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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quel beau livre ....
Ce roman, inspiré d'un fait réel survenu à Kiev en 1911 m'a touché. Il conte l'histoire d'un juif, Yakov Blok, réparateur, qui quitte son sheltel où rien ne le retient - il est orphelin, est sans le sou, et sa femme l'a quitté - pour partir à Kiev. Là, il se voit proposer un travail par un homme dont il a sauvé la vie. Cet homme est membre d'une association anti-juive et ignore que Yakov l'est. La proposition est acceptée par Yakov qui se donne une autre identité et habite alors dans un quartier interdit aux juifs.
Le meurtre d'un jeune garçon chrétien va bouleverser sa vie : il est faussement accusé d'avoir commis un mettre rituel après que l'on ait découvert sa fausse identité. Yakov Blok est pourtant non-croyant, et est plutôt admirateur de Spinoza. Il est emprisonné, le juge d'instruction ne le croit pas coupable mais la pression de ses supérieurs et de l'opinion publique est trop forte, et le juge d'instruction se suicide. On presse Yakov d'avouer, on le laisse moisir dans sa cellule, on lui offre la vie sauve contre un aveu mais Yakov endure tout et refuse, ilt met toutes ses espérances dans son procès.
L'histoire est prenante, les descriptions des états d'âme de Yakov sont bien rendues.
C'est la belle histoire morale d'un homme simple mais fidèle à ses convictions.
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Que dire de ce roman sans hurler les inévitables sentiments contradictoires de révolte et d'impuissance qu'il nous inspire ?
Que dire... sinon que ce n'est pas fini et que cette ignominie qui se déroule en 1911 est, encore et toujours, d'actualité ? Ici... ailleurs... sous les mêmes prétextes... ou d'autres... Qu'importe ! Ni le fond ni la forme n'ont changé. Comment pourrait-il en être autrement puisque l'Homme, lui-même, ne change pas.
Les tragédies se déplacent et reviennent. On ne tire de leçon de rien. On oublie, on passe à autre chose et on s'imagine à l'abri alors que tout peut basculer d'un instant à l'autre, pour un, pour dix, pour cent ou des milliers.
Et il en sera ainsi tant que l'on n'appréhendera notre "évolution" que sous un aspect exclusivement matériel, économique, technologique, que sais-je... alors que c'est sur le plan psychologique qu'une évolution véritable et pérenne doit se réaliser.

La lecture de ce roman m'a été difficile. Non parce qu'il est compliqué (ce n'est pas le cas) mais parce que, chaque soir, en le refermant, je m'endormais avec de sombres images dans le crâne qui perturbaient mon sommeil.
Mais je n'ai aucun regret car le moins que je pouvais faire était d'aller jusqu'au bout de ce récit insoutenable de réalisme et de désespérance.
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Yakov Bok porte sur lui le poids de malheurs divers : celui d'être pauvre, quitté par sa femme, et surtout juif dans une Russie tsariste à la veille de la Révolution où l'antisémitisme règne. Il quitte son village pour Kiev, une suite de circonstances lui fait diriger une briqueterie dans un quartier interdit aux Juifs. le meurtre d'un enfant à proximité lui est imputé, car c'est bien connu, les Juifs pratiquent les meurtres rituels, et la haine à leur égard permet d'évacuer d'autres sujets de mécontentements de la tête de la population. Malgré l'absence de la moindre preuve réelle, et la bonne volonté d'un juge d'instruction intègre, Yakov Bok est emprisonné dans des conditions de plus en plus inhumaines, pour le faire avouer le crime, et en faire porter le poids sur sa communauté. Il résiste d'une façon étonnante, gardant sa dignité et sa vérité.

Inspiré par un fait réel, L'homme de Kiev n'a rien d'une chronique de fait divers. Il s'agit d'un récit, qui malgré quelques aspects réalistes, transcende le réel, a des visées universelles et métaphoriques. le personnage de Yakov Bok est celui d'un homme libre, qui met d'une certaine façon à nu tous les rouages de l'antisémitisme, mais au-delà toute la violence et tous les mécanismes de domination d'une société, qui a besoin de boucs émissaire pour régner sur les foules. le sacrifice de Yakov Bok qui résiste à tous les supplices, en fait presque une figure de rédempteur, de celui qui va mettre en évidence les dysfonctionnements, qui les rend illégitimes. le tragique de sa situation, en dehors de la question de l'antisémitisme, pose la question de la liberté, de la place de l'individu, quel qu'il soit dans cette société. Bibikov, le juge d'instruction le dit explicitement :

