Siorapaluk … Groenland … côté nord ouest … tout en haut dans la mer de Baffin.
« Un tout-petit village de six igloos ».
Juillet 1950 … direction Thulé, la mythique cité septentrionale et la rencontre avec les Inuit.
De 1941 à 1951 et ça a continué depuis … les américains se sont installés à Thulé (1).
Jean Malaurie, géomorphologue (2) et pétrographe (3), a relaté son expérience dans un livre, Pierre Malya (scenariste) et
Frédéric Bihel (dessinateur) en ont tiré un roman graphique.
Un long processus nous explique comment physiquement et intellectuellement on peut arriver à Siorapaluk, l'étude du relief, l'étude des roches, le désir d'aller au delà de ses limites, la recherche de l'absolue solitude bien loin des « écrivains voyageurs en quête de vedettariat ».
Nous suivrons donc l'expédition de
Jean Malaurie dans des décors mis en scène avec talent par Bihel pour essayer de nous faire ressentir les impressions des lieux vierges de toute présence occidentale, juste habité par une population autochtone non polluée par notre civilisation qui gardait alors ses propres valeurs et ses propres croyances.
Une tentative réussie pour nous donner envie de replonger dans l'oeuvre de
Jean Malaurie.
(1)
La genèse de la base de Thulé
En 1941, le Danemark était occupé par l'Allemagne et l'ambassadeur danois aux États-Unis, en désaccord avec l'occupant, autorisa les Américains à établir des bases aériennes au Groenland. Il s'agissait de protéger la partie nord de l'Atlantique contre le danger des sous-marins allemands. Les Américains sont restés au Groenland et ont obtenu l'accord du Danemark pour défendre sa possession.
Le point de Thulé a été choisi car il situé sur la côte nord-ouest du Groenland, dans une zone qui le met à l'abri des glaces dérivant dans le couloir maritime. Il constitue le point le plus favorable au point de vue climatique et qui soit le plus proche du pôle nord.
Cet accord de coopération militaire fut renforcé dans le cadre de l'OTAN en 1951, étant donné la valeur stratégique de la colonie danoise au début de la guerre froide. le Danemark ne prit pas la peine de consulter la population locale, représentée par le Conseil des chasseurs, pour donner son feu vert à l'agrandissement de la base aérienne américaine, et ordonna en mai 1953 le déplacement des autochtones de Thulé, une petite communauté inuite vivant de la chasse et de la pêche traditionnelles. Les 187 représentants du peuple le plus septentrional au monde furent contraints de quitter leurs terres millénaires en quelques jours pour s'exiler à Qaanaaq, à cent cinquante kilomètres au nord.
Concentrés dans une région moins étendue et moins giboyeuse, les Inuits ont souffert de surpopulation et ont dû peu à peu renoncer aux revenus de la chasse aux phoques et de la pêche à la baleine pour dépendre de l'aide sociale danoise.
Ils ne reçurent un dédommagement qu'en 1999.
Aux effets dramatiques de ce déplacement de population s'ajouta un fort ressentiment envers les Américains. La base militaire, transformée en secret en base pour bombardiers stratégiques, devint une véritable enclave de l'armée américaine, accueillant des milliers de militaires. L'armée américaine y testa également le caractère opérationnel et la résistance de ses armes dans des conditions de froid extrême.
(2)
La géomorphologie est une branche de la géographie étudiant les formes du relief terrestre, notamment le rôle de l'érosion dans la formation des paysages. Elle s'intéresse donc au modelé, c'est-à-dire à l'apparence surfacique du relief.
(3)
La pétrographie est la science ayant pour objet la description des roches, l'analyse de leurs caractères structuraux, minéralogiques et chimiques, et les relations de ces roches avec leur environnement géologique.