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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Tout le monde connait l'affaire Dreyfus. Plus méconnue -du moins en France- est l'affaire Beilis...
En 1913, Menahem Mendel Beilis fut accusé à tort d'avoir assassiné un jeune garçon ukrainien du nom d'Andrei Yushchinsky, pour cause de prétendu crime rituel.
"L'homme de Kiev", roman de l'écrivain américain Bernard Malamud, est inspiré de cette sordide histoire.

Yakov Bok, 30 ans, homme modeste, est réparateur dans un village d'Ukraine. Quitté par sa femme, il éprouve un irrépressible besoin de changer d'environnement, et part s'installer à Kiev. Au bout de quelques jours, la chance lui sourit : il porte secours à un homme tombé dans la rue, propriétaire d'une briqueterie. Ce dernier lui propose un emploi, qui comprend par ailleurs la jouissance d'un logement situé au-dessus de la fabrique, d'où Yakov pourra surveiller les chargements nocturnes de marchandises. Son employeur soupçonne en effet certains de ses ouvriers de détourner pour leur compte une partie de la production.
Après quelques hésitations, le réparateur accepte la proposition, mais se voit contraint pour cela de cacher à son bienfaiteur son statut de juif, qui lui interdit de résider dans le quartier de la briqueterie, réservé aux goyim.
Lorsque le cadavre mutilé d'un jeune garçon est retrouvé dans les environs, cette judéité fait de lui le coupable idéal...

C'est, pour Yakov, le début d'un interminable cauchemar.
En l'absence d'aveux et par manque de preuves tangibles, qui permettraient une inculpation certaine, ses détracteurs les plus acharnés au sein de l'appareil judiciaire refusent de délivrer l'acte d'accusation. le héros passe ainsi de longs mois en détention, sans possibilité de se défendre, subissant une attente d'autant plus atroce que sa durée est indéfinie, harcelé par un procureur qui tente par tous les moyens de le forcer aux aveux.

L'isolement, la faim, le froid, et, pire que tout, les humiliations, ainsi que la torture psychologique que suscitent cette évidente injustice et l'absence de toute possibilité de la combattre, le détruisent à petit feu.

Le lecteur lui-même ressent avec force la frustration que génère l'impuissance de cet homme face à la mauvaise foi et la cruauté de ses accusateurs, mais pas seulement : toute la population semble d'être liguée contre lui, bouc-émissaire d'une communauté haïe et méprisée. Tous les subterfuges -faux témoignages, pseudo expertise d'un pope à propos des pratiques religieuses juives- sont bons pour apporter la preuve que Yakov, sans doute entrainé par les membres de sa communauté, a commis sur la personne du jeune garçon un assassinat rituel, tel qu'ont coutume d'en perpétrer ces monstres barbares et sanguinaires que sont les juifs. Les rares magistrats qui tenteront de rendre dans cette affaire une véritable justice, seront eux aussi broyés par ce système inhumain et corrompu.

Le comble, c'est que Yakov ne se sent pas lui-même vraiment juif. Athée, libre penseur, la curiosité intellectuelle de cet homme avide d'instruction s'oppose à l'obscurantisme de ses ennemis, qui substituent à la raison et à l'objectivité les superstitions de l'imaginaire collectif, et la logique inique de leur intellect limité. le réparateur, personnage d'emblée assez peu sympathique, malgré l'épreuve de son séjour pénitentiaire, et certains épisodes de découragement, de rage, fait preuve à l'inverse d'une droiture dont la constance force l'admiration.

