Elle n’avait encore jamais ressenti cette joie de vivre, cette alacrité, cette volupté d’être jeune, agile et de posséder le monde. Sa timidité, son effacement, tout cela avait disparu, comme balayé soudain par un vent pur et vivifiant.
Elle allait au-devant de celui qu’elle aimait et dont les traits étaient gravés dans son cœur. Au long de cet après-midi consacré à d’obscures besognes domestiques, elle avait senti, à maintes reprises, que son absence lui pesait, appesantissant sur elle un sourd malaise. Maintenant, le malaise s’était évanoui, laissant la place à l’euphorie.
Il était aussi féru d’archéologie. Il s’était pris d’amour récemment pour une vieille abbaye cistercienne dont la pure architecture — du moins ce qu’il en restait — l’avait séduit alors que, traversant la région en chemin de fer, elle lui était apparue entre les arbres, dans un vallon perdu. Il remuait maintenant ciel et terre pour intéresser les pouvoirs autorisés au relèvement de cette glorieuse ruine et cela expliquait qu’il passât à Paris cette période de vacances qu’il eût pu mieux utiliser sous le charme du ciel provençal.
Quatre heures et demie de vol dans cet appareil inconfortable et qui tanguait dans les trous d’air l’avaient amenée de Mexico. Elle avait découvert un monde étrange, fascinant et sauvage, bleu, ocre et doré, que la mer des Caraïbes, au nom envoûtant, cernait de ses vagues.
Elle était au Yucatan, cette terre des Mayas où s’épanouissait, jadis, la plus prestigieuse des civilisations et dont les fouilles récentes tentaient d’arracher les temples et les palais à l’océan végétal de la forêt qui les tenait enfouis.
Peut-être la faiblesse de cette fragile jeune femme, qui aimait la danse et qui rêvait de la gloire d’une star, avait quelque excuse ? Elle était jeune. La maladie, la souffrance, elle n’avait pu les affronter, bien qu’elle fût d’une race courageuse. Elle avait été éblouie par le monde nouveau où Martin l’avait plongée et dont elle n’avait aucune idée : elle n’avait pas les qualités, les vertus qui affermissent les êtres devant l’épreuve. Elle avait flanché.
Je pense qu’il est honteux que vous favorisiez, vous, à cause de vos fonctions de médecin, le vice où l’ont plongé le désespoir et la souffrance. Il est honteux que vous lui fournissiez de la drogue pour l’abrutir et le dépraver. Ce que vous faites est inqualifiable et, si je n’avais pas peur de le compromettre en même temps que vous, je vous dénoncerais !