« Car n'oubliez pas que du jour où votre vie est décrétée sans valeur, la mienne ne vaut pas cher non plus, et que si la loi ne vous protège pas, elle ne me protégera pas davantage. »

En allant encore plus loin, le livre interroge toute société, comme la société américaine des années 60 du dernier siècle dont date le livre, années marquées par la loi sur les droits civiques, sa difficulté à être appliquée, les exactions de Ku Klux Kla, des procès célèbres, certaines manipulations de la justice, finalement pas si éloignés de ce que décrit le livre de Bernard Malamud

Un grand livre universel.
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Difficile de croire qu'un primé du fameux Pulitzer, une sommité des lettres juives américaines, soit si peu connu en France. Bref, passons cette introduction en forme de coup de gueule.

Sans être un chef-d'oeuvre à mon sens (on y était presque), L'homme de Kiev vous met un uppercut direct dans votre frimousse de lecteurs trop naïfs. Il s'agit d'un de ces romans qui 50 ans plus tard, n'ont rien perdu de leur modernité, de leur message universel, cette grande leçon de morale contemporaine qui vous confronte à la laideur du monde (je ne suis pas d'un caractère optimiste je le confesse).

Bernard Malamud se saisit d'un fait divers qui eut lieu en Ukraine impériale au début du XXe siècle : un juif tout ce qu'il y a de plus tranquille, fut accusé (à tort précisons-le) du meurtre sauvage d'un pré-pubère ukrainien et chrétien. Il n'en fallut pas plus pour déchaîner la fosse aux lions de la vindicte populaire et antisémite de cette Russie, grande amatrice de pogroms et autre chasse aux Juifs. On doit s'ennuyer ferme dans ces pays froids...

Bernard Malamud compose le personnage de Yakov Bok, brave et simple réparateur, débarqué tout droit de son shtetl au mauvais endroit au mauvais moment. Yakov ne rêvait pourtant que d'une vie simple et paisible : un logis confortable, un revenu décent, une existence méditative loin de la pression de sa communauté religieuse, lui le libre penseur agnostique, adepte de Spinoza. Déjà cocu et quitté par une vile épouse infertile, la poisse semble lui coller aux basques. Les mauvaises rencontres, le fatum, bref, prenez-le comme vous voulez mais toujours est-il que le voilà accusé de meurtre rituel sur une victime chrétienne. La légende voudrait que les Juifs se nourrissent de sang de martyrs chrétiens pour célébrer shabbat, rien que ça ! Donc CQFD, Yakov Bok a tué pour cette raison. Je vous épargnerais les salamalecs et autres croyances transmises de génération en génération dans cette bonne vieille Russie tsariste mais cela fait froid dans le dos. Sans compter l'inaction de la justice du tsar bien décidée à lui faire tâter de la potence, les faux témoignages, les mensonges et omissions, et vous aurez le tableau saisissant d'une erreur judiciaire implacable de monstruosité. le pauvre Yakov Bok, pauvre bougre impuissant, assiste médusé, au terrible sort qui lui est destiné, broyé par une époque instable.

Je vous le disais en préambule, ce roman est intemporel, modernement absurde, saisissant de réalisme. Bernard Malamud aurait pu le transposer à n'importe quelle époque, à n'importe quel endroit, ça ne changerait rien au message sous-jacent. Lisez ce roman les amis, il ne vous fera que du bien. Et même si l'émotion n'est pas au rendez-vous, d'autres sentiments tels la colère, la frustration, la révolte mais aussi le désir de paix, vous accompagneront et ils sont bien nécessaires en ce temps troublés.
Lien : http://www.livreetcompagnie...
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Ce livre, prêté par mon fils, m'a fait découvrir un auteur remarquable.Prix Pulitzer en 1967 pour ce livre justement, cet écrivain américain de parents juifs immigrés a construit un roman hallucinant.

Hallucinant d'injustice, de souffrances atroces auxquelles on condamne un innocent.Mais revenons au début: Yakov Bok est un pauvre juif , quitté par sa femme et sans ressources, il est réparateur en tous genres. Il décide d'aller à Kiev , dans l'espoir d'une vie meilleure. Avant de partir, il confie, révolté, à son beau-père: " Tout au long de ma misérable enfance,j'ai vécu dans un orphelinat puant et je me suis borné à exister. Dans mes rêves je mangeais, et je mangeais mes rêves".

