Un lieu, une date :
Alabama 1963 déboule dans l'univers du polar sans crier gare. de ce premier roman signé par deux traducteurs de séries TV, une belle évidence se dégage de la lecture dès les premières pages : une entrée en matière sans chichi pour une écriture sans fioritures laissant beaucoup de place aux dialogues. Mature, simple (parfois trop…), direct, le style est ici au service de l'intrigue qui se déploie façon journal de bord de l'été 1963 aux tous premiers jours de 1964.
Alors que des jeunes adolescentes noires disparaissent dans ce sud poisseux et poussiéreux, Bud, un ex-flic déclassé en détective miteux tente de mener l'enquête entre deux verres de whisky. Face à la défiance dont il fait l'objet au sein de la communauté noire et des témoins, il embarque avec lui Adela, une jeune femme de ménage qu'il vient d'embaucher pour nettoyer son bureau sordide. Si elle lui sert au départ de caution, elle devient peu à peu une cheville ouvrière indispensable dans la résolution de ces crimes qui s'accumulent
Dans
Alabama 1963, l'intrigue policière est un prétexte au service du contexte. Ce lieu (Alabama) et cette date (1963) sont le véritable coeur du récit, contemporain du mouvement des droits civiques (la marche sur Washington, du célèbre «
I have a dream » de
Martin Luther King, mais aussi, pardonnez du peu, de l'assassinat de JFK). Chaque page du roman restitue l'atmosphère de Mississippi burning avec le KKK en embuscade, le racisme ordinaire, la résignation des noirs face aux humiliations quotidiennes qu'ils subissent à laquelle répond la frivole cruauté des blancs.
Cette double tragédie (celle des jeunes adolescentes violées et assassinées, celle d'une humanité broyée) est racontée avec un détachement, une légèreté et un humour qui, par contraste, renforcent la tension dramatique. Il y a beaucoup de fraicheur dans
Alabama 1963, et jamais cette histoire suffocante n'est traitée de façon larmoyante. Malgré un duo d'enquêteurs qui restera à mes yeux improbable, des phrases qui cèdent trop volontiers à la démagogie et à la facilité, et un dénouement bâclé, je n'ai pas boudé mon plaisir de lecture. Chaque page dit, sent et transpire le titre du roman.