LEVÉE EN MASSE
Ne serait-ce qu’une fois, si tu parlas de liberté,
Tes lèvres, pour l’avoir connue, en ont gardé le goût du sel,
Je t’en prie,
Par tous les mots qui ont approché l’espoir et qui tressaillent,
Sois celui qui marche sur la mer.
Donne-nous l’orage de demain.
Les hommes meurent sans connaître la joie.
Les pierres au gré des routes attendent la lévitation.
Si le bonheur n’est pas au monde nous partirons à sa rencontre.
Nous avons pour l’apprivoiser les merveilleux manteaux de l’incendie.
Si ta vie s’endort,
Risque-la.
TRESSE NOIRE
Extrait 3
Ample et sonore, moi, je ne sais où, demandant avec
insistance des nouvelles du beau temps, la dernière
adresse de l'aube, le goût fruité du printemps.
J'ai déjà en toi cette faim des choses sensibles. Aime et
surveille ma mémoire. Je me confie à ta vie. Je refuse
la mort et le sommeil.
La nuit se tait. C'est la nuit dans un hibou, un hibou
dans la nuit, et nous couchés, tournons à la vitesse
acquise de la terre, de saison en saison, boule qui
amasse la mousse, vivants qui cueillons les frissons.
La joie
Avec au bord des lèvres la vie surprise au moment où j’allais dire ton nom
Je m’avance, respire
Tu es ma femme et je te connais depuis cent ans
Tu es un château de feuilles
J’ai pris ta main au bout du soleil
Et le soleil m’a dit une longue histoire de soleil
Avec des radeaux sur la rivière
Et la rivière m’a parlé de ton corps
Et ton corps se termine par une main que j’ai rendue au soleil
C’est toi
Je suis fait d’ombre à tes côtés
Je suis fait des silences que tu aimes
Nous sommes jeunes et nos jours sont longs
Le mal du temps
Tous les soirs
Parce que j’aime et je veux vivre
Tous les soirs
Parce que tant qu’on vit on vit d’espoir
Et que je sais ce que vivre veut dire
Tous les soirs
Ce poids tu temps je le dépose à terre
Comme un qui sait dormir
Comme un qui peut mourir
Mais qui ne veut le faire
TRESSE NOIRE
Extrait 1
Ma mort timide frappe à ma porte.
Toi, mon amie, seule, tu peux désormais dire le mot
secret qui permet aux passants d'envahir nos artères.
Notre innocence a fait rougir les mots. J'ai placé des
îles dans ton corsage et soulevé la tempête dans ta
hanche.
L'amour, la mort sonnent tout entiers comme la mer
tout entière dans n'importe quel débris de coquil-
lage.