Malgré ce destin jusque là terrible, il espère que les choses changeront pour lui. Tout semble plutôt s'améliorer au départ mais le sort s'acharne: il est accusé d'avoir assassiné un jeune garçon.En cette année 1911, le climat politique est agité en Russie.La Révolution de 1905 a eu lieu mais le régime tsariste est toujours en place.Et surtout, la haine du Juif bat son plein.Les pogroms se multiplient.Yakov sert de bouc émissaire.

Commence alors son incarcération et les sévices corporels et mentaux.On pense au " Procès" de Kafka, tant l'absurdité du système judiciaire fait frémir. Yakov, qui désirait s'instruire et lit Spinoza connaît un enfermement insupportable, enchaîné à des fers mais criant toujours son innocence.

La fin est assez apocalyptique, symbolique.

Une oeuvre forte sur la condition humaine, la liberté, d'une ironie sombre.

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lecture émouvante d'un fait divers romancé qui se passe au début du XXème siècle mais qui fait encore écho au début du XXIème siècle (hélas pourrions-nous dire).
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Zhenia Golov, un gamin âgé de 12 ans est retrouvé sauvagement assassiné par deux autres gamins. Son corps criblé de coups de couteau avait été saigné à blanc.
"Les Juifs" sont montrés du doigt....
Yakov Shepsovitch Bot, un homme simple, vivant de petits boulots, a été abandonné par son épouse infidèle, alors il part vers la grande ville, vers Kiev dans sa vieille charrette déglinguée tirée par son vieux cheval pour chercher du travail. Il accepte tout, il sait tout faire, notamment réparer tout ce qui est cassé. D'ailleurs il est "Le Réparateur".
Yacov n'est pas un homme inculte, il aime lire Spinoza
Il sauve un vieil homme riche, Nicolai Maximovitch Lebedev, qui s'était affalé dans la neige. Reconnaissant le vieil homme lui proposera de remettre en état un appartement qu'il loue, puis de surveiller sa briqueterie afin de réduire les vols de briques... Yakov se méfie de cet homme qui arbore l'insigne des "Cent-Noirs" épinglé à son manteau...l'insigne d'une groupe ouvertement antisémite et raciste.
Yacov est juif, il a besoin de travailler et malgré les risques qu'il encourt, il accepte ces deux propositions. Et donne toute satisfaction, sauf aux ouvriers et contremaîtres de l'usine...il gêne leurs petits trafics .
Il est juif...il devient donc également le suspect idéal, celui qui a tué le gamin pour récupérer son sang....le sang rituel qui sert à la fabrication des "matsots", ces galettes de pain azyme mangées pour Pessah, la Pâques juive.
Il est arrêté, emprisonné et interrogé par un juge d'instruction et un procureur général qui ne s'aiment pas...l'un fait honnêtement son travail, alors que Yakov est le coupable idéal aux yeux de l'autre. Lutte de pouvoir entre les deux magistrats, entre l'honnêteté et l'antisémitisme. Qui va vaincre selon vous?
Yakov résiste, et se rend compte que chaque geste de sa vie, que chacun de ses actes dans les jours précédant la mort du gamin, est mis a profit pour lui faire endosser la responsabilité de ce crime. Tous les moyens sont bons pour le faire avouer : l'isolement, la nourriture infecte, le froid, les privations de tout, les fers, l'humidité du cachot, l'obscurité...Aucun animal n'aurait résisté ! On s'enfonce dans le sordide, dans la haine, dans l'imagination et le dépravation des uns contre le Droit, contre l'innocence. Que d'imagination du pouvoir et de la "justice" pour avancer dans le pire, vers le paroxysme de la haine et du rejet de l'autre. IYakov va devoir faire face et résister à presque toutes les exactions nées de l'imagination humaine !
Admiration pour cet homme qui lutte pour obtenir un double de son dossier d'accusation et réfute les arguments qu'on lui oppose, admiration pour sa force de caractère.
Il devient un Dreyfus russe, Dreyfus que Bernard Malamud évoque, confirmant sans doute ainsi l'universalité de cette haine et de son propos.
Le procès arrive...
Réparateur....réparer. Oui il faut réparer notre monde, réparer ces cerveaux antisémites ou racistes qui s'estiment supérieurs aux Juifs, et maintenant aux Noirs, aux Arabes...N'est-ce pas le message de Bernard Malamud ?
Un roman sans doute inspiré de la vie de Menahem Mendel Beilis un juif ukrainien accusé d'avoir commis un crime rituel en 1911.
Il suffit de lire la presse, d'écouter les médias pour se rendre compte que cet antisémitisme, que ce racisme sont toujours présents dans de nombreux esprits.
Chacun peut devenir "le Juif" de l'autre : "Ouvrant brusquement un livre à une page couverte de croquis à la plume, il l'orienta de telle sorte que Yakov pût lire le titre imprimé : Nez juifs.
« Tenez, par exemple, voici le vôtre, dit Grubeshov en désignant un nez mince à l'arête busquée et aux narines fines.
— Et voilà le vôtre », répondit Yakov d'une voix rauque en désignant un nez court et charnu aux ailes épatées.." (P. 187)
Sourire à méditer !
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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"L'homme de Kiev" est une lecture indispensable. Un peu comme "Si c'est un homme" de Primo Levi. Un livre qui traite de l'anti-sémitisme dans la Russie du dernier tsar. Un mal qui était bien enraciné, bien avant l'émergence du nazisme...

