'écouter le podcast de "c'est plus que de la SF" dans lequel Romain Lucazeau parle de son livre et de lire la critique très complète d'Apophis sur son blog (Google est ton ami si tu ne connais pas encore cet excellente adresse).


Bonne lecture !

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J'ai rarement lu un livre comme ça. Enfin si, il y a quelques années, j'avais dévoré les deux tomes de Latium, un space opera signé… Romain Lucazeau. Eh oui, déjà en 2016, le style et le propos assez uniques de cet auteur français faisaient mouche et me retournaient gentiment le cerveau.

Visiblement, Romain Lucazeau a donc suivi son premier (excellent) éditeur Gilles Dumay, parti de chez Denoël (collection Lunes d'Encre) pour fonder Albin Michel Imaginaire en 2017, une maison qui ne cesse d'enrichir son catalogue de belles réussites. Si Latium déployait son histoire sur 1000 pages, La Nuit du faune atteint tout juste les 250 pages – mais attention, car ce roman, s'il a sans doute tout pour être plus accessible avec sa brève pagination et ses airs de conte, n'en reste pas moins d'une densité époustouflante.

Pour être tout à fait clair, et comme beaucoup de lecteurs j'imagine : je n'ai pas tout compris à ce livre, mais pour moi c'est loin d'être un problème. J'aime en littérature comme au cinéma me laisser dépasser, déborder, pour m'absorber complètement dans une expérience. Et c'est bien le cas ici, tant les descriptions chimiques, physiques, biologiques et spéculatives vont loin dans le détail (et me perdent évidemment, puisque mes connaissances sont pour le moins limitées dans ces domaines). le style de Romain Lucazeau a ceci d'accrocheur qu'il mêle descriptions de phénomènes physiques, chimiques, quantiques, à une langue poétique et soutenue, au vocabulaire riche. Ne vous attendez donc pas à un conte de Perrault, Grimm ou La Fontaine, mais plutôt à un conte philosophique (mais quel conte ne l'est pas, au fond ?) et cosmique sur l'existence, le destin, l'histoire, l'espace, le temps, l'amitié, ce qui nous entoure, nous domine, nous détermine, et beaucoup beaucoup d'autres choses.

C'est tout simplement passionnant, et même si la lecture comporte quelques moments difficiles tant les « événements cosmiques » sont nombreux, l'auteur parvient à nous captiver de bout en bout, faisant se côtoyer l'abscons et le sublime, le nihilisme et le zen, la détresse en même temps qu'une célébration de la vie. Au-delà de ces grandes qualités qui en font une oeuvre marquante et appelée à faire date (enfin, on l'espère !), j'ai souvent eu l'impression que Romain Lucazeau poussait le langage dans ses derniers retranchements, mais sans chercher l'aporie, « simplement » pour étendre les capacités de nos cerveaux à concevoir l'altérité, l'inconnu, et finalement ce que nous ne savons pas que nous ne savons pas. Voilà une idée assez dure à exprimer, justement, mais ses lecteurs la comprendront peut-être : les livres peuvent faire progresser l'humanité, quand le langage est utilisé pour ses propriétés magiques.

Un livre d'une très grande intelligence donc, qui en fait l'une des lecteurs de l'année pour moi.
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La Nuit du Faune est un conte philosophique et un roman hard Sf qui propose aussi bien un voyage contemplatif intérieur qu'une virée sous amphétamine jusqu'au centre de la Galaxie, à la rencontre d'espèces et de civilisations exotiques. L'ensemble est totalement décoiffant, écrit avec un brio qui confine au génie, et qui procure frissons, vertiges et tournis bien après l'avoir clos. Quant à savoir si votre équilibre sera restauré…

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