Sacrifier sur l'autel de...
"Sacrifier" vient du latin "sacrifare",... "faire un acte sacré". L'acte sacré est l'offrande d'un animal faite aux dieux.... Aujourd'hui, les sacrifices ne sont le plus souvent que figurés et certains autels n'ont plus rien de religieux : l'expression sacrifier sur l'autel de... fait en effet allusion à une perte que l'on consent au profit d'une cause supérieure ou, plus simplemnent, au renoncement de ceci au profit de cela. Elle est souvent utilisée dans un contexte politique ou économique ; ainsi dit-on de tel ministre, renvoyé parce que indésirable, qu'il a été sacrifié sur l'autel de la reconquête présidentielle, de telle multinationale qu'elle sacrifie l'emploi sur l'autel des profits, de telle commune qu'elle sacrifie son développement urbain, etc.
Pour la bien distinguer de l'aieule paternelle, on l'appelait « grand-mère Kiki », de ce diminutif un peu ridicule, hypocoristique du patronyme qu'elle avait reçu de son polonais de mari. La grand-mère Kiki était de ces petites vieilles discrètes, taciturnes, qui ne parlent que pour s'émouvoir, s'indigner ou s'émerveiller, une sorte de Mamette à la Daudet. Chaque fois qu'elle rencontrait son vieil ami d' enfance, petit monsieur vieille France, elle nous redisait, tout heureuse, combien il était élégant : «Toujours tiré à quatre épingles ! Toujours mis sur son trente et un !» et l'on avait droit aux louanges de sa situation financière, fruit du labeur de toute une vie, d'une probité et d'une économie à toute épreuve. «Pas comme ces touche-à-tout et ces bons à rien qui font leur travail à la six-quatre-deux, à qui il manque toujours dix-neuf sous pour faire un franc, qui voudraient pouvoir ajouter des queues aux zéros mais qui ne savent que brûler la chandelle par les deux bouts !»
L'origine d'"à la six-quatre-deux" est énigmatique. Certains supposent un emprunt à quelque jeu de hasard, d'autres au vocabulaire musical, une mesure à six-quatre étant une mesure rapide à deux temps dont l'unité de temps est la blanche pointée. Une autre explication, ingénieuse, se réfère à une façon particulièrement expéditive de dessiner le profil d'un visage : tracez verticalement, de haut en bas et sans lever le crayon, un six, un quatre et un deux. Aurait-on dit de silhouettes ainsi croquées à la va-vite qu'elles étaient faites "à la six-quatre-deux ? En tout cas, synonyme de à la six-quatre-deux" , l'expression "à la Silhouette" qualifiant tout ce qui était rapidement torché est dérivée, comme le mot silhouette lui-même, du patronyme d'Étienne de Silhouette (1709-1 767), ce personnage n'ayant fait qu'un passage éclair au ministère des Finances.
Repartir comme en quatorze
"Oh, je sais. Aujourd'hui, la fleur au fusil. la Marseillaise, la Wacht am Rhein... Oui. Mais demain ? . Demain, cet homme-là, qui est parti en chantant, il ne sera plus qu'un pauvre type face à face avec la réalité ! Face à face avec la guerre ! Un type à jeun, les pieds en sang, exténué, terrifié [...]. " (Roger Martin Du Gard, Les Thibault - L'Eté 1914, Gallimard, 1936.) Bien des soldats qui partirent ainsi à la guerre en août 1914 avaient en tête l'idée d'une revanche «vite faite bien faite» et d'un retour rapide dans leur foyer. Auraient-ils montré la même ardeur, le même enthousiasme s'ils avaient su dans quel enfer, quel carnage, quelle boucherie ils allaient se jeter? De cet entrain aux parfums d'insouciance est née, par ironie, l'expression "C'est reparti comme en 14!" pour indiquer, non sans regret, qu'une même situation se renouvelle avec une même ferveur et, parfois, une même imprévoyance.