Je suis totalement fasciné par le maintien de forts courants anti-sémites dans notre société. On continue à stigmatiser les juifs pour avoir tué Jésus, alors que le christianisme s'étiole dans nos sociétés occidentales. le mal est ancien, il fait surface au moindre prétexte, et le conflit libano-palestinien n'est souvent qu'un prétexte pour faire ressortir la pieuvre de sa boite. Quel acharnement contre ce peuple !

"L'homme de Kiev", écrit par un auteur juif américain dans les années 60, est un livre coup-de-poing sur ce mal endémique qui était déjà virulent dans les années 1910. Les juifs étaient des boucs-émissaires faciles face aux échecs de la politique tsariste. Des mouvements nationalistes puissants luttaient contre ces parasites qui polluaient le sang russe. Et c'est de sang justement qu'il est question dans la mise en cause d'un artisan juif, Yakov Bov accusé d'avoir tué un jeune garçon russe, pour puiser son sang et en faire des gâteaux...

La seule erreur de ce juif est d'avoir voulu sortir de son quartier réservé en se faisant passer pour un chrétien et apporter son savoir-faire à un riche exploitant russe. Il connaît un semblant de succès qu'il vit mal comme un imposteur, allant jusqu'à repousser les avances de la filles de son patron. Jusqu'à la découverte d'un petit cadavre et les soupçons qui s'accumulent sur lui.

"L'homme de Kiev" est un livre qui parle d'enfermement. Près des trois quarts du livre se passent dans une prison austère où il ne se passe rien. le suspect y est enfermé avant son procès qui est reporté de mois en mois, et soumis à une pression psychologique terrible pour qu'il avoue. L'auteur Bernard Malamud nous fait partager les souffrances et les états d'âme de son Yakov, pauvre hère broyé dans la machine impitoyable d'une justice qui ne l'est que de nom. Il réalise au final que son affaire ne le concerne plus, elle concerne la volonté de mettre sur le dos des juifs tout le mal de la société. Et un juif qui ne participe pas à cette vision de la société doit se soumettre ou mourir à petit feu. Terrible, près de 30 ans avant Hitler...

Ce livre n'est pas une lecture facile. Tenir quelques centaines de pages sur un scénario si mince est éprouvant. On sent que l'auteur a voulu transmettre l'évolution psychologique de son héros où percent la souffrance, l'incompréhension, le rejet de soi. Son Yakov symbolise, à lui seul, tous ses compatriotes qui restent mal-aimés et souffrent des pires injustices. C'est puissant et cela reste une forte dénonciation.

Un livre à lire pour dénoncer définitivement le fait qu'un homme ne peut être jugé sur ses seules origines.
Lien : http://calembredaines.fr
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Ce livre a démarré pour moi comme sur un malentendu. J'ai trouvé les premières pages très amusantes, je m'attendais dès lors une série de situations gaguesques, entre Pierre Richard et le Joseph K de Kafka. Puis petit à petit, j'ai bien dû me rendre compte que ce n'était pas du tout marrant.
Mais ce malentendu m'a donné peine à pleinement apprécier ce livre, et son contenu, et à le considérer à l'instar de beaucoup comme un chef d'oeuvre. J'ai l'impression d'avoir lu plus fort et mieux écrit. Bien sûr on pense à l'Affaire Dreyfus, j'ai aussi pensé au livre de Philippe Claudel, Les Âmes grises (qui a probablement dû s'inspirer de ce livre-ci, antériorité oblige), et on pense à Kafka. Et on pense à Koestler. Et on pense à Primo Levi et on pense et on pense...
Ce titre L'homme de Kiev est mal choisi. le titre original est The Fixer, le réparateur. Et c'est beaucoup plus juste. Vraiment dommage d'amputer du sens.
Reste un très bon livre.
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Tout le monde connait l'affaire Dreyfus. Plus méconnue -du moins en France- est l'affaire Beilis...
En 1913, Menahem Mendel Beilis fut accusé à tort d'avoir assassiné un jeune garçon ukrainien du nom d'Andrei Yushchinsky, pour cause de prétendu crime rituel.
"L'homme de Kiev", roman de l'écrivain américain Bernard Malamud, est inspiré de cette sordide histoire.