Bernard Malamud a fait le choix de placer son récit entièrement du point de vue de Yakov. Nous restons ainsi à ses côtés durant ses longs mois d'incarcération. Comme lui, nous sommes ignorants de l'évolution de l'enquête le concernant. Les éléments qui lui parviennent, rares, sont déformés par ceux qui les lui rapportent. On ne perçoit que de vagues bribes de l'agitation politique du dehors, et des remous que suscite cette affaire dans la société de Kiev. Mais cette approche est un moyen efficace de toucher le lecteur qui, témoin intime du calvaire du héros, appréhende avec révolte et émotion l'étendue des ravages que peut provoquer la bêtise humaine.
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
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J'ai eu du mal à terminer ce livre. Je cherchais désespérément une lueur d'espoir dans la vie de ce pauvre Yakov. La noirceur baigne de bout en bout le destin d'un homme dont l'existence n'est qu'une succession de mauvais choix, de malchances et de maladresses à répétition. Ceci ne serait qu'une pathétique descente aux enfers vouée à la compassion si l'essentiel ne se situait pas dans sa condition de juif, en Russie, au début du vingtième siècle. L'antisémitisme d'état qui sévit alors, la faiblesse du tsar, sentant sans doute la fin d'une époque donne en pâture au peuple russe misérable, une communauté juive que l'on stigmatise, utilisant le mysticisme le plus abject, provoquant des pogroms, massacres collectifs effroyables sans justification aucune. Dans ce contexte mortifère, un enfant est littéralement massacré, sordide histoire d'assurance-vie, le bouc émissaire est tout désigné et nous voici plongé dans un océan de mensonges, de preuves fabriquées, de faux témoignages et d'expertises religieuses, socio-historiques démontrant sans aucune honte que le juif est ainsi, pratiquant la sorcellerie, le meurtre initiatique censé lavé l'affront de l'existence de Jésus, juif traître à son peuple, etc, etc...
L'accusé Yakov, arrêté, emprisonné, humilié est un bouc émissaire idéal, en situation d'échec personnel, ayant par ailleurs enfreint la loi, il ne peut être que coupable . Mais celui-ci montre des ressources mentales et intellectuelles insoupçonnées, puise dans sa maigre culture les raisons d'espérer, où l'on voit apparaître Spinoza, remise en question de sa judéité, s'affranchissant de la pesanteur de la religion et de la liturgie hébraïque. Il se trouve un lien spirituel avec le philosophe, refuse d'avouer , gênant ainsi l'accusation, prolongeant l'attente de l'ouverture du procès, permettant une prise de conscience, légère, certes, mais suffisante pour mettre le pouvoir dans l'embarras.
La pirouette finale laisse espérer un sort moins funeste que prévu. La description de l'appareil d'état et de ses serviteurs antisémites fait froid dans le dos, la suite du vingtième siècle répètera ad nauseum l'ignominie d'un ostracisme séculaire.
Ce roman n'est pas facile, le sujet ne l'est pas, il donne quelques clés sur ce qui se passa par la suite.
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Un livre très prenant sur l'équivalent russe de l'affaire Dreyfus : l'Affaire Beilis. Il est curieux qu'en définitive l'adaptation cinématographique (John Frankenheimer 1968) ait fini par éclipser le livre. C'est l'époque des pogrom, d'un antisémitisme d'Etat qui est le moyen de reprendre en main le pouvoir perdu par le tsar en 1905.
Mais le traitement est original (raconté par la victime de façon parfois incohérente). Un très beau roman (prix Pulitzer 1966).
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Pour qui aime les "polars", avec un personnage sympathique, pris au piège, dans une horrible histoire d'assassinat d'enfant, dans un cadre historique, au temps des stars,confronté à un antisémitisme affolant .......à lire. mais attention à la violence... c'est ce qui m'a quand même un peu retenue..
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Très bon roman servi par une belle écriture limpide, abordant l'antisémitisme dément des uns et la solitude désarmée devant l'adversité, de l'autre. Ce roman angoissant m'a beaucoup plu.

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"L'homme de Kiev" est un livre écrit il y a 50 ans par un auteur qui écrivait comme on le faisait 50 ans plus tôt.
Autant dire que personne n'oserait sortir pareil ouvrage aujourd'hui.
Pour autant, le récit fonctionne très bien. Malgré l'outrance, malgré la naïveté, malgré le manichéisme... parce qu'à la lecture du récit de l'enfer vécu par ce juif accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis on se dit que la vie d'un juif dans la Russie des Tsars et des pogroms devait réellement ressembler à ça. L'antisémitisme et ses racines profondes dans notre vieille Europe sont ici parfaitement mis en lumière.
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Il y a de ces livres dont on a l'impression qu'ils sont complets, qu'ils abordent tous les sujets de la vie. J‘ai ressenti cela avec Kundera et son Insoutenable ... et je ressens la même chose après cette lecture-ci.
Un roman russe écrit par un américain, être plus universel serait difficile. Ici les âmes tourmentées sont moins théâtrales et sont coulées dans un développement narratif extrêmement fluide.
L'histoire est très simple, mais elle est d'une force qui ne nous laissera pas indemne.
Yakov Bok est un pauvre réparateur juif à Kiev, qui à cette époque est une ville russe à part entière. Nous sommes en 1911. le régime des Romanov fête ses trois cents ans, mais devient de plus en plus chancelant.
Des revers militaires contre le Japon à la révolte populaire de 1905, qui est une répétition générale de celle d'Octobre, le régime est très contesté. Nicolas II, en politicien mal dégrossi qu'il est, se crispe et afin trouver de coupables pour ses déboires, qui désigne-t-il? Tout juste, les Juifs, appelés les zhids par les Russes. Il laisse faire la milice des Cent-Noirs, antisémite et d'extrême-droite, pour les persécuter et pour les chasser des villes par le biais de pogroms baignant dans la violence extrême.
Un garçon chrétien de douze ans est retrouvé assassiné, criblé de plus de quarante coups de couteau. Un funeste concours de circonstances fait que Yakov Bok passait par là. Parfaitement étranger à ce crime, il est néanmoins arrêté et jeté en prison, sans qu'un acte d'accusation ne lui soit présenté. Il passera trois ans dans les geôles russes, y subissant les pires exactions et humiliations.
Je vous en fais l'économie. L'appareil judiciaire et politique s'acharne sur lui. Les Juifs sont les boucs émissaires du régime et Yakov va cristalliser toute la haine des Russes chrétiens. Juif et libre penseur, adepte du philosophe Spinoza, il aura très peu de chances d' échapper à son étiquette de coupable idéal. Les quelques fonctionnaires ou gardiens qui lui témoigneront le moindre soutien moral, disparaissent et sont éliminés par le régime. Rien ne le libèrera de cette accusation fallacieuse.
Malgré les pressions qu'on lui assène, Yakov ne tombera jamais dans le piège de “l'aveu spontané”. Il résistera. Il ne s'est jamais assis pour attendre sa fin en acceptant sa condition. Juste avant l'assassinat de l'enfant, il avait quitté son shtetl (quartier juif en yiddish), où il vivait comme un misérable. Pour lui “la vie peut être meilleure qu'elle ne l'est”. C'est ce principe qui lui permet de tenir le coup dans sa cellule immonde.
L'absence d'un acte d'accusation réel et clairement rédigé donne des relents résolument kafkaïens au récit. Petit à petit, le cauchemar de Yakov devient celui du drame de la Russie toute entière et même du monde: l'humanité s'est fait la malle. Haine, violence et mensonge deviennent la norme.
Le personnage de Yakov est complexe et riche à la fois, c'est le destin d'un homme seul qui résiste à une machine bien plus puissante que lui. Comme Meursault, c'est homme qui dit “Non”, bien que la question posée n'est pas la même.
Si je dois résumer ce livre en une seule phrase, la voici “ on ne peut rester assis à se regarder détruire sans réagir”.
C'est un très grand livre, qui se termine sur un dialogue imaginaire extraordinaire entre Yakov et le tsar.
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Je ne développerai pas ce qui a déjà été dit et que je partage.
Je suis étonnée du peu de lecteur de ce livre sur Babelio,

Je me permets donc d'ajouter : A LIRE ABSOLUMENT.
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sur un sujet terrible , l'arrestation d'un juif dans une russie antisemite, une histoire fine et touchante Kafkaienne un livre déroutant et attachant
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Livre très dur
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