Yakov Bok, 30 ans, homme modeste, est réparateur dans un village d'Ukraine. Quitté par sa femme, il éprouve un irrépressible besoin de changer d'environnement, et part s'installer à Kiev. Au bout de quelques jours, la chance lui sourit : il porte secours à un homme tombé dans la rue, propriétaire d'une briqueterie. Ce dernier lui propose un emploi, qui comprend par ailleurs la jouissance d'un logement situé au-dessus de la fabrique, d'où Yakov pourra surveiller les chargements nocturnes de marchandises. Son employeur soupçonne en effet certains de ses ouvriers de détourner pour leur compte une partie de la production.
Après quelques hésitations, le réparateur accepte la proposition, mais se voit contraint pour cela de cacher à son bienfaiteur son statut de juif, qui lui interdit de résider dans le quartier de la briqueterie, réservé aux goyim.
Lorsque le cadavre mutilé d'un jeune garçon est retrouvé dans les environs, cette judéité fait de lui le coupable idéal...

C'est, pour Yakov, le début d'un interminable cauchemar.
En l'absence d'aveux et par manque de preuves tangibles, qui permettraient une inculpation certaine, ses détracteurs les plus acharnés au sein de l'appareil judiciaire refusent de délivrer l'acte d'accusation. le héros passe ainsi de longs mois en détention, sans possibilité de se défendre, subissant une attente d'autant plus atroce que sa durée est indéfinie, harcelé par un procureur qui tente par tous les moyens de le forcer aux aveux.

L'isolement, la faim, le froid, et, pire que tout, les humiliations, ainsi que la torture psychologique que suscitent cette évidente injustice et l'absence de toute possibilité de la combattre, le détruisent à petit feu.

Le lecteur lui-même ressent avec force la frustration que génère l'impuissance de cet homme face à la mauvaise foi et la cruauté de ses accusateurs, mais pas seulement : toute la population semble d'être liguée contre lui, bouc-émissaire d'une communauté haïe et méprisée. Tous les subterfuges -faux témoignages, pseudo expertise d'un pope à propos des pratiques religieuses juives- sont bons pour apporter la preuve que Yakov, sans doute entrainé par les membres de sa communauté, a commis sur la personne du jeune garçon un assassinat rituel, tel qu'ont coutume d'en perpétrer ces monstres barbares et sanguinaires que sont les juifs. Les rares magistrats qui tenteront de rendre dans cette affaire une véritable justice, seront eux aussi broyés par ce système inhumain et corrompu.

Le comble, c'est que Yakov ne se sent pas lui-même vraiment juif. Athée, libre penseur, la curiosité intellectuelle de cet homme avide d'instruction s'oppose à l'obscurantisme de ses ennemis, qui substituent à la raison et à l'objectivité les superstitions de l'imaginaire collectif, et la logique inique de leur intellect limité. le réparateur, personnage d'emblée assez peu sympathique, malgré l'épreuve de son séjour pénitentiaire, et certains épisodes de découragement, de rage, fait preuve à l'inverse d'une droiture dont la constance force l'admiration.

Bernard Malamud a fait le choix de placer son récit entièrement du point de vue de Yakov. Nous restons ainsi à ses côtés durant ses longs mois d'incarcération. Comme lui, nous sommes ignorants de l'évolution de l'enquête le concernant. Les éléments qui lui parviennent, rares, sont déformés par ceux qui les lui rapportent. On ne perçoit que de vagues bribes de l'agitation politique du dehors, et des remous que suscite cette affaire dans la société de Kiev. Mais cette approche est un moyen efficace de toucher le lecteur qui, témoin intime du calvaire du héros, appréhende avec révolte et émotion l'étendue des ravages que peut provoquer la bêtise humaine.
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
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